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but politique, et ne voulait qu'arracher à ses sujets les moyens de suffire à sa magnificence, ou distraire l'attention de ses desseins. Le seigneur de Pons se distingua par la bizarrerie de son serment. Il jura de ne coucher jamais le samedi dans son lit, pour l'amour de sa dame, jusqu'à ce qu'il eût combattu corps à corps un Sarrasin ou un Turc, avec la permission de son très redouté seigneur 1.

Malgré la complaisance avec laquelle il rapporte les moindres détails de ces banquets, Olivier de la Marche et Mathieu de Coussy ne peuvent s'empêcher de les trouver outrageux et déraisonnables. En effet, il y régnait autant de prodigalité que de mauvais goût, et ce n'est pas peu dire. Du Clerq parle en plusieur endroits, mais avec moins d'étendue, de ces spectacles à machines qu'on appelait entremets parce qu'on les représentait entre les différents mets ou services du festin.

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Nous remarquerons, en passant, une coutume assez singulière ; c'est que si, dans ces réjouissances on présentait une couronne de fleurs appelée chapelet du banquet, à l'un des convives, c'était lui faire contracter l'obligation de donner un festin à son tour. Cette présentation avait lieu avec beaucoup de formalités quand il s'agissait d'un personnage illustre. Chez le comte d'Etampes, le cha

1. MATHIEU DE COUSSY. T. XI de cette collection.

MONSTRELET. T. XII. — MÉM. DE J. De Clercq.

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pelet fut présenté au duc Philippe par une enfant de douze ans, qui lui récita ces vers:

Très excellent, haut prince et redouté,
A vous venons en toute révérence.
Pour charge avons que vous soit présenté
Ce chapelet, lequel est apporté,
Par la dame que voyez en présence.
Le comte d'Estampes en son absence
La vous transmet en ce lieu et envoie ;
Et la nomme on la Princesse de Joie 1.

Parmi les jeux en usage, alors il ne faut

pas oublier celui de la paume ou de l'estuef, dont un habitant de Bruges, qui qui ne se nomme pas, et s'annonce comme simple tondeur de draps, s'avisa de tirer des allégories spirituelles, l'an 1435, dans un ouvrage qui existe en manuscrit dans la bibliothèque de Bourgogne 2, et que Legrand d'Aussy a analysé 3.

On a fixé la naissance des ballets réguliers au

I. OLIV. DE LA MARCHE, liv. I, ch. 29.

Sanderus nomme comme appartenant à la Bibl. de Bourgogne, les MS. suivans:

-Vœux du Paon.... bis.

Vœu du Hairon et la généalogie d'aucuns roys.

Les

sept articles de la Foy, les vœux du Hairon et Chroniques de France abrégées. T. II, de la Bibliothèque des manuscrits Belgique, p. 7 et 11, nos 257, 258, 532, 558. 2. Le jeu spirituel de la Paume ou de l'Eteuf (Estuef), fol. longues lig., 166 feuilles. vél. sans min.

3. Notices et extraits des MS. de la Bibl. Roy., etc. T. IV, p. 156.

quinzième siècle, lors de la fête splendide que Bergonce de Botta donna à Tortonne pour le mariage de Galéas, duc de Milan, avec Isabelle d'Arragon 1. Cependant on en trouve dans le père Ménétrier et ailleurs des exemples moins récents. Chacun se souvient du Ballet des Sauvages, qui faillit être si fatal à Charles VI; et, pour ne pas sortir de l'époque parcourue par Du Clercq, à la fète du Vœu du faisan, un ballet fut exécuté par la GrâceDieu, la Foi, la Charité, la Justice, la Raison, la Prudence, l'Attemprance, la Force, la Vérité, la Diligence, l'Espérance, la Largesse et la Vaillance. A cette mommerie dansèrent le comte de Charro

lois, monsieur de Clèves, M. d'Étampes, M. Adolphe de Clèves, M. Jean de Coïmbre, M. le bâtard de Bourgogne, M. de Buchan, messire Antoine, bâtard de Brabant, M. Philippe de Lalain et M. Chrestien de Digoine; mademoiselle de Bourbon, mademoiselle d'Étampes, madame de Ravestein, madame d'Arcy, madame de Commines, madame de Santerre, madame des Obeaux, madame du Chasteler, Marguerite, bâtarde de Bourgogne, Antoinette, femme de Jean Boudaut, et Isabeau Constain 2.

1. Mélanges tirés d'une grande bibliothèque.T. III, p. 354. 2. M. Baron, savant hélléniste et homme d'esprit, dont l'amitié m'est chère, a publié des lettres fort

La danse se mêlait à la plupart des divertissements. Son caractère était grave comme celui de la musique, qui approchait du chant grégorien. Du Clercq, parlant des réjouissances faites à l'occasion de l'ambassade envoyée par Ladislas, roi de Bohême, au roi de France, dit qu'on dansa la movoisse: il faut lire, selon toute apparence, la morisque 1.

La musique du duc Jean sans peur était composée d'un clerq de musique ou chef d'orchestre, de pages de la musique et de douze ménétriers ou violons. Celle de son successeur s'augmenta de six harpeurs, de hautbois, de trompettes, et d'artistes désignés spécialement sous le nom de musiciens, qui étaient peut-être des chanteurs 2. Les trompettes, sous Charles-le-Téméraire, sonnaient tous les matins pour réveiller le prince ; elles annonçaient son départ et son retour 3.

L'art de la musique commençait à prendre une sorte de forme entre les mains de Jean-le-Teinturier, né à Nivelles, vers le milieu du quinzième siècle, archi-chapelain de Ferdinand, roi de Na

piquantes sur la danse ancienne et moderne. Paris, DondeyDupré.

I. L. III, ch. 30.

2. Voy. plus bas l'état de maison du duc Philippe. 3. Coll. de Mém. publ. par Perrin, t. IX, p. 347.

ples, et vanté par Trithême comme un homme très savant, profond mathématicien, et grand musicien. On a de lui, entre autres, un livre intitulé: Terminorum musicæ diffinitorium, imprimé à Naples, en 1474, et à Trévise, sans date. Simon Van der Eycken, né à Bruxelles dans le courant du quinzième siècle, passa également en Italie, et fut maître de musique de l'église métropolitaine de Saint-Ambroise, à Milan. Il a écrit un traité sur son art, intitulé : De Gregorianá et figurativá et contrapunctá simplici, imprimé à Landshut, en 1518. On fait aussi mention d'Auber Ockergan, né en Hainaut, et de Josquin-des-Prez, doyen du chapitre de Saint-Wanegulphe à Condé, qui fut un des premiers restaurateurs de la musique 1.

Des poésies qui se chantaient, nous ne citerons que ces ballades ou vaudevilles inspirés par l'événement du jour 2. L'histoire de la chanson populaire, ou, si l'on veut, anecdotique, offrirait des recherches curieuses. En tous temps, les habitants des Gaules ont déposé dans des couplets satiriques leur gaieté, leur malice, et même leur colère.

1. Mém. Hist. sur la Bibl. dite de Bourg., p. 203.

2. Mon ami, M. Quetelet, a lu à la société de la Concorde, à Bruxelles, des réflexions ingénieuses sur la Romance, enrichies d'imitations de Schiller et d'autres romanciers.

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