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contre les attaques, en faisant croire à la désobéissance des chanoines de la cathédrale et en persuadant à tous que leurs paroles étaient pleines de fiel et de mensonge. Aussi écrivait-il dans son mandement: Canonici matris Ecclesiæ Albiensis Sanctæ Ceciliæ, non solum Episcopo suo, verum etiam nobis, imo Sanctæ Romanæ Ecclesiæ inobe dientes sunt, et populum venenosis et fallacibus persuasionibus suis ab obedientia Episcopi quantum possunt retrahunt. C'était par de tels moyens qu'il conservait sa puissance et que l'Aquitaine restait toujours de l'obédience d'Anaclet.

Personne n'ignore que pendant longtemps le pape Innocent n'eut aucun pouvoir dans la plus grande partie du midi de la France. Pour n'en citer qu'une preuve, il était assez fort pour déposer l'archevêque de Milan, partisan de Pierre de Léon, et il lui substituait un prélat de son choix'; mais toutes ses tentatives restaient vaines devant la puissance de Gérard. Il ne pouvait même pas replacer sur leurs siéges les évêques dépossédés ou persécutés par cet évêque, et l'abbé de Clairvaux, en son nom, se bornait à les exhorter à rester fermes dans l'adversité. Cependant il n'est pas moins certain que le légat d'Anaclet craignait une défection parmi ses partisans et redoutait les efforts de Bernard, car la parole du saint abbé était parvenue dans le diocèse d'Alby. Or, ne pouvant réfuter par des preuves convaincantes les faits cités contre lui, il accusait de mensonge ceux qui osaient affirmer qu'il avait d'abord reconnu Innocent; il les excommuniait et les déclarait schismatiques; puis il ordonnait aux abbés de Castres, de Gaillac et autres de ne donner aucun secours aux chanoines; et, toujours fidèle à sa pensée ou dominé par la crainte qui le poursuivait, il les menaçait des foudres de l'excommunication s'ils prêtaient l'oreille aux insinuations de ces derniers et s'ils refusaient d'obéir à leur évêque.

La révolte du chapitre de la cathédrale contre Humbert d'Alby est désormais un fait acquis à l'histoire; mais à quelle époque cette

1 S. Bern. epist. cxxxI.

2 Id. epist. cxxvI.

révolte eut-elle lieu? Est-ce avant ou après la lettre de saint Bernard aux évêques d'Aquitaine? Pour bien déterminer ce point, il est bon de se rappeler les termes de la lettre de Gérard et de remarquer surtout que la sentence d'excommunication contre le chapitre d'Alby avait été lancé depuis plus d'un an, ainsi que nous le prouvent ces mots: Excommunicati et schismatici facti, per annum et eo amplius... En outre, on ne doit pas oublier que saint Bernard ne mentionne aucune plainte des chanoines d'Alby, tandis que nous le voyons donner des consolations aux évêques de Limoges, de Poitiers, de Périgueux et de Saintes, qui avaient fait entendre leurs réclamations. Ne doit-on pas en conclure qu'au moment où l'abbé de Clairvaux écrivait, les chanoines de la cathédrale d'Alby vivaient en bonne intelligence avec Humbert, ou du moins n'étaient pas encore excommuniés? Il faudrait alors, selon toute probabilité, admettre que le chapitre fut frappé d'excommunication vers 1132, et appliquer à la lettre de Gérard la date de 1133. Nous nous arrêtons à cette dernière pensée, sans lui donner une affirmation définitive; mais nous la maintiendrons jusqu'à ce que de nouveaux renseignements viennent la détruire.

Quoi qu'il en soit, le chapitre d'Alby en appela plus tard au saintsiége des persécutions qu'il souffrait, et le pape prit la cathédrale de Sainte-Cécile sous sa protection, en 1136, à peu près vers l'époque de la mort du légat d'Anaclet. C'est ce que nous voyons dans une bulle d'Innocent II, qui donne aux chanoines le droit d'élire leur évêque, et dans laquelle on lit : Quia dilectio vestra, ad Sedis Apostolicæ portum confugiens, ejus tuitionem devotione debita requisivit, nos supplicationibus vestris clementer annuimus, et Albiensem beatæ Ceciliæ matricem Ecclesiam..... sub tutela Apostolicæ Sedis excipimus. Cette bulle, datée de Pise, le 2 des ides de juin de l'an 11361, vient

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1 Voy. Preuves, no V. Nous avons vainement cherché dans la grande collection des bulles des papes, publiée par Charles Cocquelines, cette pièce, qui se trouve rapportée seulement en partie et avec inexactitude dans les Études historiques et documents inédits sur l'Albigeois, p. 278. Elle peut donc être considérée comme inédite et trouver ainsi sa place dans ce volume.

ici comme une dernière preuve à l'appui de l'explication que nous avons essayé de donner : elle témoigne de la vérité de la lettre de Gérard d'Angoulême; elle certifie les faits que cet acte nous fait connaître. Jusqu'à ce jour on n'avait pu comprendre pourquoi les chanoines imploraient la protection du souverain pontife. Maintenant il ne reste plus aucun doute le chapitre d'Alby eut à lutter contre son évêque et contre le légat de l'antipape Pierre de Léon. On peut donc accorder au clergé de cette ville le mérite d'avoir été le premier ou l'un des premiers dans l'Aquitaine à repousser le schisme d'Anaclet, et l'histoire ne doit pas oublier qu'il donna ainsi un exemple qui ne fut pas assez promptement suivi.

