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suited Bench Sub, 21 Jan

1933

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

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EN lisant le Prospectus de la Biographie Toulousaine, plusieurs

personnes ont douté qu'on pût trouver dans les annales d'une seule ville, des matériaux assez importans pour fournir une étendue convenable à la rédaction d'un pareil ouvrage. Ce ne sont pas les vrais savans qui ont manifesté ces craintes; ceux-là connaissaient déjà les sources abondantes où nous pouvions puiser nos renseignemens ; il leur était néanmoins presque impossible d'apprécier la multitude de faits curieux que nous allons offrir au public. Nous-mêmes, nous en conviendrons, ne découvrîmes pas du premier coup d'œil la richesse de la mine que nous étions sur le point d'exploiter.

Peu de villes en Europe, les grandes capitales même, pourraient former une liste aussi étendue de personnages remarquables, que celle dressée par nos soins, et composée des illustres Toulousains, notre plan d'ailleurs étant de leur joindre les individus qui, sans être nés dans Toulouse, ont contribué à sa gloire, on lui doivent la cé êbrité dont ils ont joui. Nous nous flattons de voir apprécier les travaux nombreux, les recherches pénibles auxquelles nous nous sommes livrés pour parvenir à un résultat satisfaisant.

Le nombre des historiens de Toulouse est considérable, et par une fatalité singulière, son histoire est encore à traiter. Les premiers auteurs qui l'ont écrite n'ont fait que la remplir de récits mensongers qui permettent à peine d'entrevoir la vérité. Flus tard on a mieux connu l'art de raconter; mais on a oublié, négligé, ou peut-être même craint de faire connaître les anecdotes les plus remarquables et les plus dignes de fixer l'attention du public. Catel, le premier, se distingua par une critique judicieuse; il ne chercha point dans des fables les annales de sa patrie, il rassembla de bous matériaux; la mort ne lui permit pas de los mettre en ordre; aussi ne forment-ils pas un tout complet. Lafaille, aimable narrateur, est souvent un guide peu fidèle; il ne dit que ce qu'on a dit avant lui dans les ouvrages connus de tout le monde. Il n'a pas voulu fouiller les trésors qu'il eût rencontré dans les archives du parlement, de l'hôtel

de ville, des différentes corporations; il les a eu cependant à sa disposition. Néanmoins, en y réfléchissant quelque peu, on se demande s'il était possible qu'il put mieux faire au temps où il travaillait? N'avait-il pas à redouter de déplaire à la Cour souveraine, aux Capitouls, aux Corps religieux, au Clergé, à l'Inquisiteur même de la foi? Tant de puissances particulières se disputaient alors le pouvoir, qu'il était bien difficile de dire la vérité sans en choquer quelqu'une. On remarque généralement dans Lafaille, quand ses préjugés ne l'égarent pas, un amour sincère du vrai; lorsqu'il peut le faire connaître, il se hate; ses réflexions par fois sont malignes, ou plutôt justes. Raynal, qui vint après lui, ne fit que l'abréger en le copiant servilement on ne trouve rien de neuf dans son ouvrage; il a tout imité, si bien que son histoire de Toulouse finit là où les annales de Lafaille se terminent. Nous devons cependant convenir qu'il nous a fourni la première idée de la Biogra; hie que nous offrons au public: le premier, il imagina de réunir en quelques pages les noms des hommes célèbres que Toulouse a produits; le projet était bon, mais il ne fallait pas se contenter d'extraire mot à mot quelques articles du Dictionnaire de Moréri. L'exécution de ce plan se trouva au-dessus des forces de Raynal, ou plutôt il ne voulut point prendre la peine de chercher ce que tant de volumes lui offraient avec abondance. On s'apercevra de ce qu'il eût pu faire avec plus de travail, en comparant la plupart des articles qui se trouvent également dans son livre et dans notre Dictionnaire. Après avoir parlé de ces auteurs, que pourrions-nous dire de du Rosey? Fut-il jamais plus emphatique, plus nausebond compilateur? Il est impossible de lire ses pages ampoulées, ses perpétuelles déclamations entachées du philosophisme, de la sensiblerie les plus ridicules; il dégoûterait du vrai patriotisme à force d'en mal-adroitement parler, si quelque chose pouvait dégoûter de cette première vertu.

