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A M. H. DE VILLEMESSANT,

Rédacteur en chef du FIGARO.

Paris, 3 février 1856.

Mon cher M. de Villemessant,

J'arrive de la Havane. Voici les nouvelles du jour : Toute la compagnie Rachel est. licenciée. Les deux mondes sont maintenant jonchés des nombreuses épaves de cet immense naufrage.

Rachel est restée malade à l'île de Cuba; moins malade qu'on ne le dit. Assez cependant pour avoir positivement refusé de donner une seule représentation aux Antilles. On a reçu hier une lettre d'elle. Elle sera aris dans un mois et demi, deux mois peut-être, quand les grands froids auront disparu.

(A l'époque où nous écrivîmes cette lettre, il devait

en être ainsi.

-

On sait à présent que mademoiselle Rachel a préféré ne pas se livrer à un exil aussi prolongé.)

Sa sœur Sarah est partie pour Charlestown. Elle va, dit on, se rendre à New-York où elle veut former une troupe de comédie et de drame.

Mesdemoiselles Durrey et Briard sont restées également dans l'Amérique du Nord.

Ce pays manquant totalement de gaîté, j'ai préféré m'embarquer tout de suite à la Havane avec le reste de l'armée, sur la Clyde, excellent vapeur anglais qui nous a conduits directement à l'île Saint-Thomas.

Nous avons profité de ce que cette île était émaillée de fièvre jaune pour nous en sauver incontinent sur l'Atrato, autre vapeur également anglais, qui, malgré un temps atroce, malgré un vent épouvantable qui a déchiré nos voiles et brisé l'un de nos mâts, nous a débarqués sains et saufs à Southampton, le 30 janvier 1856, ce qui faisait un total de vingt jours et de vingt nuits. Rien que ça !

Aussi avec quelle volupté nous avons foulé le sol britannique, avec quelle ivresse profonde nous nous sommes évanouis sur une cloyère d'huîtres alliées. Véritablement, quand ce ne serait que pour le plaisir qu'on éprouve quand on est à terre, on devrait voyager sur mer éternellement. A Southampton, Raphaël Félix, ses sœurs Lia et Dinah et M. Félix père nous ont quittés sans verser aucune larme et sont allés s'embarquer à

Londres. Nous autres, nous nous sommes embarqués tout bonnement où nous étions; ce qui était plus simple, et le 31, à quatre heures du matin, nous avons pu débarquer au Havre où, pendant les visites de la douane, j'ai attrapé le plus beau rhume de cerveau qui se puisse voir.

Maintenant, mon cher monsieur de Villemessant, ne trouvez-vous pas comme moi que l'instant est venu de raconter l'Odyssée de la tragédie française en Amérique? Je reviens de là-bas avec un volume d'anecdotes, d'histoires, de cancans. Un volume entier, vous verrez ! Je vous avouerai, du reste, que c'est un peu pour cela que j'étais parti... Je n'avais pas l'intention de faire. quatre mille lieues dans une multitude de pays plus fantastiques les uns que les autres, pour me livrer exclusivement aux tirades de ce grand Jocrisse qui s'appelle Hippolyte, et de ce faux marchand de dattes qui a nom Bajazet!-Oh! non!

(Ici nous demanderons la permission d'ouvrir une petite parenthèse, ce sera la seconde et la dernière,

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pour avouer, en toute humilité, que ces surnoms peu littéraires, octroyés si cavalièrement par nous aux deux héros de Racine, n'ont pas manqué d'entr'ouvrir sous nos pas tout un abîme de reproches, plus amers les uns que les autres. · Maintenant que nous avons fait cette confession, nous en hasarderons une autre,

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humilité, toujours!

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en toute

C'est que ces reproches n'ont

exactement rien changé à notre opinion, quant aux per

sonnages en question; ce sont de détestables rôles

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