Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Bayeux huit cens combattants, dont estoit chief et conduiseur Mathago; de la ville de Vires, quatre à cinq cents combattants, dont estoit chief et conduiseur messire Henry Morbery (Norbury), lesquels s'assemblèrent avec ceux qui estoient de nouvel venus d'Angleterre, tant qu'ils se trouvèrent de cinq à six mille combattants. Toutes les compagnies d'Anglois ci-dessus déclarées assemblées, ils passèrent les guets Saint-Clément, pour l'hiver, vers Bayeux et vers Caen; et lors, les Franchois qui s'estoient mis sur les champs pour les trouver le sceurent, lesquels les poursuivirent et chevauchèrent fort, les ungs d'un costé, les autres d'autre, tant qu'en la fin, le quatorziesme d'avril l'an dessusdit mil quatre cens cinquante, les attaignirent messire Geoffroix de Couvran et Joachim Rohault; lesquels férirent asprement sur l'arrière-garde des Anglois, et en tuèrent plusieurs; puis se retraierent et feirent sçavoir au connestable de Franche, qui estoit à Saint-Loup (Saint-Lô), leur faict et le faict des Anglois; et pareillement le feirent sçavoir au comte de Clermont, qui estoit sur les champs pour les quérir. Lequel incontinent fust accompagnié du comte de Chastres, du séneschal de Poitou, des sieurs de Montgary et de Ray, admiral de Franche; du séneschal de Bourbonnois, des sieurs de Manye (Mauny), de Mouy et de Robert Conigam, messire Geoffroy de Couvran, Joachim Rohault et Olivier de Brion, lesquels, assemblés ensemble, tirèrent hastivement où estoient

les Anglois, et les trouvèrent en ung champ, près ung villaige nommé Fourmigny, entre Careton et Bayeux.

Quant les Anglois les appercheurent, ils se meirent en bataille, et envoyèrent quérir diligemment le susdit Mathago le jour qui fust le quinziesme jour du mois d'apvril, lequel s'estoit parti d'eux très le matin pour aller à Bayeux; pour lequel mandement il retourna incontinent; et feurent les Franchois et Anglois, par l'espace de trois heures, l'ung devant l'autre, en escarmouchant l'ung contre l'autre. Et cependant feirent les Anglois grands trous et fossés, devant eux, de terre, dagues et espées, adfin que si les Franchois les assailloient, qu'ils cheissent eux et leurs chevaux. Les Anglois avoient derrière leur dos, à un traict d'arcq et entre d'eux, grande foison de jardinages plains de pommiers, poiriers et autres divers arbres, adfin qu'on ne leur peut courrir sur le derrière. Cependant le seigneur de Richemont, connestable de Franche, le comte de Laval, le seigneur de Loheac, mareschal de Franche, le seigneur d'Orval, le mareschal de Bretaigne, le seigneur de Saint-Sévère, et plusieurs autres, jusques au nombre de trois cens. lanches, et les archiers, faisoient diligence d'estre près desdits Anglois, chevauchèrent d'ung villaige nommé Estrievères, où ils avoient couché le soir, jusques à un moulin à vent au-dessus dudit Fourmigny; et là, à la vue des Anglois, se meirent touts en bataille et marchèrent en leurs ordonnances près