En essayant d'éviter les défauts que nous venons de signaler, en voulant moissonner dans le champ où, par une circonstance bizarre, ceux qui nous ont précédé n'ont fait que glaner, nous ne pensons pas néanmoins avoir tout dit. Nous ne nous flattons pas d'avoir épuisé la matière; nous avons sans doute oublié quelques noms; nous avons commis des erreurs, soit de faits, soit de dates; aussi conjurons-nous les Erudits qui voudront bien parcourir cet ouvrage, de nous signaler nos fautes, afin que nous puissions les réparer dans un supplément ou dans une nouvelle édition. Ce sera toujours avec gratitude que nous recevrons les lumières qu'on voudra nous communiquer; ce qui nous rassure, est l'impossibilité de la perfection. Quel est le Dictionnaire qui ne laisse rien à désirer? Moréri, d'abord en un volume, a successivement été porté à dix; Ladvocat

s'augmente en ce moment; le Dictionnaire de Chaudon et de Delandine, après diverses éditions grossies chacune de plusieurs volumes, a été enfin, en 1811, renforcé de seize mille articles. La Biographie universelle, ce grand et bel ouvrage dont le succès s'accroit chaque jour, a souvent des lacunes; on y signale même d'importantes omissions; cependant une foule de savans y travaillent; mais on ne peut tout embrasser : telle est la destinée humaine; ses œuvres, en opposition de celles du Créateur, doivent toujours demeurer imparfaites.

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Parmi les omissions que nous avons pu faire, il y en a de deux genres que l'on nous reprochera particulièrement le premier sera T'oubli de quelques-uns de ces hommes de la révolution qui ont fait le mal en passant, et qui sont, avant la fin de leur vie, retombés dans l'obscurité avec le poids de leurs crimes, et le remords de les avoir commis. Nous eussions bien pu les flétrir du sceau d'une sorte d'immortalité; mais leurs familles existent autour de nous; elles déplorent les excès de ceux de leurs membres qu'elles voudraient pouvoir rejeter: devons-nous ajouter à leur douleur, en retirant des ténèbres des noms aujourd'hui complétement inconnus ? Nous nous sommes dispensés de le faire, et les nobles cœurs pour qui les mots union et oubli ne sont pas vides de sens, nous approuveront; il ne nous faut pas d'autres suffrages. Du reste, nous n'avons pas dans cette classe tout passé sous silence; on trouvera encore assez de ces articles qui fourniront un triste aliment aux haines particulières, ou à l'inquiète curiosité.

Le second reproche partira sans doute de ces orgueils de famille, de ces prétentions exagérées qui ne calculent pas, qui ne se rendent jamais justice, ne pouvant même consentir à la faire aux autres. Plusieurs individus voudront effacer de notre ouvrage des noms dont la splendeur les blessera, pour y substituer ceux de leurs proches dont nous n'aurons pas parlé. Est-ce notre faute si ces derniers n'ont en rien mérité les regards de la postérité? Nous avons écrit l'histoire des hommes, et non les généalogies de quelques maisons. Ce n'est pas tout que de dater de loin, il faut encore que de brillans services, de belles actions, des écrits remarquables, des aventures singulières, donnent le droit de se placer en des volumes destinés à rappeler les faits mémorables ou curieux, les talens ou les grandes vertus de nos compatriotes. Si pourtant nous avons commis des erreurs, nous les réparerons sans peine. Que ceux qui croiront avoir à se plaindre de notre silence à l'égard de leurs aïeux, nous prouvent notre tort, nous y suppléerons si la chose est possible nous cherchons la vérité, ce sera toujours nous obliger que nous la faire'

connaître.

le

C'est ici le lieu de dire les efforts que nous avons fait pour parvenir à cette vérité, les obstacles que nous avons rencontré, et le peu d'empressement que nos concitoyens out mis à nous aider dans nos recherches. Plusieurs eussent pu, avec un peu de bonne volonté, nous en épargner une grande partie. Depuis plus d'un an que Prospectus de la Biographie Toulousaine est publié, à peine cinq ou six individus, parmi ceux dont les ancêtres ont mérité de prendre place dans ce Panthéon patriotique, sont venus nous offrir les notes, les renseignemens dont nous pouvions avoir besoin. Tout le reste, ou a témoigné une grande indifférence, ou s'est refusé à toute communication; il y en a même qui n'ont pas craint d'exiger que notre travail leur fût soumis, afin de subir leur révision avant d'être mis au jour comme si les hommes des temps passés n'appartenaient pas tout entiers au domaine de l'histoire, et que leur famille dût conserver la prétention d'arrêter en dernier ressort ce que la postérité doit penser d'eux! De pareilles propositions ont été repoussées comme elles devaient l'être, et nul de nos articles, avant l'impression, n'a été communiqué à qui que ce soit.

