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CHAPITRE XIV.

Comment le comte de Foix se partist de son pays et alla mectre le siége devant Mauléon, et comme le roy de Navarre vint pour cuider lever le siége, puis s'en retourna sans rien faire, et se rendit en la ville au comte de Foix; et du sieur de Luce qui se rendit Franchois atout six cents combattants.

Au mois de septembre dessusdit, le comte de Foix, accompagnié des comtes de Comminges et d'Estraict (Astarac), du vicomte de Lautrec, son frère, et de plusieurs barons et chevalliers du pays de Foix, de cinq à six vingts lanches et de dix mille arbalestriers, partist de son pays de Biarne (Béarn) et chevaucha, ainsy que dict est, accompagnié, par le pays des Basques jusques devant la ville de Mautléon de Selle, où il meit le siége; et assez tost après ceux de la ville, doubtants qu'ils ne fussent prins d'assault, se rendirent par composition; et lors se retirèrent dans le chastel les Anglois, lequel chastel est le plus fort de la duché de Guyenne; car il est merveilleusement hault, assis sur un hault et dur rocq. Le comte sçavoit qu'il avoit peu de vivres dedans; et pour ce y meit le siége de touts costés. Quant le roy de Navarre sceut ces nouvelles

1. Mauléon de Soule, en Gascogne.

y

là, il feit son mandement de toutes parts pour aller lever le siége, et chevaucha avecq six mille combattants arragonois, gascons, anglois et navarrois, jusques à deux lieues près de la ville, en cuidant lever le siége. Mais quant il sceut la puissance et fortification de ceux qui y tenoient le siége, il feit reculer et retraire ses gens, puis envoya ses messagers vers le comte de Foix pour parlamenter avecques lui, lequel lui envoya seureté de venir. Sy vint le roy de Navarre à petite compagnie à ung quart de lieue près du siége, atout sa seureté, où estoit le comte, auquel il dit que, veu qu'il avoit espousé sa fille, dont il avoit belle lignée, et attendu l'affinité qui pour ce debvroit estre entre eulx, il se donnoit grande merveille comment il avoit assiégé ladite place sur sa sauvegarde, veu que le connestable en estoit capitaine de par luy pour le roy d'Angleterre, auquel il avoit promis la garder encontre tout. Le comte de Foix, son gendre, lui respondit qu'il estoit lieutenant du roy de Franche ès pays d'entre Guyenne et les monts Espérans (Pyrénées), et sy estoit son subjet et son vassal; et que, par son commandement, comme son lieutenant, avoit mis le siége devant le chastel; et pource, janais pour homme ne s'en lèveroit jusques à ce qu'il fust en l'obéissance du roy de Franche. Mais en toutes choses à lui possibles il l'aideroit et conforteroit, comme père de sa femme, réservé contre le roy de Franche, ses subjets et alliés. Après ceste response s'en retourna le roy de Na

varre et son ost en son pays. Quand ceulx du chastel veirent qu'ils ne pouvoient estre secourus, attendu la grande nécessité qu'ils avoient, rendirent le chastel au comte de Foix. Assez tost après, le sieur de Luce, accompagnie de six cents combattants portants des croix rouges, lequel estoit homme du roy de Franche à cause dudit chastel, alla faire en la main du comte de Foix hommaige au roy de Franche; et incontinent le serment fait, s'en retourna atout sa compagnie en sa maison, portants touts des croix blanches, dont leurs femmes et enfants feurent moult esbahis. Après ces choses, le comte de Foix retourna en son pays.

CHAPITRE XV.

Comment le chastel d'Yexmes se rendit aux Franchois; de la prinse des ville et chastel d'Argentan; et comment le roy de Cécille et son frère vindrent servir le roy de Franche; et du siége qui fust mis devant le Chastel Gaillard.

LE vingt-uniesme jour du mois de septembre, l'an dessusdit quarante-neuf, les comtes de Dunois, de Clermont et de Nevers, et plusieurs autres en leur compagnie, meirent le siége devant le chastel d'Yexmes, lequel fust, par les Anglois qui dedans estoient, rendu ; et s'en allèrent, leurs corps et leurs vies saufs. Ce fait, les Franchois allèrent devant

les ville et chastel d'Argentan, où ils meirent le siége; et lors les Anglois parlamentèrent. Et quand les bourgeois de dedans veirent les Anglois amusés à parlamenter, cognoissants que leur vollonté estoit de tenir, contre la cognoissance des Anglois et sans leur sceu, appellèrent aucuns de l'autre costé dont on parlamentoit, et leur demandèrent ung estendart, bannière ou enseigne, leur disants que là ou ils mecteroient l'enseigne, venissent seurement, et les mecteroient dedans la place; et ainsy le feirent. Quand les Anglois les appercheurent entrer ens, ils se retournèrent au chastel, et incontinent une bombarde du siége des Franchois tira contremont la muraille d'icelluy chastel, et y feit trou assez grand pour y passer une charrette Lors les Franchois voyants le mur ainsy abbattu, ils assaillirent le chastel et le prindrent par le trou. Les Anglois de dedans se bouttèrent au donjon; mais assez tost se rendirent, de poeur d'estre prins d'assaut, et s'en allèrent ung baston au poing tant seulement.

En ceste saison estoit le roy de Franche à Louviers, et sa compagnie; vindrent le roy de Cécille, Regner (René), et Charles d'Anjou, comte de Maine, son frère, verslui; desquels le roy avoit espousé leur sœur ; et amenèrent avecques eux le vicomte de Loumaigne, le comte de Castres, le cadet de Labret, le baron de Traynel, chancellier de Franche; le sieur de Cullant, grand maistre-d'hostel ; le comte de Tancarville, le comte de Dampmartin, le ma

reschal de la Fayette, messire Ferry de Loheren(Lorraine), messire Jean son frère, les sieurs de Blanville, de Montgascon, de Précigny, de Gaucourt, de Prailly, de la Bessière, de Chailly, de Monteil, de Brion, de Beauvois, de Han en Champaigne, d'Aigreville et de Malicorne; messire Theaude de Walpergues, messire Jehan du Cigne, messire Louis de la Rochette, messire Robinet d'Estampes, et plusieurs aultres barons, chevalliers et escuyers, jusques au nombre de deux cents lanches et archiers, sans les du duc d'Allenchon et ceulx du duc de gens Bretaigne, et des comtes de Dunois, d'Eu, de Clermont et de Saint-Pol. Toutes ces compagnies venues au service du roy de Franche, le roy feit mettre le siége devant le Chastel Gaillard, qui est moult fort et imprenable; car il est assis près de la rivière de Saine sur ung rocq, que nuls engins ne poeuvent grever. Lequel siége fust mis par le séneschal de Poitou, le sieur de Jaloignes, mareschal de Franche, messire Jehan de Bresay, Denys de Chailly, et autres, qui à mectre le siége se gouvernoient bravement et vaillamment ; et y estoit le roy en personne.

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