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Quoi qu'il en soit, Bernard de Combret s'occupait activement des soins de son diocèse, et il venait d'autoriser et de confirmer, le 19 avril 1258, un règlement fait entre le prévôt et les chanoines de la cathédrale au sujet de la distribution des revenus et pour la répartition des droits et des devoirs entre les membres du chapitre1, lorsque de nouvelles attaques de la part des gens du sénéchal de Carcassonne l'obligèrent de recourir aux armes. Appuyé du secours d'Izarn et d'Amaury, vicomtes de Lautrec, de Raymond de Lescure, Guillaume de Monestier et plusieurs autres seigneurs, il mit sur pied un corps de troupes, au mois de juillet 1258, et ravagea bientôt le pays. II porta même ses armes contre l'abbé de Gaillac, qui avait pris le parti du bailli du roi et se trouvait soutenu par Bertrand, vicomte de Bruniquel, ainsi que par l'un des. vicomtes de Lautrec, Bertrand, fils de Sicard, lequel cependant avait reconnu, le 29 janvier 1257, devoir l'hommage à Bernard de Combret pour quelques terres de son diocèse 2.

Dans un combat qui eut lieu entre Alby, et Gaillac les soldats de l'évêque firent un jour plusieurs prisonniers, parmi lesquels on remarquait le vicomte de Bruniquel, Izarn de Tauriac, Guillaume de Serre et quelques autres seigneurs pour la plupart assez grièvement blessés. Pierre d'Auteuil, alors sénéchal de Carcassonne, ayant été informé de ces faits, fit citer à son tribunal l'évêque, les consuls et les habitants d'Alby, les sommant de lui re

Archives du chapitre, fol. 163, ms. 106.

2 Archives de l'évêché, fol. 151, ms. 106.

mettre les prisonniers qu'ils avaient faits; mais Bernard, se fondant sur ce que la seigneurie de la ville lui appartenait, sous le vasselage de l'archevêque de Bourges, refusa de répondre à cette citation et fit signifier à Pierre d'Auteuil un appel au roi1. Le sénéchal, sans s'arrêter à cet appel, qu'il considérait comme un artifice introduit avec malice, assembla des troupes à la tête desquelles vinrent se placer Olivier de Termes, Lambert de Turey, Pierre de Grave et plusieurs autres chevaliers; puis il marcha contre la ville d'Alby et se saisit du temporel de l'évêque.

Cependant les habitants n'avaient pas attendu jusqu'au dernier moment pour se fortifier, et ils se montrèrent tout d'abord disposés à faire une vigoureuse résistance au sénéchal. Celui-ci se retira alors prudemment à Lombers, où il condamna les consuls d'Alby à une forte amende 2, et, de leur côté, les habitants eurent recours à la protection de l'archevêque de Bourges, à qui ils écrivirent le 3 octobre 12583. Un concile provincial fut aussitôt convoqué à Bourges pour cette affaire, et Bernard de Combret, qui y assista, pressa vivement l'archevêque, son métropolitain, de s'employer en sa faveur auprès du roi, qui l'avait fait citer; mais Louis IX, dans un parlement tenu à la Toussaint de l'an 1259, ordonna que l'évêque répondrait à la cour « sur l'ajournement personnel qui avait été décerné contre lui pour avoir fait une assemblée

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2 Hist. gén. de Languedoc, t. III; pr. p. 542 et seq.

maine de Montpellier, Albi, no 20.

3 D. Martène, Thesaurus anecdot. t. I, p. 1107.

Archives du do

1

<«<de gens d'armes, parmi lesquels il y avait plusieurs fai« dits (proscrits), contre la défense du sénéchal de Carcassonne, et on débouta l'archevêque de Bourges de la << demande qu'il faisait que ce prélat fût renvoyé à sa

<< cour 2. "

Aussitôt après cette sentence, l'évêque et les habitants promirent d'obéir aux ordres du sénéchal de Carcassonne; mais, au jour de l'assignation, il ne se présenta que quelques chevaliers au nombre desquels étaient Izarn et Amaury de Lautrec. Tous furent condamnés à diverses amendes pour avoir pris les armes en faveur de l'évêque d'Alby, ainsi que plusieurs autres seigneurs contumaces, au nombre desquels on comptait Ermengaud de Combret et Pierre, l'un des vicomtes de Lautrec. Quant aux chevaliers qui étaient sujets d'Alphonse, comte de Toulouse, ils furent aussi condamnés par le sénéchal de cette ville à des amendes pour s'être trouvés à «la chevauchée et au conflit d'armes » qui avaient eu lieu entre l'abbé de Gaillac et l'évêque d'Alby 3.