Nous avons rencontré de bien plus singuliers amours propres. N'avons-nous pas vu des Etres assez faibles pour craindre de voir briller maintenant la gloire des leurs, pour redouter que de grands services rendus à la France sous une autre bannière que celle des lis, ne fussent des actions coupables? Ceux-là, qui nous ont fait pitié, cherchaient à atténuer un éclat et des vertus qui ont fait l'admiration de l'Europe; ils ne connaissaient que les idées de leurs cotteries; leur vue était trop faible pour s'enfoncer dans la profondeur des siècles.

D'après ce que nous venons de dire, on doit croire que l'impartialité à été notre unique but. Il ne faut donc pas chercher dans cette Biographie ce qu'on appelle en ce moment un système d'opinion; nous n'avons voulu être que justes, et pour y parvenir, nous nous sommes isolés des hommes et des choses Nous n'avons rien accordé à l'esprit de parti; mais nous donnons tout aux nobles sentimens, aux véritables idées de sagesse, de prudence, au sincère amour de la patrie. En blàmant les extrémes dans lesquels tombent les civers parts, nous avons cherché à faire ressortir ce qu'ils ont de louable, ne refusant notre approbation totale qu'à ces hommes pervers qui à des époques désastreuses répandirent le plus pur sang de la France, et la couvrent de deuil : c'était la le cas de dire avec Joad:

Rompez, rompez tout pecte avec l'iniquité ;

et nous l'avons fait. Des nuances peuvent diviser les honnêtes gens ; mais ils doivent toujours se réunir contre les ennemis de la religion,

DISCOURS

PRELIMINAIRE.

du trône et de la morale. Enfin, ce qui est bon l'est toujours, ce qui est mal ne peut en aucune manière cesser de l'être. Nous le répétons, les partis qui pour le malheur de la France combattirent longtemps dans son sein, ne seront point certainement satisfaits, nous ne leur avons fait aucune concession. Nous avons dit la vérité; peu nous importe qui elle blesse. Les martyrs de leur fidélité à la cause royale, les héros, les hommes habiles qui sous l'empire ont tant ajouté à la splendeur de la patrie, ont reçu de nous un égal tribut. d'éloges; mais ces personnages de toutes couleurs, ces Jacobins de plusieurs époques, et qui ont marché sous divers drapeaux ; ces fanatiques des temps anciens et modernes, ont été dépeints de manière à les rendre odieux à la postérité. Le premier devoir de l'historien est d'être tout à la fois impartial et sévère.

en

cher

Il est encore un autre écueil contre lequel nous avons évité de nous briser; c'est celui qui par un sentiment prétendu national engage certains auteurs à tout excuser, à tout applaudir de ce qui vient de leur terre natale. Nous avons pensé différemment, chant à nous isoler de nos affections particulières, de nos préjugés d'enfance, et sur-tout de celui qui naît d'un respect immodéré pour tout ce qui touche la patrie, (presque tous les rédacteurs de cet ouvrage étant Toulousains. ) Il est des personnes, et par avance nous en sommes convaincus, qui nous reprocheront d'avoir extrait de certains livres, de quelques documens aujourd'hui inconnus, des anecdotes malignes selon eux, en ce qu'elles dévouent au blame telle famille, tel individu, comme aussi peut-être d'exposer au grand jour des faits peu honorables pour la ville de Toulouse. Quant au premier grief, nous y répondrons les ouvrages de nos prédécesseurs à la main. Ce qui est écrit est écrit, a-t-on dit ; nous ajouterons : Ce qui est imprimé peut s'imprimer de nouveau, quand la voix publique ne l'a pas dévoué à la clandestinité. Tant pis d'ailleurs pour ces hommes pervers sur lesquels nous appelons de nouveau la vindicte des siècles. Il est bon de montrer aux oppresseurs du peuple et des talens, à ceux qui abusent de leur pouvoir, de lenr crédit, de leur génie même, que l'inexorable histoire ne les perd point de vue. Les siècles passent, tout finit; elle seule, sans relâche infatigable, reprend de nouvelles forces, et quand les méchans ont cru, après de longues annés, jouir enfin du repos de l'oubli, la voilà qui se présente devant leur tombe; elle appelle à haute voix des noms qu'elle réveille, des cendres qu'elle flétrit d'une odieuse célébrité.

Quant au second reproche qui tombera sur la tache imprimée volontairement à la ville de Toulouse par d'inutiles révélations, notre réponse sera plus facile encore. Il est rare qu'un fait puisse envelopper toute une ville dans cette honte résultante d'une indigne action. Il

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