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lesme et de Clermont, armés de blancq, et leurs chevaux couverts, leurs pages et eux habilliés et montés richement. Puis entrèrent les comtes de Vendosme et de Chastres, avec eux plusieurs barons et seigneurs richement habilliés. Et après eux entra la bataille des hommes d'armes, nombrés mille cinq cents lanches, lesquels gouvernoit messire Jacques de Chabannes, grand-maistre d'hostel du roy; et estoit à cheval tout armé, et son cheval richement couvert. Et après entrèrent les hommes d'armes du comte du Maine, nombrés cent et cinquante lanches, lesquels gouvernoient messire Geoffroy de Sainct-Belin, de Chammont et Bassigny. Puis entra l'arrière-garde, que faisoient les gens de Joachim Rohaut, avecques lesquels estoient les gens d'armes du sieur de Xantraille. Et ainsi allèrent toutes les compagnies jusques au-debvant de la grande église; et là descendit le lieutenant du roy, les comtes d'Angoulesme, de Vendosme, de Chastres, et plusieurs autres. Et adoncques vint l'archevesque de Bourdeaux à la porte d'icelle église, revestu en pontifical, accompagnié de plusieurs chanoines d'icelle église; et encensa le lieutenant, et lui feit baiser la croix et aucuns autres reliquaires; puis le print par la main, et le mena dedans le chœur faire sa prière debvant l'autel grand. Avecques le lieutenant entrèrent les seigneurs dessus nommés; et laissèrent les bannières du roy dedans l'église; et l'oraison faite des seigneurs, l'archevesque print un missel, et feit jurer et promectre au lieutenant et aux autres seigneurs, que le

roy les maintiendroit en leurs franchises et priviléges anciens. Et pareillement le lieutenant feit jurer l'archevesque, le sieur de l'Esparre et les autres assistants de la ville, et autres gens d'autorité, qu'ils seroient à toujours bons et loyaux subjets du roy de Franche, et mesme toute la communauté ; ce qu'ils accordèrent touts à une voix, les mains tendues aux saints, comme on a accoustumé de faire. De ce serment fust exempté le Captal de Boeuf, qui pour lors estoit chevalier de la Jarretière, qui estoit l'ordre du roy d'Angleterre. Et après le serment fait et la messe chantée, chacun se retira en son hostel pour disner; mais ne demoura guères après disner qu'il ne fust grand murmure en la ville pour ung des gens du roy, lequel, après le cri fait solempnellement à son de trompe de par le roy, que nul ne prinst sur son hoste ni ailleurs aucunes chose sans payer, transgressa ledit commandement. Lequel fust prins par les gens du roy et condampné d'estre pendu, comme il fust; laquelle chose pleut moult à iceux de Bourdeaux et du pays. Au surplus, le lieutenant du roy feit faire ung gibet tout nouf, pour pendre cinq compagnons de l'ost du lieutenant; lesquels, en faveur de Guillaume de Flavy, avoient navré messire Pierre Louvain, chevallier, lui estant au serviche du roy, et l'avoient espié par plusieurs journées pour le tuer. Et disoit-on que ce faisoient faire messire Charles, messire Hector et messire Raoul de Flavy, frères, touts chevalliers et frères audit Guillaume de Flavy, capitaine de compagnie. Lequel Guillaume,