Cependant le sénéchal de Carcassonne, Pierre d'Auteuil, faisait faire une nouvelle enquête pour constater les droits du roi dans la ville d'Alby. De leur côté, les consuls écrivaient à l'archevêque métropolitain pour se recommander

1 Le banni devait être, disait-on, en état de guerre avec tous les hommes, in faida. On l'avait donc appelé faidosus, d'où l'on fit le mot faidit. 2 Hist. gén. de Languedoc, t. III, p. 492.

p.

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3 Trésor des chartes de Toulouse. - Hist. gen. de Languedoc, t. III; pr. 542 et seq.

▲ Hist. gén. de Languedoc, t. III; pr. p. 557. — Archives du domaine de Montpellier, titres d'Albi, no 24.

à lui, et Bernard de Combret renouvelait son hommage, le mardi après la fête des apôtres Pierre et Paul de l'an 1262, en présence de l'évêque de Mende. L'archevêque, qui se trouvait à Clermont, déclara dans cette circonstance, que l'hommage devait lui être rendu à Bourges et non ailleurs. Toutefois il voulut bien accepter dans le lieu où il se trouvait, et pour cette fois seulement, celui de l'évêque d'Alby, afin d'éviter de nouvelles fatigues au prélat, à cause de ses infirmités et de sa faiblesse1.

Tant de troubles et de tourments lassèrent enfin la patience de l'évêque, qui manifesta le désir de traiter directement avec le roi; mais il rencontra sur ce point une opposition assez vive parmi le chapitre de la cathédrale, et il se vit dans la nécessité d'adresser une supplique au pape pour obtenir la permission de transiger seul et sans le concours des chanoines. Par suite de ces faits, Urbain IV écrivit, le 13 décembre 1263, à Jean, archevêque de Bourges, primat d'Aquitaine; et celui-ci, par lettres du jeudi après la Pentecôte, autorisa Bernard de Combret à traiter avec Louis IX touchant la justice temporelle de la cité d'Alby 2.

Muni de ce pouvoir, Bernard se rendit aussitôt à Paris auprès du roi, et, le 5 décembre 12643, il fut arrêté

1 D. Martène, Thes. nov. anecdot. t. I, p. 1114.

2 Preuves, n° XV.

3 Ce document intéressant, que M. Compayré a donné, en langage du pays et en latin, est fort curieux à connaître, en ce qu'il prouve qu'on laissa alors à l'évêque la plupart des droits qui lui étaient contestés. J'ai entre les mains une copie de cet acte en langage roman assez semblable au texte qu'a donné l'auteur des Études historiques sur l'Albigeois ; mais si j'ai pu égale

d'un commun accord que l'évêque conserverait la haute justice de la cité, c'est-à-dire la connaissance des larcins, adultères et autres crimes, ainsi que la garde des clefs des portes; que la justice basse serait commune entre les officiers du roi et ceux de l'évêque, de telle sorte que les habitants auraient le droit d'intenter leurs actions soit devant le bailli du roi ou devant le délégué de l'évêque; qu'ils partageraient également les biens confisqués sur les hérétiques et les proscrits, excepté pourtant les moulins dits dels Botetz1 qui avaient été confisqués et devaient rester intégralement à l'évêque ou à ses successeurs; enfin le roi déclara que, pour les droits qu'il possédait en commun, ceux qui les tiendraient de lui en feraient hommage à l'évêque, et que le bailli royal jurerait à son tour, en

ment comparer la version latine avec les pièces que j'avais sous les yeux, je dois ajouter que j'ai vu aussi l'acte par lequel Bernard de Combret annonçait à ses diocésains la transaction signée entre le roi et lui. J'ai donc cru devoir le conserver, d'abord comme une preuve du séjour de l'évêque à Paris, ensuite parce qu'il donne la date exacte de cette pièce. (Voyez Preuves, no XVI.)

1 Au nombre de ces moulins se trouvait probablement celui dont il est déjà question dans un accord passé en 1172, entre l'évêque Guillaume et le chapitre de la cathédrale, dans lequel on voit les chanoines céder à leur pré lat tous leurs droits sur le moulin Bordoles de Botet qui est sous le pont contre la ville d'Alby, en se réservant seulement deux sous huit deniers de censive que Botet, le meunier du moulin, devait leur payer chaque année. (Voyez Preuves, no XVII.)— Je ferai remarquer, en outre, que ce nom a été presque toujours écrit Delbateis, Delbotez, et cependant le manuscrit que j'ai consulté porte fort clairement dels Botetz, c'est-à-dire appartenant à la famille Botet. Cette famille était en effet fort connue à Alby. Je trouve, en 1206, un certain Jean Botet, hospitalier de l'hôpital du Vigan, et un autre Jean Botet, prêtre et chanoine de la cathédrale en 1254. (Voy. Ms. de la Bibl. imp. fonds Colbert, n° 9653, 5 A, fol. 50 verso.)

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