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Ce document, dans lequel on remarque que le comte de Toulouse traite avec l'évêque du conseil du vicomte, n'est cependant pas le premier qui nous montre l'origine du pouvoir temporel des évêques 1. Nous connaissons un acte qui fut fait en l'an 1188 pour pourvoir à la sûreté des habitants de la ville d'Alby, dans laquelle les meurtres étaient très-fréquents depuis le commencement de la guerre. C'est une convention faite entre Guillaume Petri et tous les prud'hommes de la cité, qui fixe les droits de chacun dans la justice et qui établit des peines contre les coupables. Cet acte est fort curieux; il est antérieur à tous les documents que l'on trouve dans les archives de l'hôtel de ville d'Alby, et, comme il contient une longue liste des bourgeois de cette ville, à la fin du xıro siècle, nous avons cru devoir le conserver 2.

Cependant le vicomte Roger n'avait pu voir les empiétements de l'évêque sur la seigneurie d'Alby sans en être inquiété. Il voulut faire des réclamations; mais Guillaume Petri avait su mettre à profit l'absence et peut-être aussi la négligence du vicomte. Souvent il avait aidé de ses conseils les prud'hommes de la ville; quelquefois même il avait agi de sa propre autorité; enfin la plupart des habitants lui devaient la conservation de leurs biens pendant les longues guerres de Roger. L'évêque répondit donc au vicomte en maintenant ses propres droits. On en appela

1 On connaît déjà la charte de transaction conclue l'an 987 entre Amelius I", évêque d'Alby, et Pons, comte de Toulouse. Hist. gen. de Langue

doc, t. II; pr. p. 141.

' Preuves, n° VI.

alors à un arbitrage, et de part et d'autre on choisit Sicard, vicomte de Lautrec, Frotard-Pierre de Berens, B. de Boissezon et Doat d'Alaman. Ces quatre arbitres examinèrent le différend, et, le 3 mars 1 193, ils rendirent au château de Lombers une sentence qui réglait les droits de chacun. Les seigneuries de Castel-Viel y furent reconnues, entre autres, appartenir au vicomte, et il fut établi que les redevances prélevées sur les marchands de la ville seraient ainsi partagées : les deux tiers à l'évêque et la troisième partie au vicomte, qui garda en outre le péage du pont, sous la condition de l'entretenir en bon état, ainsi que le Barri de Puech Amadeuc formant la partie la plus considérable de la ville 1.

Roger II ne survécut pas longtemps à cette décision: il mourut au mois de mars 1194, laissant pour successeur Raymond-Roger encore enfant, qui devait finir ses jours par le poison de Montfort, et confiant l'administration de ses domaines, ainsi que l'exécution de son testament, à plusieurs personnages, parmi lesquels nous remarquons Guillaume Petri2, qui occupa pendant près d'un demisiècle le siége d'Alby.

1 Trésor des chartes de la cité de Carcassonne, fonds Doat, ms. 105, fol. 117. — Compayré, Études histor. sur l'Albigeois, p. 141.

2 Hist. gén. de Languedoc, t. III, p. 90.

CHAPITRE V.

Guillaume Petri, évêque et prévôt de la cathédrale. - Le Castel nau d'Alby. Simon de Montfort célèbre la Pâque dans l'église de Sainte-Cécile. L'évêque conduit l'armée des croisés. - Le pape veut forcer Guillaume à descendre de son siége. - Hommage des consuls au seigneur évêque. - Soumission de la ville d'Alby au roi de France. - Élection de Durand en remplacement de Guillaume, qui renonce à l'épiscopat. — L'évêque d'Alby reconnu seigneur temporel de la ville.

