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Charlemagne. On pourrait donc conclure, d'après cet indice, qu'une église fut élevée à Alby dès le vir siècle en l'honneur de sainte Cécile; mais cette hypothèse, hâtons-nous de le dire, ne repose sur aucune preuve, et nous devons avouer que les documents qui parlent de Sainte-Cécile ne sont pas antérieurs au xo siècle.

Nous verrons bientôt cependant qu'il existait à cette dernière époque deux églises de ce nom dans l'Albigeois.

Parmi les pièces qui peuvent appuyer notre opinion sur le nom de la cathédrale d'Alby nous citerons en première ligne un titre déjà connu : le testament de Raymond Ier, comte de Rouergue et marquis de Gothie, fait au commencement de l'an 961, par lequel Raymond donna << plusieurs alleus, châteaux ou domaines à l'église de SainteCroix d'Albi2, » dit M. Roger, qui s'appuie, pour inscrire ce nom, sur un texte de M. Du Mège. Dans cet acte, il n'y a pas une église un peu considérable de la province à laquelle Raymond n'ait laissé des marques de sa piété et de sa munificence; et nous nous sommes assuré que ce précieux document ne fait mention d'aucune église du nom de Sainte-Croix.

Nous sommes donc porté à croire que l'auteur des Archives historiques de l'Albigeois a adopté, sans la vérifier, l'erreur de Massol; il a de plus cité un texte qu'il n'avait pas sous les yeux et, nous le répétons, rien ne justifie les paroles de l'ancien bibliothécaire d'Alby que l'on reproduit beaucoup trop facilement aujourd'hui. Ainsi on lit dans le Missale gothicum, p. 210.

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1 Mabillon, De liturgia gallicana, lib. III. 2 P. Roger, Archives historiques de l'Albigeois et du pays Castrais, p. 39.

testament de Raymond: Illo allode de Loveziaco Sancta Cecilia remaneat et teneat ipsa ecclesia Nodbertus dummodo vivit : post suum discessum Sancta Cecilia remaneat1. Le comte de Rouergue nomme évidemment ici l'église de Sainte-Cécile et non Sainte-Croix. Peut-être pensera-t-on que rien n'indique que ce soit Sainte-Cécile d'Alby; mais un examen sérieux ne doit laisser subsister aucun doute à cet égard, puisque les monuments religieux nommés dans cette pièce sont classés successivement d'après les villes ou diocèses auxquels ils appartiennent. Or, le passage que nous venons de transcrire est précédé d'une donation ainsi conçue faite à l'église Saint-Salvi qui venait d'être construite 2: Illa ecclesia de Sancto Marcello Bernardo episcoPO remaneat ad alodo: ipse alode de Sancto Marcello Sancti Salvii remaneat et post mortem BERNARDI EPISCOPI ipsa ecclesia Sancti Salvi remaneat. Enfin, pour ne pas laisser d'incertitude sur le prélat nommé dans ces dernières lignes, nous devons ajouter que plusieurs documents authentiques mentionnent Bernard comme évêque d'Alby de l'an 951 à 967 environ 3. La citation de M. Roger est par conséquent inexacte, et nous pensons qu'on doit la repousser.

Au temps où le comte de Rouergue dicta ce testament, qui a servi à éclairer plusieurs points de l'histoire du Midi très-obscure dans ce siècle, une idée fatale dominait en France. Hommes et femmes tremblaient dans l'attente de

1 Hist. gén, de Languedoc, t. II, p. 93; pr. p. 108.

2 Raymond et Aimeric cédèrent à l'évêque Miron, qui siégeait en 941, in alleu pour y bâtir l'église de Saint-Salvi. (Gallia Christ. nova, t. I, col. 8.) 3 Hist. gén. de Languedoc, t. II, p. 540. Gallia Christ. t. I, col. 8.

l'an 1000, qui devait amener la fin du monde1. L'effroi était général, toute pensée d'avenir était éteinte, et chacun, s'efforçant de se rendre agréable à Dieu, voulait mériter le ciel par des actes de piété. Ce découragement jeté dans les populations, cette crainte d'une mort indigne nous expliquent les nombreuses donations faites pendant le x siècle aux églises, aux abbayes, aux monastères. On trouve dans le cartulaire de la cathédrale et de l'évêché d'Alby plusieurs actes de cette espèce, qui sont tous autant de preuves de l'existence du nom de sainte Cécile comme patronne de cette église. Ce cartulaire, qui fait partie de la collection de Doat, conservée parmi les manuscrits de la Bibliothèque impériale, est, comme toutes les parties de cette précieuse collection, la copie authentique des titres originaux qui composaient les archives du chapitre ou de l'évêché d'Alby, à la fin du xvII° siècle, auxquels on a joint un petit nombre de titres extraits du Trésor des chartes du château de Foix. Ces actes, classés par ordre chronologique, forment huit volumes in-folio portant les n° 105 à 112. Quelques-uns ont été publiés dans l'Histoire générale de Languedoc; mais la plupart sont encore inédits, et l'on verra dans la suite de cet ouvrage qu'ils nous ont été d'un très-grand secoúrs.

