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» tant, du moins leur donnant » toujours de la peine à vaincre ; » d'un autre côté, s'aidant des » plus petits esprits, leur prodi» guant son encens, et salissant » ses écrits de ces noms que des » bouches doctes n'avaient jamais » prononcés. D'un côté, exempt, » du moins en apparence, de

de ses Entretiens de Maxime et de Thémiste, à son imprimeur. On le trouva mort tout habillé dans son lit le 28 Décembre 1706. Il était àgé de cinquante-neuf ans. Voici le caractère qu'en donne M. Saurin, ministre du saint évangile, dans le troisième volume de ses Sermons. « C'était » un de ces hommes contradic->> toute passion contraire à l'esprit toires que la plus grande péné- » de l'évangile, chaste dans ses »tration ne saurait concilier avec »mours, grave dans ses discours, » lui-même, et dont les qualités » sobre dans ses alimens, austère » opposées nous laissent toujours » dans son genre de vie; d'un » en suspens si nous devons le » autre côté, employant toute la >> placer, ou dans une extré- » pointe de son génie à combattre »mité, ou dans l'extrémité oppo- » les bonnes moeurs, à attaquer »sée. D'un côté, grand philoso- » la chasteté, la modestie et tou>> phe, sachant démêler le vrai » tes les vertus chrétiennes. D'un » d'avec le faux, voir l'enchainure » côté, appelant au tribunal de » d'un principe, et suivre une » l'orthodoxie la plus sévère, pui» conséquence; d'un autre côté,» sant dans les sources les plus » grand sophiste, prenant à tàche » de confondre le faux avec le » vrai, de tordre un principe, » de renverser une conséquence. » D'un côté, plein d'érudition et » de lumière, ayant lu tout ce» ciens hérésiarques, leur prêtant » qu'on peut lire, et retenu tout » des armes nouvelles, et réu» ce qu'on peut retenir; d'un » nissant dans notre siècle toutes » autre côté, ignorant, ou du » les erreurs des siècles passés. » >> moins feignant d'ignorer les cho- Ajoutons quelques traits à ces ca» se les plus communes, avançant ractères. Il était d'une humeur si » des difficultés qu'on a mille fois pacifique, qu'il ne voulut point » réfutées, proposant des objec- entrer dans les académics à cause » tions que les plus novices de des dissentions et des jalousies qui » l'école n'oseraient alléguer sans y règnent trop souvent à la honte » rougir. D'un côté, attaquant les des gens de lettres. S'il est sorti » plus grands hommes, ouvrant de ce caractère dans ses derniers » un vaste champ à leurs travaux, ouvrages, il faut l'attribuer à l'a» les conduisant par des routes charnement avec lequel ses enne» difficiles et par des sentiers ra- mis l'attaquèrent. Laborieus et » boteux, et sinon les surmon- infatigable, il travailla, jusqu'à

» pures, empruntant les argu» mens des docteurs les moins »> suspects; d'un autre côté, sui»vant la route des hérétiques, >> ramenant les objections des an

lage de quarante ans, quatorze heures par jour; et il écrivait un jour à M. des Maizeaux, que depuis l'age de vingt ans il ne se Souvenait presque pas d'avoir eu aucun loisir. Il avait sur les livres des sentimens bien différens de ceux qui sont toujours prêts à critiquer ceux qu'ils lisent, surtout quand ils paraissent nouvelle ment. Ses paroles méritent d'être rapportées. « Je ne me connais > pas encore assez en bons livres, dit-il; c'est mon ancien et perpétuel défaut. Quand un livre est bon, je le trouve bon; mais aily en a que je trouve bons, qui sont fort méprisés par les plus habiles. Ceux qui trouvent peu de choses qui leur agréent, a ont de quoi se glorifier, parce qu'ils ont là une preuve de la pénétration de leur esprit, qui découvre les défauts les plus ca»chés. Mais comme toutes choses 3 ont deux faces, un homme qui chercherait de quoi se glorifier, en trouverait une raison dans le > jugement favorable qu'il ferait » d'un livre que d'autres désap» prouveraient; car il n'aurait qu'à se figurer qu'il a plus de -pénétration qu'eux pour déa couvrir les beautés cachées. Or, les plus grands maîtres demeuarent d'accord qu'il faut beaucoup plus d'esprit pour découvrir le bien que pour découvrir le mal; ainsi, pour peu qu'on se flatte, la facilité qu'on trouve à approuver les écrits d'autrui est un plus grand sujet de vanité, qu'un goût qui se con