Le xın° siècle, ce siècle qui devait être si fatal au midi de la France, commença pour l'église d'Alby par une donation faite en sa faveur par Raymond-Roger, qui venait de passer l'âge de quatorze ans. Par lettres datées de l'an 1201, et signées à Burlatz en présence de Bernard de Villeneuve, Sicard Aimeric, Sicard de Puylaurens et quelques autres seigneurs, le jeune vicomte abandonna tous les droits qu'il avait sur les églises de l'Albigeois et les autorisa à construire tous les bâtiments qu'elles jugeraient nécessaires sur leurs domaines1. L'année suivante, le 2 août 1202, Guillaume Oalric, chevalier-abbé, ayant cédé, moyennant huit cents sous raymondins, à SainteCécile, tous les droits qu'il avait dans l'église et le cimetière de Sainte-Martianne, Guillaume Petri confirma aussitôt cette concession faite sur les instances d'AdémarGuillaume, prévôt ou archidiacre de la cathédrale, et le Hist. gén.

Archives de l'évêché d'Alby, fonds Doat, ms. 105, fol. 126. de Languedoc, t. III, p. 114.

même jour il réunit à Sainte-Cécile l'église de SainteMartianne, qui était depuis longtemps sous le joug de la servitude et au pouvoir des laïques1.

Ce fut vers le même temps que l'évêque autorisa Albia, fille de Guiraud de la Taosca, à établir un moulin audessus du pont, devant la ville d'Alby, entre le moulin de Guillaume Oalric et le moulin Sotira 2. Cet établissement était exempt de toutes redevances, et la propriétaire devait en partager les revenus avec l'évêque. Plus tard, en l'an 1205, Guillaume Petri donna encore aux clercs de SainteCécile dix sous raymondins, qu'il prélevait annuellement, comme ses prédécesseurs, sur l'église de Sainte-Martianne. Cette donation eut lieu vers le temps de la mort d'AdémarGuillaume, que nous venons de nommer. Dans ces circonstances, le chapitre de la cathédrale se réunit pour procéder au remplacement de son prévôt; mais il ne crut pas pouvoir confier l'administration de ses biens à des mains plus habiles et plus intelligentes que celles de l'évêque, et il vint prier Guillaume Petri d'accepter de nouveau les fonctions qu'il avait abandonnées depuis vingt ans3. Les chanoines se réservèrent, toutefois, le droit d'élire euxmêmes leur prévôt après la mort de l'évêque. Nous verrons bientôt que celui-ci se démit plus tard de ces nou

velles fonctions.

Il serait inutile de rappeler ici les transactions, les sen

1 Archives du chapitre de l'église cathédrale de Sainte-Cécile d'Alby, fol. 132 et seq. ms. 105.

2 Preuves, n° VII. 3 Preuves, n° VIII.

tences, les conventions, tous les actes enfin qui furent accomplis par les soins du prévôt-évêque. Citons seulement, en passant, l'accord de l'an 1206, par lequel Jean Botet, hospitalier de l'hôpital du Vigan, s'engage à donner tous les ans, aux chanoines de Sainte-Cécile, un agneau et un pourceau, en remplacement des dîmes de la laine et du carnelage que le chapitre percevait sur l'hôpital1; puis nous rappellerons un échange fait entre Guillaume Petri et les chanoines que nous avons déjà eu l'occasion de signaler2. Cet acte, qui mentionne le château de l'évêque, situé auprès des maisons ayant appartenu à Pons de Toulouse, nous paraît assez curieux pour qu'on s'y arrête un instant.

On a déjà vu, dans le chapitre précédent, qu'il existait, non loin de Sainte-Cécile, un Castel viel ou château vieux. Or, il y avait également à Alby, comme contre-partie, un Castel nau ou château neuf. Celui-ci fut commencé, dit un manuscrit qui ne mérite pas grande confiance, vers l'an 975, par le vicomte Aton II, fils de Bernard et de Gauciane, et continué par ses successeurs, qui en firent une de leurs résidences ordinaires. Ce ne fut d'abord qu'un vaste assemblage de bâtiments sans harmonie et d'architectures diverses appartenant, vers le milieu du xr° siècle, à Pons, comte de Toulouse et d'Albigeois; mais, dans la suite, cette construction prit des formes plus régulières ct elle put être considérée comme une forteresse importante.

Il est question du Castel nau dans un acte de l'an 1 140, Archives du chapitre, fol. 168, ms. 105.

2 Preuves, n° II.

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