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CHAPITRE XL.

Comment tout à ung mesme temps le comte de Dunois assiégea les ville et chastel de Bourg, le comte d'Albreth assiégea la cité d'Arques, le comte d'Arminacq assiégea Rion, le comte de Penthièvre assiégea Chastillon, en Pierregort; et feurent toutes ces places rendues au roy de Franche.

APRÈS la rendition de la ville et chastel de Blaye, incontinent, sans intervalle, le comte de Dunois, avecques toute sa compagnie, alla mectre le siége devant la ville et chastel de Bourg (Bourbourg), tant par mer que par terre. Et n'y fust ledit siége que cinq à six jours; car quant ceux de la ville, qui estoient dedans, veirent sy grande puissance et en sy belle ordonnance, aussi bombardes et canons sortir de debvant eux, avecques mines, approchements et trenchis, ils requirent eux rendre, leurs corps et biens saufs. Et estoient dedans, de la part du roy d'Angleterre et de ceux de Bourdeaux, de quatre à cinq cents combattants, dont estoit capitaine messire Bertrand de Montferrand, lequel, lui et ses gens s'en allèrent, leurs corps et leurs biens saufs, en la ville de Bourdeaux ; et demoura la place en la garde, de par le roy de Franche, de messire Jacques de Chabanne, grand maistred'hostel de Franche. Et ce mesme an, audit mois de mai, le comte d'Albreth, avecques les seigneurs de

Tartas et d'Orval, ses fils, lequel avoit en sa compagnie trois cents lanches et deux mille arbalestriers, vint mectre le siége devant la cité d'Arques, du costel de devers Bourdeaux, au bout du pont de la rivière de la Dourdonne; et environ dix a douze heures que le siége fust mis, vint le comte de Foix avecques le vicomte de Lautrech, son frère légitime, messire Bernard de Biernes (Béarn), son frère bastard; les barons de Noeuville, de Lattrydon, de Roix et de Carasse; messire Martin Gratien, capitaine des Espagnols; Robin Petit-Los, capitaine des Escossois; et plusieurs autres chevalliers, seigneurs et escuyers, et gens de guerre, jusques au nombre de cinq cents lanches et de mille arbalestriers ; et meirent le siége devers Navarre et Bierne. Durant lequel siége il olt plusieurs armes d'ung costel et d'autre, jusques à tant qu'il vint à leur cognoissance que ceux de Bourdeaux avoient intention trouver le traictié avecques le lieutenant du roy de Franche ou ses commis. Pour laquelle cause, à la requeste du comte de Foix, ils feurent comparants en l'appoinctement que feirent ceux de Bourdeaux. Et par ainsi la cité fust rendue en la main du roy de Franche, et commise à garder à quatre barons du pays de Bierne (Béarn).

En ce mesme temps et mois, se partit le comte d'Erminacq de son pays, avecques le sieur de Poictraille et les quatre séneschaux de Toullouse, de Rouergue, d'Agones (Agénois) et de Crécy (Guercy), et le séneschal de Guyenne; et avoit le

comteen sa compagnie, tant des seigneurs dessusdits que de gens de son pays, cinq cents lanches et les archiers, avecques lesquels il vint mectre le siége devant une place nommée Royon (Riom). Il fut par une espace de temps, en portant forte guerre aux enne-mis du roy de Franche. Durant lequel temps, jàsoit qu'ils parlamentassent d'avoir appoinctement avecques ceux de Bourdeaux, si faisoient-ils toujours forte guerre les ungs contre les autres, jusques à tant que ledit appoinctement fust fail.

En ce mesme temps et mois, fust mis le siége debvant Chastillon en Perregort, par le comte de Ponthièvre, et le sieur de Jalloingnes, mareschal de Franche, accompaignié de maistre Jehan Bureau, thrésorier de Franche; et avoient en leurs compagnies trois cents lanches avecques leurs francqs archiers, avecques grosse artillerie et menue ; qui espouvanta tellement ceux dedans, lesquels, voyoient la puissance du roy de Franche, qui faisoit mectre plusieurs siéges ensemble, feirent traictié et composition aux Franchois, par lequel, leurs corps et leurs biens saufs, ils partirent de la place, laquelle demoureroit és mains du roy de Franche; laquelle fust mise à garder à messire Jehan Bureau.

En ce temps, se rendirent au roy de Franche ceux de la ville de Sainct-Melon (Sainct-Emilion), voyants qu'ils ne povoient résister contre sa puissance; et fust la ville bailliée en garde au comte de Ponthièvre.

CHAPITRE XLI.

Comment le comte de Dunois envoya mectre le siége debvant le chasteau de Fronsacq en tenant le siége qu'il avoit mis à Bourgbourg, fourny de gens de traicts; et feit savoir à ceux de Libourne, d'eux rendre; et comme plusieurs places se rendirent au roy de Franche.

Le second jour de juing, audit an cinquante et ung, le comte de Dunois envoya mectre le siége, par mer et par terre, debvant une place appelée Fronsacq, et il demoura devant Bourgbourg, par aucune espace de temps pour faire certaines ordonnances, et mectre régime et police au bien et proffit du royaume; et ce fait, vint personnellement audit siége de Fronsacq, et envoya ung héraut pour sommer ceux de Libourne d'eux rendre. Lesquels de Libourne envoyèrent les principaux de la ville pour trouver traictié ; lequel traictié fait et accordé, la ville fust rendue au roy et bailliée en garde au comte d'Angoulesme. Et au regard du chasteau de Fronsacq, qui estoit le plus fort chasteau des marches de Guyenne, et lequel avoit tou-` jours esté gardé d'Anglois, natifs du pays d'Angleterre, pour ce que c'est chambre du roy et la clef de Guyenne et de Bourdelois, les Anglois tindrent icelle place le plus qu'ils peurent. Toutesfois, soyant, la noblesse et la grande multitude des gens de guerre debvant eux, qui n'estoit point la quarte

partie de la puissance du roy, et comment pour icelle heure les francs archiers tenoient quatre siéges, lesquels ne povoient secourir les ungs les autres pour les grosses rivières de Gironde et Dourdonne, qui lors estoient très grosses, véants aussi qu'il n'y avoit siége tenu des Franchois qui ne fust assés fort pour attendre et combattre toute la puissance que le roy d'Angleterre avoit en ce temps en Guyenne, pour lesquelles choses ceux de la place traictèrent avecques le comte de Dunois, , que si en dedans la veille de Saint-Jehan-Baptiste, ensuivant ce jour, les Franchois n'estoient combattus devant ladite place par les Anglois, qu'ils rendroient la place en la main du roy de Franche. Pareillement traictèrent ceux'de Bourdeaux, eux faisants fort de faire rendre toutes les places de Guyenne estants en l'obéissance du roy d'Angleterre, et, pour seureté de ce faire, baillèrent hostaiges, adfin d'entretenir ce que dict est. Et pour estre à icelle journée de la Saint-Jehan, vindrent le comte de Nevers, de Clermont, de Chastres, de Vendosme, de Penthièvre, accompagniés de plusieurs autres chevalliers et escuyers; et feurent en bataille ce jour pour attendre leurs ennemis. Et fust la journée hautement et honnorablement tenue en riches et grands habillements; et là feurent faits chevalliers le comte de Vendosme, le vicomte de Turenne, le sieur de la Rochefoucault, le fils du sieur de Commerin (Couvran), messire Jehan de Roquencout, le sieur de Gounault, messire Pierre de Bar, mes

MONSTRELET. T. XII. MÉM. DE J. DE CLERCQ.

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