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Dans l'épitaphe du duc Philippe, on lui fait

dire:

Et pour

la foi chrestienne maintenir en vigueur, J'envoyai mes galères jusques en la mer majeur 1.

En effet, en quatorze cent quarante-six, il envoya à Rhodes et vers la Palestine, trois galères bien armées, commandées par Jean de Portugal, espèce d'aventurier d'une intrépidité reconnue. En 1464 2, Philippe équipe dans les ports de la Zélande douze galères et d'autres navires de transport, montés montés par dix mille hommes choisis, sous la conduite de ses deux bâtards, Antoine et Bauduin. Les Gantois, en cette occasion, armèrent à leurs frais trois cent trente citoyens. » Et fut mes» sire Simon de Lalain, seigneur de Montigny, lieutenant-général de monsieur le bastard en >> cette armée; et estoit belle chose de veoir les » bannières et les pennons en chascun basteau, car » chacun capitaine vouloit montrer quel homme il » estoit en ce haut et sainct voyage. Les trompettes

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289. On trouve des particularités intéressantes sur nos rapports extérieurs au XIIe siècle dans un ouvrage de M. Auguste Von Wersebe, trop peu connu parmi nous et intitulé: Ueber die Niederlandischen Colonien welche imNordlichen Teutschlande im XII jahrh. gestiftet worden. Hannover, 1815-1816, 2 vol. in 8o

1. On appelait mer majeure la mer Noire.

2. Olivier de la Marche dit 1463; mais Meyer et Du Clercq sont ici d'accord avec la suite des événements.

» et clairons sonnoient à monter les gens d'armes >> chascun en son navire, et sous leur capitaine,

qui donnoient moult grand resjouissement; et » d'autre part tiroit l'artillerie, qui espouvantoit >> et effrayoit toute la compagnie 1. »

I

Du Clercq dit seulement que le duc envoya à cette expédition deux mille combattants, mais peut-être compte-t-il par lances, et alors son calcul reviendrait à celui de la Marche, ce qui n'est pas vraisemblable, puisqu'il dit expressément plus tard, que des deux mille combattants, la contagion en emporta quatre ou cinq cents 2. Il ajoute que le bruit courait « qu'aucuns fils du diable ou plains de mauvais esprit, avoient tant fait devers » le roy Loys qu'il avait retardé ledict sainct » voyage; » mais c'était mal connaître les intentions de Louis, qui, en l'absence de Philippe, n'aurait point manqué de lui tendre quelque piége. Les promesses réitérées du duc n'aboutissaient à rien; Louis savait bien qu'il n'oserait quitter ses états; et s'il feignit de le retenir, ce fut pour combattre ses soupçons, et lui inspirer quelque confiance 3.

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La boussole, que les Melphitains inventèrent vers l'an 1302, avait produit une révolution im

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mense dans la navigation . Goropius Becanus a voulu faire honneur à la Belgique de cette découverte, sur le fondement que les noms des vents inscrits sur la rose, sont flamands. Montucla a combattu cette opinion. En effet, on peut concevoir facilement que diverses nations aient successivement perfectionné la boussole. L'Italien suspendit l'aiguille sur son pivot, et peut-être en resta là. L'Anglais imagina la suspension de la boîte où l'aiguille est contenue. Les noms des rumbs de vents ont été dérivés, dans l'Océan, de la langue qui fournissait le plus de monosyllables, pour désigner les points cardinaux, afin de pouvoir plus facile

1. Guyot de Provins, dans sa Bible, écrite vers la fin du XIIe siècle, parle de la boussole dont il fait la description suivante que nous donnons dans la traduction de Legrand d'Aussy, comme plus intelligible. L'ouvrage entier de Guyot est imprimé dans le recueil de M. Méon, T. II, pp. 307-393.

« Ils se font outre cela, par la vertu de la Marinière, un art qui ne peut les tromper. Ils ont une pierre laide et brune qui attire le fer. Ils tâchent de trouver ses pôles, et y frottent une aiguille qu'ils couchent sur un brin de paille, et qu'ils mettent ainsi, sans plus d'apprêt, dans un vase plein d'eau. La paille fait surnager l'aiguille, et celle-ci tourne sa pointe vers l'étoile polaire (Guyot l'appelle Tresmontaine). Quand la mer est couverte de ténèbres et qu'on ne voit plus dans le ciel ni la lune, ni les étoiles, ils apportent une lumière près de l'aiguille, et ne craignent plus de s'égarer. » Fabliaux ou Contes du XII et du XIII• siècles, T. II, p. 27.

ment en composer les noms des rumbs moyens. Le langue flamande s'est trouvée jouir de cet avantage, et c'est, dit l'illustre historien des mathématiques, ce qui a fait donner aux vents les noms qu'ils portent aujourd'hui 1. Quoi qu'il en soit, cette imposition de noms annonce un peuple qui dominait les mers et qui s'y était, en quelque sorte naturalisé. C'est rarement par des raisons grammaticales ou de convenance d'expression, que les mots usuels s'établissent.

Un préjugé faisait croire à la noblesse qu'elle dérogeait en cherchant les périls de la mer, à moins que ce ne fût pour une cause sainte. Ce préjugé devait cependant s'affaiblir chez un peuple essentiellement navigateur. Outre les deux bâtards de Bourgogne et Simon de Lalain, déjà nommés, deux des fils de ce dernier, le sieur de Cohen, le sieur de Bossu, Jean de Longueval, et plusieurs autres s'embarquèrent à l'Écluse 2.

du

Le duc avait donné à Antoine, pour les frais

voyage, cent mille couronnes d'or, et le comté de la Roche en Ardennes, avec plusieurs autres terres. La folie romanesque des croisades encouragée, excitée par le pape et le clergé, réveilla tous les coureurs d'aventures, et promit des res

1. Hist. des Math., 2o éd., T. I, p. 527. 2. L. V, ch. 9.

sources à une jeunesse extravagante ou corrompue. En ce temps aussi se croisèrent grand nombre » de gens, et la pluspart touts josnes hommes ; et >>se partoient par routes, chy dix, chy vingt, chy

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quarante ensemble, sans capitaines, et les au>> cuns avecq bien peu d'argent ne habillements de » guerre, et à pied ; et tirèrent touts vers Rome; et >> disoit-on que des pays du duc en estoient partis grand nombre, et bien jusques au nombre de vingt mille ou plus. Pareillement des autres pays » chrestiens, se croisèrent tant de gens sans chief >> ne sans conduite, de touts royaumes, qu'il me » fust dit (c'est Du Clerq qui parle) par un doc>>teur en théologie, homme créable, lequel es» toit en ce temps à Rome, qu'on disoit à Rome, » que s'ils se fuissent assemblés ensemble, ils se >> fuissent bien trouvés trois cent mille hommes 1. » Et pour ce qu'ainsi partoient sans chief ne sans >> gages, on doubtoit moult, que s'ils s'assembloient » ensemble, il n'en vinst aucun inconvénient 2. » Cela donne une idée de la police intérieure des états. Ce mot, que l'on s'est plu à déconsidérer dans la suite, est ici pris dans une honorable acception. Jadis il désignait le pouvoir qui, d'en haut, veillait à la conservation des états; maintenant il

1. Ce nombre est sans doute extrêmement exagéré.
2 L. V, ch. 9.

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