d'icelui Fourmigny, à ung guet ou à ung petit pont de pierre; et lors les Anglois doubtèrent et laissèrent le camp, et se reculèrent sur la rivière pour la mectre à leur dos. Voyant ce, le comte de Clermont, qui avoit de cinqà six cens lanches, avecques les archiers et sa compagnie, et le connestable de Franche, les assaillirent vigoureusement, et en la fin les desconfeirent autour d'icelle rivière. Et là feurent morts et occis, par le rapport des héraux, des prestres et des bonnes gens qui là estoient, trois mille sept cens soixante quatorze Anglois, et si feurent prins messire Thomas Kiriel, messire Henry Morbery, Janequin Basquiers, et plusieurs autres Anglois, jusques au nombre de douze cens; et les morts feurent enterrés en quatre fosses. Mathago eschappa et s'enffuit à Bayeux; et aussi feit messire Robert Vere, et s'en alla à Caen; et en icelle bataille morurent, du costel des Franchois, de six à huit cens hommes seulement. Et poroient aucuns dire que ce fust grace de Dieu pour les Franchois qui euront ceste vicloire; car ils n'estoient en tout, par le rapport des héraux, qu'environ trois mille combattants, et les Anglois estoient de six à sept mille; et par ce peut apparoir assez la grace de Dieu sur les Franchois, lesquels s'y gouvernèrent bravement et vaillamment ; et entre autres, ceux de dessoubs l'estendart s'y portèrent honnorablement et honestement; et sy feirent ceux du connestable, les seigneurs de Montgary, de Saint-Sévère, et par espécial le séneschal de

Poitou; car les Angleis chargèrent l'effort sur ses gens et sur ceux du bailly d'Evreux, que gouvernoit le sieur de Mauny, tellement qu'ils gaignèrent du costé où ils estoient en bataille, deux coulevrines sur eux. Et lors le séneschal descendit à pied, et feit descendre ses gens; puis assaillit si durement les Anglois, qu'il les reboutta par l'ung des bouts de la bataille, la longueur de quatre lanches, et recouvra les deux coulevrines; et à ceste reboutte, morurent sept cents Anglois. Ce véants, les autres Franchois se portèrent si valliamment, qu'ils eurent la victoire, et leur demoura le camp; et là fust fait chevalier le comte de Chastre, frère du comte de la Marche; Godefroy de Valoingnes, frère du comte de Boulogne et d'Auvergne, et le sieur de Vauvert, fils du comte de Villars; le sieur de Saint-Sévère, le sieur d'Allanchon, et plusieurs autres.

CHAPITRE XXV.

Comme la ville de Vires et autres villes feurent mises en l'obéissance du roy de Franche; et du siége mis debvant la cité de Bayeux; et deux fois, et enfin fust rendue par compocomme on l'assaillit par

sition.

APRÈS la desconfiture que feirent les Franchois sur les Anglois, à la bataille de Fourmigny, les seigneurs franchois allèrent mectre le siége devant

[ocr errors]

la ville de Vires. N'y fust gueres, car messire Henry de Morbery, qui estoit prisonnier, en estoit capitaine; si feit tant par composition, que les Anglois qui dedans estoient de trois à quatre cents, s'en allèrent, leurs corps et leurs biens saufs, dedans Caen. Après la ville de Vires rendue, le connestable de Franche, le sieur de Laval, et autres, qui estoient en leurs compagnies, se partirent et s'en allèrent vers le duc de Bretaigne, soubs qui ils estoient, lequel duc, avec la compagnie dessusdite, alla mectre le siége en personne devant Avranche, et le tint trois semaines; et cependant feit faire des grandes approches et feit battre la muraille d'engins, tellement, que ung nommé Lampot, qui en estoit capitaine, rendit icelle ville d'Avranche au duc de Bretaigne, et s'en alla, ung baston au poing tant seulement, et ses compagnons pareillement, qui estoient de quatre à cinq cents. Pareillement se rendit la place de Couloigne, qui est une forte place, et imprenable, tant qu'il y ait à manger; car elle est toute assise sur une roche en la mer, près du mont Saint-Michel. Ils étoient dedans de quatre-vingts à cent Anglois; lesquels s'en allèrent, leurs corps et leurs biens saufs, à Chierbourg.

Assez tost après la prinse de Vires, les comtes de Clermont, de Chastres, et aultres de leurs compagnies, qui avoient tenu le siége devant Vires, allèrent mectre le siége devant Bayeulx ; et se logerent ès faulxbourgs du costel devers Carentan, les

« AnteriorContinuar »