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» tente mal-aisément. » Comme il ne cherchait qu'à s'instruire, et qu'il était plus sensible au plaisir d'apprendre quelque chose, qu'au déplaisir de s'être trompé, il recevait avec plaisir les avis qu'on lui donnait sur ses ouvrages, en profitait avec une docilité surprenante, et en marquait sa reconnaissance par des remerciemens sincères et publics. Il était d'un désintéressement parfait, et n'acceptait qu'avec peine les présens qu'on lui faisait. Une personne de la première qualité d'Angleterre, ayant fait entendre à un de ses amis qu'il lui ferait présent de cent cinquante guinées s'il voulait lui dédier son dictionnaire, cet ami eut beau le presser d'accepter ces offres, et de faire la dédicace qu'on lui demandait, Bayle résista constamment à ces sollicitations. Il croyait s'être trop déclaré contre l'esprit flatteur et rampant qui règne dans les épîtres dédicatoires, pour vouloir s'exposer à tomber dans les mêmes défauts. Son style approchant un peu de celui de Montagne, est vif, hardi, naturel, aisé, assez régulier; mais sa grande mémoire et son érudition le jetaient souvent dans de longues digressions, qu'il avait cependant l'art de rendre utiles, et même nécessaires aux conséquences qu'il voulait tirer. Les ouvrages sortis de sa plume ingénieuse et féconde, sont, I. Theses philosophica, Amsterdam 1684. Ce sont ces thèses qu'il composa en 1675, lorsqu'il disputa la chaire de philosophie à Sédan. II

les appela dans une de ses lettres, des thèses à la fourche, qu'il fit sans livre et sans préparation. II. Lettre à monsieur M. L. A. D. C., docteur de Sorbonne, où l'on fait voir, par plusieurs raisons de la théologie et de la philosophie, que les comètes ne sont pas les présages d'aucun malheur, avec des réflexions morales et politiques, et une réfutation de quelques erreurs populaires, Cologne 1682. in 12. Bayle ne composa cette lettre que pour être insérée dans le Mercure galant. Les savans lui surent gré de la publication de cet ouvrage. Il le composa à l'occasion de la comète qui parut en 1680, pour désabuser le monde d'une infinité de préjugés où l'on était sur les présages. Cet ouvrage a eu quatre éditions; la dernière, publiée en 1704, est en 2 volumes in-12. Sallengre prétend que la première édition est la meilleure, à cause des digressions finies et agréables dont elle est remplie. On la traduit en anglais, avec la vie de l'auteur, Londres 1708, 2 vol. in-8. III. Critique générale de l'histoire du Calvinisme du père Mainlong, Villefranche 1682, 2 vol. in-12. Cet ouvrage eut trois éditions ; la dernière est de 1684; il le commença le 1.er Mars 1682, et l'acheva en quinze jours. On chercha long-temps à Paris l'au teur de ce livre, qui se tenait derrière le rideau on ne pensait pas à l'aller déterrer en Hollande dans la poussière du collège et du cabinet; un pur hasard le découvrit.

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Un nommé Claude ayant vu l'ori ginal écrit de sa main, reconnut l'écriture de Bayle. IV. Nouvelles lettres de l'auteur de la Critique générale, Villefranche 1685, 4 vol. in-12, réimprimés aussi à Trévoux. V. Nouvelles de la république des lettres depuis le mois de Mars 1684 jusqu'en Février 1687. Elles ont été réimprimées plusieurs fois; mais par une négligence impardonnable, on a laissé aux tables de quelques éditions les chiffres de la première, qui ne répondent pas cependant aux pages postérieures. De tous les ouvrages que Bayle a publiés, c'était celui auquel il s'appliquait avec le plus de soin et de plaisir ; tout était vif et animé dans ses extraits, distribuant les éloges avec discernement, sans cependant les prodiguer. On lui reproche quelquefois d'abandonner le livre dont il veut parler, pour passer à des matières étrangères qui lui venaient dans l'esprit. Quelque attachement que Bayle eût pour cet ouvrage, l'assiduité et l'application qu'il demandait le fatiguèrent à tel point, qu'il fut obligé de le discontinuer. Il le quitta au mois de Février 1687, et abandonna à d'autres le soin d'y travailler. Ceux qui voudront en connaître la cause n'auront qu'à consulter les Nouvelles du mois d'Avril 1687, page 472. VI. Ce que c'est que la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand, Saint-Omer 1685, in-12. Cet ouvrage avait été fait en faveur des Huguenots

de France. VII. Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ: Contrains-les d'entrer, où l'on prouve, par plusieurs raisons démonstratives, qu'il n'y a rien de plus abominable que de faire des conversions par contrainte, traduit de l'anglais du sieur Jean Fox de Bruggs, par M. J. F., Cantorbery 1686, 2 vol. in-12. Le but de Bayle, dans cet ouvrage qu'il a publié sous un nom emprunté, et comme venant d'un Anglais, a été de prouver la tolérance de toute religion ou secte qui n'a aucun principe tendant à troubler le repos public: c'est une de ses meilleures productions. VIII. Dictionnaire historique et critique, Rotterdam 1697, infol., 4 tomes, 2 vol., 2. édit., Rotterdam 1703, 3 vol. in-fol. Elle est augmentée presque moitié; on l'a copiée dans celle qui a été faite à Genève, sous le titre de Rotterdam 1715, in-fol. 3 vol., avec la vie de l'auteur. La troisième édition fut donnée, par le soin de Marchand, à Rotterdam en 1720, 4 vol. in-fol. (1).

