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que je viens d'avoir l'honneur de vous signaler, et qui n'avaient encore été consignés par personne.

Tels sont, Monsieur le Ministre, les documents recueillis dans les archives et les bibliothèques que vous m'avez chargé de visiter qui m'ont paru dignes de vous être signalés. Sans être aussi complets que je l'aurais désiré, ils sont pour la plupart assez intéressants, et je suis convaincu qu'ils combleront plusieurs lacunes dans l'histoire du diocèse d'Alby.

Cependant l'objet de ma mission n'était pas entièrement terminé après la visite des dépôts publics, et je crois devoir vous communiquer le résultat de quelques observations que j'ai faites à propos d'une petite église dédiée à Sainte-Cécile au commencement du x° siècle.

Dans une brochure, publiée au commencement de l'année 1851, pour réfuter l'opinion généralement admise que l'ancienne cathédrale d'Alby était dédiée à la sainte croix, j'avais dit qu'il existait auprès de Gaillac une église nommée SainteCécile d'Aveins, qui fut donnée, en 920, par Benebert, prêtre, à Godalric, évêque, et à l'église cathédrale de SainteCécile d'Alby1. A mon passage à Gaillac, j'ai voulu voir l'ancienne chapelle que je désignais sous ce nom, et, au lieu d'une, j'ai dû en visiter deux; car Aveins et Sainte-Cécile d'Avès ou d'Avas forment deux bourgs bien distincts, éloignés de quelques kilomètres et ayant chacun son église particulière.

Aveins, qui possédait au 1x° siècle un château dans lequel Charles le Chauve s'arrêta vers l'an 843, attira tout d'abord mon attention. Son église, fort petite et dédiée à saint Vincent, martyr, est de construction récente. La porte seule,

1 Recherches sur l'ancienne cathédrale d'Alby; Paris, 1851.

placée au sud, est ogivale; elle est construite en larges briques taillées et paraît remonter au XIVe siècle. Mais les fondations, en pierre presque brute, sont d'une époque bien antérieure; enfin, j'ai pu constater que le mur septentrional, actuellement adossé à une ferme, a au moins 1,50 d'épaisseur.

J'ai visité, aussitôt après, Sainte-Cécile d'Avès, et je me suis assuré en peu d'instants qu'il ne restait rien de l'ancienne chapelle. Pour fixer mes doutes après cet examen, je me suis empressé de relire l'acte cité par D. Vaissette, et qui signale l'existence de Sainte-Cécile 1. Or, j'ai vu que les donations faites par Benebert consistaient, non-seulement en biens immeubles ou en constructions situées à Avanes, mais encore en terres ou vignes placées in Cilicio et in ejus aro et in Pauperiago (ou Pomperiago) vel in ejus aro. Ces indications m'ont paru se rapporter entièrement aux communes connues aujourd'hui sous les noms de Celz et de Pompirac, voisines de Sainte-Cécile d'Avès, et j'en ai conclu que l'église mentionnée dans l'acte de Benebert devait être celle qui existait dans ce dernier lieu, et non celle d'Aveins, qui paraît avoir été de tout temps dédiée à saint Vincent.

Cette opinion se trouve confirmée dans mon esprit par deux titres de l'an 1266, rapportés dans l'Inventaire des anciennes archives de la commune de Gaillac, et sur lesquels j'ai lu, à côté des noms de Saint-Laurens de Pompirac et de Saint-Jean-de-Celz, celui de Sainte-Cécile d'Avas. Afin de mieux appuyer mon jugement, je vous signalerai la mention d'un de ces actes ainsi conçue: «Instrument contenant l'enquête faite par monseigneur le sénéchal de Toulouse, par laquelle il appert que la juridiction de Gailhac s'étend jusqu'au

1 Histoire générale de Languedoc, t. II, Pr. p. 59.

ruisseau de la Pisse, et que les paroisses de Biscarnenc, Longueville, Avenx, d'Avas, de Saint-Laurent de Pompirac, de Celz et de Candastre, sont dépendantes de la juridiction de ladite ville de Gailhac et du dixmaire du s' abbé de Gailhac. Ladite enquête faite l'an 1266.» Enfin, cette même désignation se trouve répétée dans une sentence rendue, le 21 novembre 1322, par le cardinal Pilefort sur les différends qui existaient entre Bernard, évêque d'Alby, et les religieux du monastère de Gaillac 1.