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Les pièces du genre de celle que nous venons d'expliquer sont trop curieuses, et il existe encore trop de desiderata dans les annales de nos provinces, pour qu'on ne s'empresse pas de les recueillir quand on est assez heureux pour les rencontrer. Nous appelons donc l'attention des historiens sur ce document précieux, qui constate l'existence d'une lutte entre l'évêque et le clergé d'Alby, dans une circonstance où toute l'église catholique se trouvait intéressée. Nous leur ferons également remarquer que la bulle d'Innocent II et le mandement de Gérard sont deux pièces historiques qui se tiennent essentiellement. Sans celle-ci, on ne peut expliquer celle-là.

En résumé, l'intérêt du document que nous venons d'analyser ne sera douteux pour personne, nous osons l'espérer; et nous pensons avoir rempli un devoir en rétablissant la date de cette pièce, qui a dû souvent passer inaperçue ou incomprise entre les mains de plusieurs personnes, depuis le jour où elle fut attribuée à l'épiscopat d'Hugues Aubert et classée parmi des pièces du XIVe siècle.

V.

Bulle du pape Innocent II, par laquelle il met sous la protection du saintsiége les chanoines réguliers et l'église cathédrale de Sainte-Cécile d'Alby; leur donne le pouvoir d'élire leur prélat ainsi que le prévôt; les confirme dans la possession de leurs biens et priviléges, et déclare qu'il ne sera permis à personne de leur causer aucun grief après leur appellation au saint-siége.

11o idus Junii MCXXXVI.

Innocentius episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis Raimundo, Albiensis ecclesiæ præposito ejusque successoribus, cæterisque fratribus canonicam vitam professis, tam præsentibus quam futuris, in perpetuam memoriam. Piæ postulatio voluntatis effectu debet pro sequente compleri, quatenus et devotionis sinceritas laudabiliter enitescat et utilitas postulata vires indubitanter assumat. Quia igitur dilectio vestra ad sedis apostolicæ portum confugiens ejus tuitionem devotione debita requisivit, nos supplicationibus vestris clementer annuimus et Albiensem beatæ Cecilia matricem ecclesiam, in qua Deo auctore vitam canonicam professi estis cum omnibus ad ipsam pertinentibus, sub tutela apostolicæ sedis excipimus, quemadmodum a dilectis filiis nostris Sicardo, archidiacono, et Guirfredo et Guillelmo, sacrista, postulatum est. Per præsentis igitur privilegii paginam, vobis vestrisque successoribus in perpetuum confirmamus ut regularis canonicorum ordo in ecclesia vestra semper vigeat, et ut liberam eligendi pontificem et præpositum, remota cujuscumque personæ violentia, canonici regulariter viventes habeant facultatem, et quæcumque vobis et ecclesiæ vestræ largitione principum vel concessione pontificum collata sunt, et quæcumque in futurum largiente Deo juste atque canonice poteritis adipisci, in quibus hæc propriis duximus nominibus annotanda, videlicet præposituram archidiaconatus, decaniam, sacristiam, caputscoliam, ecclesiam beati Eugenii de vico Viantii, ecclesiam beati Johannis de Prunet,

ecclesiam sancti Genesii de Bornasel, ecclesiam sancti Salvatoris et beati Petri de Valle, ecclesiam beati Petri et sancti Claudii de Carlucio, ecclesiam sancti Salvii de Bonavalle, ecclesiam sanctæ Crucis de Avellanet, capellam beatæ Mariæ Castelli veteris, cum omnibus ad easdem ecclesias pertinentibus, ecclesias sancti Stephani et beati Juliani infra suburbium Albiæ. Decernimus ergo ut nulli omnino hominum liceat eamdem Albiensem ecclesiam temere perturbare aut ejus possessiones auferre, vel ablatas retinere, minuere vel temerariis vexationibus aut exactionibus fatigare, sed omnia integra conserventur eorum pro quorum sustentatione et gubernatione concessa sunt usibus pro futura, ad hæc adjicentes statuimus ut postquam sedis apostolicæ audientiam in vestris gravaminibus appellaveritis, nulli facultas sit gravamen vobis vel injuriam irrogare, ad indicium autem hujus perceptæ a Romana ecclesia libertatis singulis annis duos bisantios Lateranensi palatio persolvetis. Si qua igitur in futurum ecclesiastica secularisve persona, hanc nostræ constitutionis paginam sciens, contra eam temere venire temptaverit, secundo, tertiove commonita, si non satisfactione congrua emendaverit, potestatis honorisque sui dignitate careat, reamque se divino judicio existere de perpetrata iniquitate cognoscat, et a sacratissimo corpore ac sanguine Dei et Domini nostri Jesu Christi aliena fiat, atque in extremo examine districtæ ultioni subjaceat. Cunctis autem eidem loco justa et honorem servantibus sit pax Domini nostri Jesu Christi; quatenus et hic fructum bonæ actionis percipiant et apud districtum judicem præmia æternæ pacis inveniant. Amen, amen, amen. Ego Innocentius, catholicæ ecclesiæ episcopus.

Ego Guillelmus, Prenestinus episcopus subscripsi.

Ego Gregorius, diaconus cardinalis sanctorum Sergii et Bachi. Ego Bernardus, presbiter cardinalis tituli sanctæ Crucis in Hie

rusalem.

Ego Anselmus, presbiter cardinalis tituli sancti Laurentii in Lucina. Ego Lucas, presbiter cardinalis tituli sanctorum Johannis et Pauli. Ego Guido, cardinalis diaconus sancti Adriani.

Ego Ubaldus, diaconus cardinalis sanctæ Mariæ in via lata.

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