C'est dans le premier volume de cette collection que se trouvent les documents qui serviront à détruire l'opinion généralement acceptée de nos jours que la cathédrale d'Alby fut d'abord dédiée à la sainte Croix; nous avons

1 Nous connaissons plusieurs testaments et autres actes du xe siècle qui commencent par ces mots : Appropinquante mundi termino.

complété ces renseignements par quelques actes déjà publiés parmi les preuves de l'Histoire de Languedoc. Ainsi dans une charte de l'an 966, nous voyons que le vicomte de Narbonne, Matfred, et sa femme Adélaïde, résolurent de faire par dévotion le voyage de Rome; mais ne voulant pas quitter la province sans implorer l'assistance divine, ils firent un testament le jour même de leur départ. Par cet acte, daté du 20 août de la douzième année du règne de Lothaire, ils disposèrent de différents biens en faveur d'un certain nombre d'églises ou monastères, entre autres Saint-Salvi et Sainte-Cécile, qui reçurent en commun l'alleu de Montaningos. Cupiunt ut ipse alodes de Montaningos remaneat inter Sanctum Salvium et Sanctam Cæciliam 1.

Par un nouveau testament fait en 977, Adélaïde, vicomtesse de Narbonne, lègue encore à Sainte-Cécile, à l'église de Saint-Salvi et à l'abbaye Saint-Michel de Gaillac les fruits ou revenus des lieux de Pouzols, d'Orban et de Corras, trois terres situées dans l'Albigeois. De fructu Pociolo et Urbanio et Cauorras tres partes faciant. Una pars detur Sancti Michaeli de Galiaco, alia Sancti Salvi et alia Sanctæ Cecilia 2.

A peu près dans le même temps, vers 974, Garsinde, veuve de Raymond-Pons, comte de Toulouse, fait un grand nombre de legs pieux à diverses églises et, parmi les donations de la comtesse, on en remarque plusieurs qui sont particulières à Saint-Salvi et à Sainte-Cécile 3.

Hist. gén. de Languedoc, t. II, P. 973 pr. p. 116.

2 Ibid. t. II, p. 115; pr. p. 133.

3 Ibid. t. II, p. 107; pr. p. 127.

Enfin quelques années plus tard, en 987, Pons, comte d'Albigeois, donne certaines propriétés à l'église de SainteCécile, à la prière de l'évêque Amelius et des chanoines de sa cathédrale'.

Si nous passons au siècle suivant, nous verrons d'abord un accord fait, vers l'an 1035, entre le vicomte Bernard, Frotaire, évêque de Nîmes, son frère, et Bernard Aimar, dans lequel les deux premiers promettent à Guillaume, fils de Bernard, de lui réserver la succession du siége d'Alby, de episcopatu qui est fundatus in honore sancta Ceciliæ, moyennant un prix convenu entre les parties 2. Cet acte scandaleux, qui prouve qu'à cette époque les évêchés étaient considérés comme des fiefs et donnés au plus offrant, reçut son exécution, et Guillaume succéda en effet à Amelius dans le siége épiscopal d'Alby. -Nous trouvons encore, vers l'an 1090, une donation faite par Ermengarde, vicomtesse de Béziers et de Carcassonne, et son fils Bernard-Aton IV, de l'église et du fief de la Caune: Deo et sanctæ Ceciliæ atque Albiensi ecclesiæ in ejus honore et in nomine dedicatæ3.

Dans les temps postérieurs, les documents devenant plus nombreux ne sont pas moins précis. Ainsi nous mentionnerons une donation d'Ugo Isarn, par laquelle il laisse son corps et son âme gloriosa matri Cecilia Albiensi et canonicis ejusdem. Cet acte fut signé l'an 1121, en présence

1 Hist. gén. de Languedoc, t. II, p. 120; pr. p. 141.

2 Trésor des chartes du château de Foix, folio 11, fonds Doat, manuscrit 105.

3 Trésor des chartes du château de Foix, fol. 39, ms. 105.

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