Afin de fixer clairement les termes de la charte de Benebert, j'ajouterai encore que cette église, qui se trouve à trois kilomètres de Gaillac et à cinq kilomètres environ de Montans, était bien certainement, au commencement du xe siècle, du ressort de cette dernière ville; et, pour rendre avec fidélité le passage suivant de la donation. . . . . . in pago Albiensi, in ministerio Montaniense, in villa nuncupatis quæ dicitur Avanis, je pense qu'il faut traduire ....... dans le pays d'Albigeois, «................... au district de Montans, dans le bourg nommé Avanes ou « Avas."

A cette époque, Gaillac n'était pas connu. Le premier acte où il soit fait mention de ce lieu est le testament de saint Didier, évêquè de Cahors et originaire de l'Albigeois, qui le légua, en 654, à son église cathédrale; mais ce n'était alors qu'un bourg ou un village sans intérêt historique. Gaillac ne commença à prendre quelque importance que vers le milieu du x siècle, par la fondation de l'abbaye de Saint-Michel. Cette abbaye est citée dans le testament de Raymond Ier, comte de Rouergue 2, écrit l'an 961, et, en 966, dans celui de

1 Manuscrits de la Bibliothèque impériale, fonds Doat, no 116. Archives de l'abbaye de Gaillac.

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Matfred, vicomte de Narbonne, et de sa femme Adélaïde 1. On connaît aussi l'acte de consécration d'un autel que fit, en 972, Frotaire, évêque d'Alby, dans le monastère de Gaillac. Ce prélat donna à cette occasion plusieurs terres à cette abbaye, et le comte Raymond confirma cette donation et l'accompagna de divers bienfaits, en mentionnant Gaillac comme un lieu qui avait déjà quelque importance et semblait devoir en acquérir encore. et ipsam villam Galliacensem quæ magna nunc est vel futura est. .... dono et concedo et confirmo huic monasterio 2.

De là seulement date la splendeur de Gaillac : le monastère créa la ville, et l'on ne doit pas s'étonner si, en l'an 920, elle passait encore inaperçue.

Montans, au contraire, était encore puissante alors. A en juger par les restes d'antiquité que l'on trouve chaque jour dans le village de ce nom, on ne peut douter qu'il n'y ait eu là une grande ville. D'abord ce sont des médailles d'or, d'argent ou de cuivre; puis des vases, des urnes, des lampes de toutes sortes, quelquefois même des fondements d'habitations et des rues pavées; enfin, on ne peut fouiller la terre dans les environs de ce village sans découvrir une immense quantité de vases d'une terre légère, recouverts d'un vernis qui n'a rien perdu de son éclat, et souvent ornés de reliefs admirables.

Tout démontre que Montans fut du temps des Romains une ville assez considérable, car ses débris portent les marques de la grandeur et de la magnificence de ce peuple. Outre les monuments antiques qu'on y a découverts, on voit encore quelques restes de retranchements et de fortifications. Les Hist. gén. de Languedoc, t. II, Pr. p. 116.

2 lbid. Pr. p. 123.

fossés servant de circonvallation au fort qui commandait la ville sont encore apparents, et, à cinq cents pas environ, on retrouve un lieu appelé encore aujourd'hui le Vieux-Fort.

Du reste, le lieu avait été parfaitement choisi pour l'établissement d'une forteresse ou d'une ville. La position de Montans est des plus heureuses. Non-seulement on peut y découvrir dans toute son étendue cette belle plaine qui, d'Alby, se prolonge jusqu'à Saint-Sulpice-de-la-Pointe, mais encore on domine de ce point toute la rivière du Tarn depuis Lisle jusqu'à Gaillac. Enfin, comme dernière preuve à l'appui de cette opinion, qu'il y eut jadis dans ce lieu un vaste établissement romain, je citerai une voie romaine appelée Chemin-Ferré, qui se dirige vers Alby en passant par les territoires de Brens et de Lagrave.

Ma conviction de l'existence d'une ancienne ville au lieu où est actuellement Montans me porte à conjecturer que cette ville ne dut pas tomber et s'effacer tout à coup. Peutêtre fut-elle dévastée par les barbares qui inondèrent les

Gaules dès le v° siècle; mais, à coup sûr, elle ne fut pas rui

née entièrement, puisque, au commencement du x° siècle, son territoire s'étendait encore assez loin.

Quoi qu'il en soit, la charte de donation de Benebert me paraît être la dernière lueur de la ville de Montans. Quand les moines vinrent s'établir à une lieue de là, de l'autre côté de la rivière, ils durent attirer les habitants auprès d'eux : Montans fut abandonné. L'abbaye de Saint-Michel fit bientôt grandir Gaillac : elle avait tué Montans.

Tels sont, Monsieur le Ministre, les documents que j'ai recueillis dans les dépôts publics, et les observations que j'ai faites moi-même en visitant les diverses localités que je viens de mentionner. Peut-être trouverez-vous mes remarques un

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