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(1) Ses œuvres diverses, Lahaye 1727-31, 4 vol. in-fol., bonne édition, 30 à 40 fr. grand papier, 60 à 72 fr. Dictionnaire historique et critique, 3.me édition, corrigée, augmentée ( par Prosper Marchand), Rotterdam 1720, 4 vol. in-fol., édition la plus belle et la plus recherchée de ce Dictionnaire, 80 à 108 fr. en grand papier, vendu avec ses œuvres (les 8 vol. 816 fr.), la Valliere. Il faut voir au tome 1.r si l'on trouve l'épître dédicatoire adressée au duc

Ce dictionnaire a été traduit en anglais sur la seconde édition, et imprimé, avec quelques petites corrections de l'auteur, en 1709, Londres, 4 vol. in-fol. Jurieu profita avec plaisir de l'occasion que la publication de cet ouvrage. lui offrit pour tourmenter Bayle; il le dénonça au consistoire de l'église wallone de Rotterdam devant lequel Bayle fut obligé de comparaître. On lui communiqua les remarques que la compagnie avait faites sur ce qu'on y trouvait de repréhensible; elles se réduisaient à cinq chefs: 1.° les citations, expressions, réflexions répandues dans l'ouvrage, capables de blesser les oreilles chastes; 2. l'article David; 3. l'article des Manichéens ; 4.° celui des Pyrrhoniens; 5. les louanges données à des gens qui ont nié ou l'existence ou la providence de Dieu. Bayle ne jugea à propos de se défendre sur tout cela, qu'en promettant de corriger dans la première édition ce

d'Orléans, dont l'intitulé est imprimé en rouge et noir; au tome 2, si les deux articles concernant David, roi des Juifs, sont entiers. Le premier de ces articles occupe les pages 963, 964 et 965; le second est imprimé en forme de carton,· sur trois feuillets chiffrés 963-968, et pouvait manquer sans que pour cela le volume parût incomplet; mais, dans ce cas l'exemplaire perdrait une partie de sa valeur. Voyez M. Brunet, Dictionnaire bibliographie, tome 1. , P. 128. La bibliothèque du Collége royal possède les huit volumes en grand papier; ils ont appartenu à Lefranc de Pompignan.

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qui déplaisait. C'est cependant ce qu'il n'a fait que très-imparfaitement, puisque l'on trouve dans les éditions suivantes tout ce qu'on avait condamné dans la première. L'article David a été, il est vrai, corrigé entièrement; mais on a eu soin d'y joindre l'article tel qu'il était dans la première édition. Cet ouvrage très-utile, puisqu'il est encore recherché par les littérateurs, le serait bien davantage si Bayle n'eût point inséré des articles trop longs sur des personnages qui sont depuis longtemps oubliés, et qui le seraient totalement aujourd'hui sans lui. Il est d'ailleurs souvent diffus et traînant, et les notes qui accompagnent le texte sont pour l'ordinaire plus curieuses que les articles eux-mêmes. IX. Réflexions choisies, avec des remarques, Rotterdam 1714, 3 vol. in-8.o C'est Marchand qui fut l'éditeur de ces lettres. OEuvres diverses de Pierre Bayle, Lahaye 1727, 3 vol. in-fol. Les bornes de ce dictionnaire ne nous permettent pas de donner un catalogue exact de toutes les productions de Bayle; voyez l'histoire de Bayle et de ses ouvrages, 1 vol. in-12, imprimée à Amsterdam, et sa vie écrite par Desmaizeaux, 2 vol. in-12. Bayle, dit un homme célèbre, eut peu d'égaux dans l'art de raisonner, peut-être point de supérieur. Personne ne sut saisir plus subtilement le faible d'un système, personne n'en sut faire valoir plus fortement les avantages; redoutable quand il prouve, plus re

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doutable encore quand il objecte: doué d'une imagination gaie et féconde, en même temps qu'il prouve, il amuse, il peint, il séduit. Quoiqu'il amasse doute sur doute, il marche toujours avec ordre; quelle que soit la thèse qu'il ait à prouver, tout vient à son secours, l'histoire, l'érudition, la philosophie. S'il a la vérité pour lui, on ne lui résiste pas; s'il parle en faveur du mensonge, il prend sous sa plume toutes les couleurs de la vérité : impartial ou non, il le paraît toujours; on ne voit jamais l'auteur, mais la chose. Le séjour de la France l'eût exposé aux persécutions, il se retira à Genève. Ce fut là que passant d'une première abjuration à une seconde, il quitta l'aristotélisme pour le cartésianisme, mais avec aussi peu d'attachement à l'une de ces doctrines qu'à l'autre ; car on le vit dans la suite opposer les sentimens des philosophes les uns aux autres, et s'en jouer également. Il eut l'esprit droit et le cœur honnête; il fut officieux, sobre, laborieux, sans ambition, sans orgueil, ami du vrai, juste envers même ses ennemis. La ville de Toulouse a toujours chéri la mémoire de l'illustre Bayle. En 1772, l'académie des Jeux Floraux proposa pour sujet du prix de l'année suivante, l'éloge de Bayle; mais une lettre de cachet fit défense de le traiter, et l'académie voulant témoigner son mécontentement, substitua au nom proscrit le nom de saint Exupère. Dès les pre

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