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rir, et il prêta serment de cette renonciation entre les mains de l'évêque Rigaud devant le grand autel de SainteCécile. Le prélat s'empressa aussitôt de faire dresser acte de cette déclaration, et Roger I eut soin d'y faire mentionner, non-seulement qu'il serait toujours prêt à défendre l'église d'Alby, mais encore qu'il poursuivrait quiconque s'arrogerait le droit dont il venait de se dépouiller en sa faveur1. Dès qu'il en fut informé, Pierre, archevêque de Bourges, se hâta de confirmer l'acte d'abolition fait par le vicomte de Béziers, et il déclara excommuniés tous ceux qui y contreviendraient à l'avenir 2.

Que l'on ne pense pas que cette prérogative fut particulière au seigneur d'Alby. Elle était au contraire assez commune, dans diverses contrées, depuis plusieurs siècles, et nous savons que bon nombre de seigneurs s'attribuèrent longtemps le droit de s'emparer des biens des évêques après leur décès. Ils suivaient ainsi un ancien usage, une vieille coutume établie par l'avidité de leurs prédécesseurs, et il était extraordinaire qu'un seigneur renonçât ainsi volontairement, malgré de justes et nombreuses réclamations, à une prérogative si profitable. Il fallut même que plusieurs conciles la défendissent pour qu'elle fût entièrement abolie. C'est ce qui résulte des actes des conciles de Lerida (can. 16) et de Valence, en Espagne (can. 2), l'an 524; de Pontigon (can. 14) en 876; de Troisly, près de

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Trésor des chartes du château de Foix, fol. 54, ms. 105. Hist. gen. de Languedoc, t. II, p. 439; pr. p. 504.

2 Archives de la cathédrale, fol. 57, ms. 105. — Compayré, Études historiques sur l'Albigeois, p. 143.

Soissons (can. 14), en 909; de Rome (can. 2) en 1059; de Clermont (can. 31) en 1095; et de Latran (can. 5) sous Innocent II.

C'est à cette déplorable coutume que l'on doit certainement attribuer la perte d'une foule de documents précieux pour l'histoire. En dilapidant les biens des évêques, elle dispersait, anéantissait même des titres d'une utilité incontestable, et l'on peut raisonnablement admettre aujourd'hui que l'absence des pièces détruites dans des circonstances semblables est la seule cause des lacunes que l'on trouve dans l'histoire des premiers siècles de notre monarchie

CHAPITRE IV.

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Lutte des chanoines de la cathédrale contre leur évêque, par suite du schisme de l'église. Mission de saint Bernard à Alby et conversion des habitants dans l'église de Sainte-Cécile. - Emprisonnement d'un évêque d'Alby par le vicomte Roger.- Le Castel-Viel. Construction d'un oratoire pour l'hôpital du Vigan. Conventions entre l'évêque et le vicomte d'Alby.

Quelques années avant les derniers faits que nous venons de rapporter, la ville d'Alby avait été troublée par des événements qui eurent une certaine gravité. Ce fut à l'occasion du schisme d'Anaclet. Grégoire, cardinal de Saint-Ange, ayant été élu pape, le 15 février 1130, sous le nom d'Innocent II, certains cardinaux, qui n'avaient point pris part à cette nomination, se réunirent le même jour, avec d'autres membres du clergé romain, dans la basilique de Saint-Marc. Après avoir annulé l'acte qui plaçait Innocent sur le siége pontifical, ils procédèrent à une nouvelle élection et choisirent d'un commun accord Pierre de Léon, qui prit le nom d'Anaclet1. Rome se partagea alors en deux camps, et le parti d'Anaclet devint bientôt si puissant, qu'avant la fin de l'année Innocent fut forcé de sortir secrètement de la ville 2.

1 Luca d'Achery Spicilegium, t. I, p. 157. Baronii Annales ecclesiast. t. XII, p. 186.

2 Baronii Annales ecclesiast. t. XII, p. 188. — Muratori, Annali d'Italia an. 1130, t. VI, , P. 362.

Par suite de ces faits, la France fut, comme les autres États, divisée entre les deux pontifes. Louis VI voulut que les prélats du royaume se réunissent à Étampes pour s'entendre dans de telles circonstances, et S. Bernard vint porter la lumière au milieu de cette illustre assemblée, en désignant celui auquel l'Église devait se soumettre. Cependant, malgré la décision du concile d'Étampes, qui avait reconnu Innocent II comme pape légitime, l'Aquitaine resta attachée en grande partie à la cause d'Anaclet. L'abbé de Clairvaux, désirant achever son œuvre, écrivit alors aux prélats de l'Aquitaine cette lettre si connue dans laquelle il appréciait la vie et les actes des deux prétendants, et il s'attacha surtout à expliquer les motifs qui l'avaient déterminé à se prononcer pour Innocent II1.

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Toutefois la missive du saint abbé détacha peu prélats du parti d'Anaclet, et l'évêque d'Alby, HumbertGéraud fut du nombre de ceux qui restèrent fidèles à Anaclet. On doit croire, d'après le seul acte qui nous reste de cette époque, que, non content de s'éloigner ainsi de la plus grande partie de l'épiscopat français, il voulut entraîner après lui les chanoines de sa cathédrale. Il ne négligea à cet effet ni les exhortations, ni les ordres, ni les menaces; mais le chapitre de Sainte-Cécile, qui avait sans doute eu connaissance de la lettre de S. Bernard, demeura inébranlable dans ses convictions et se plut au contraire à répandre dans le diocèse la vérité qui lui avait été transmise par l'abbé de Clairvaux.

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Sancti Bernardi Opera, cur. Joh. Mabillon; Paris, 1690. Ernaldus, De vita sancti Bernardi, col. 1093.

Alors s'établit entre les chanoines et l'évêque une lutte incroyable. Ce dernier, soutenu par l'évêque d'Angoulême, Gérard, légat d'Anaclet, lança les foudres de l'excom.munication contre son chapitre, qui crut pouvoir répondre en refusant l'entrée de l'église au prélat. Humbert tenta alors de forcer ouvertement les portes de la cathédrale; mais les chanoines se fortifièrent dans l'enceinte de SainteCécile, et l'église fut garnie de troupes comme une forteresse. En outre, le peuple, qui avait pris fait et cause pour le chapitre, alla saccager le palais épiscopal, et Humbert, repoussé de toutes parts, se vit dans la nécessité d'implorer l'assistance du légat d'Anaclet.

Ce fut dans ces circonstances que Gérard écrivit, vers l'an 1133, aux abbés de Castres et de Gaillac, non-seulement pour les exhorter à obéir, mais encore à prêter au besoin leur concours à l'évêque d'Alby. L'évêque d'Angoulême espérait ainsi faire rentrer dans le devoir le chapitre de la cathédrale « qui se plaisait à répandre des doc«trines perverses parmi la population, et qui avait bravé son

excommunication pendant plus d'un an1." Mais il est à croire que sa lettre n'eut aucun effet sur les chanoines restés fidèles à leurs convictions et ayant pour eux le droit et la force. Cependant on doit remarquer ici que la puissance de l'antipape fut encore grande dans l'Aquitaine pendant plusieurs années, et ce ne fut que peu de temps avant la mort d'Anaclet, et après celle de son légat, qu'Innocent II, , par une bulle datée de Pise, le 12 juin 1136,

Archives du chapitre de Saint-Salvi, fonds Doat, ms. 110, fol. 70.

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