certain temps paravant, avoit esté meurdry par son barbier, qui lui avoit coppé la gorge, à la requeste de la femme dudict messire Guillaume. Et après qu'il lui olt coppé la gorge en une place que on appelle.1..................., entre Noyon et Compiègne, où il se tenoit communément, icelle dame print ung coussin et lui meit sur le visaige et l'estaignit. Et assez lost après, icellui messire Pierre de Louvain vint au chasteau, et emmena la femme dudit messire Guillaume; laquelle tost après il espousa. Icellui Guillaume, en son temps, avoit esté toujours tenant le parti du roy, vaillant homme de guerre, mais le plus tyran et faisant plus de tyrannie et horribles crismes que on polroit faire : prendre fille malgré touts ceux qui en volloient parler, les violer, faire morir gens sans pitié, et les noyer. Entre les autres, il avoit fait morir le mareschal de Rouan, père de sa femme ; et combien qu'ils fust viel et de soixante ans, fort gros, et sa femme belle et josne, de vingt à vingt-trois ans, si avoit-il toujours des autres jeunes filles, qu'il maintenoit en adultère; et avecques ce menachoit souvent sa femme, qui, par advanture, fust cause de sa mort. Toutesfois, à cause que sa mort fust villaine et déshonneste, il en déplaisoit à ses frères; et pourchassoient ce qu'ils povoient par justice, que sa femme fust arse; mais oncques n'en peurent avoir raison à leur volonté. Ils avoient esté six frères, dont les trois avoient toujours tenu le

Lacune dans le manuscrit.

parti du roy, et les autres trois le parti du duc de Bourgogne; c'est à scavoir, Jehan l'aisné, Charles et Raoul, le parti du duc ; lequel Jehan estoit l'aisné et très riche, et ne fust oncques chevallier; aussi ne fust Guillaume qui estoit second et très riche. Ceux qui tindrent le parti du roy, feurent ledit Guillaume, messire Charles, chevallier, et ung autre qui mourut au siége de Compiègne, d'ung traict, estant à une fenestre. Toutesfois iceux cinq compagnons feurent pendus; et ainsi fust par icellui lieutenant faict justice, dont ceux de ladite ville et cité feurent fort joyeux; car du temps qu'ils estoient és mains des Anglois, il n'y avoit que voie de fait ; à laquelle voie le plus sage du monde ne scavoit que respondre. En icelle ville et cité de Bourdeaux, séjourna icellui lieutenant par l'espace de dix jours ou environ, pour y mectre police et gouvernement; et tellement que les gens de guerre s'y gouvernoient si gracieusement, que pendant ce temps, grief ni extorsion n'y fust faicte à aucuns de la ville et cité. Par la manière dessusdite, fust conquise la duchié de Guyenne, excepté la ville de Bayonne. A laquelle conqueste faire, se portèrent touts les seigneurs dessus-nommés, et touts ceux qui feurent en leur armée; laquelle armée fust estimée à vingt mille combattants. Le comte de Clermont demoura capitaine de ladite ville de Bourdeaux; et son lieutenant estoit messire Olivier de Contigny (Coetivy ), qui avoit la charge des gensdarmes; son frère, Prugent de Cotigny, fust en son temps admiral de Franche.

CHAPITRE XLIII.

Comment le siége fust mis debvant la cité de Bayonne, et des seigneurs qui y vindrent; des saillies et assauts qui y feurent faicts.

APRÈS la rendition de la ville de Bourdeaux, fust ordonné que les comtes de Nevers, de Cler-, mont et de Castres, iroient devers le roy de Franche, au chasteau de Challebourg; et les comtes d'Erminacq, d'Angoulesme et de Ponthièvre et leurs gens iroient en leurs maisons; et semblablement touts les francqs archiers, jusques à ce qu'on les redemanderoit. Lesquels comtes de Clermont, de Nevers et de Castres, arrivés devers le roy de Franche, Charles, par le moyen de son conseil, il deslibéra aller mectre le siége devant Bayonne, tenant le parti des Anglois; et, pour ce faire, ordonna au chasteau de Chierbourg, ses lieutenants, les comtes de Foix et de Dunois; lesquels, le sixiesme jour du mois d'aoust, meirent le siége devant la cité de Bayonne. Et estoient en la compagnie du comte de Foix, jusques au nombre de sept cents lanches, avecques les archiers et guisarmiers, dont il y en avoit quatre cents lanches des gens du roy, et trois cents lanches des barons et chevalliers, hommes et subjets du comte de Foix, desquels ils faisoit beau veoir les montures et harnas

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