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« Le lendemain lundy, lesdicts ennemis attaquèrent la Chaussée par le fossé de Bocquerol. Ce poste fut vaillamment deffendu par quelques habitans et quelques soldats de Piedmont, commandés par le sieur de Sorel, capitaine, quy tuèrent quelques chefs et plus de deux cens soldats. Et, enfin, l'on fust contrainct de céder, en se retirant. Il y eust beaucoup de maisons de la Chaussée quy furent bruslées aux deux extrémitez, par meschef ou autrement. Les attaques desdits ennemis se firent par tous endroicts. Ils travaillèrent à leurs retranchemens dès le soir du dimanche. Ils se virent fort advancez le lundy matin, principallement du costé du bastion du Roy. Deux batteries de six canons chacune ne cessèrent pas, durant tout le jour. La nuit suivante, l'on travailla à la mine de ce bastion; elle fust recogneue le lendemain matin, on trouva prest à charger, l'on attaqua et la deffense se continua de toutes parts incessamment, le mardy. Mais les vivres et la poudre commençant à manquer à tant d'hommes en reffuge et quy s'estoient jettez dans une ville mal flanquée et sans aucunes régulières fortifications; la deffense d'ailleurs en estant mal propre pour de la cavallerye.

<< Messieurs les chefs, pour ne point pousser les choses à toute extrémitez, auroient trouvé bon de traiter de leur sortie avecq composition. Les habitans y ont esté compris sous ces conditions, en propres termes : « Pour ce quy est de la bourgeoisie, elle sera maintenue dans ses biens, droicts, privilèges, charges et offices, ainsy qu'elle estoit dessoubz l'obéissance du Roy très-chrétien; qu'il leur sera permis de « demourer ou sortir de la ville et disposer à leur volonté de leurs biens en dedans le terme de six mois.

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Qu'il ne sera faict aulcun tort aux relligieux et relligieuses «ny en ce qui leur touche; - En foy de quoy a esté signée la présente capitulation de part et d'autre, au camp proche de Chaulny, le seiziesme juillet mil six cens cinquante-deux (1652). »

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«Lesdictz comte de Fuensaldaigne, prince de Ligne, et Vitemberg estans entrez dans la ville le mercredy, sur le soir,

y ont establi pour commandant le nommé Collebran, Flamen de nation, collonel d'un régiment allemand. Les habitans ont estez désarmez, tous leurs chevaulx et bestiaulx pris, quelques maisons pillées voisines des remparts et de facil accez.

« Le 22o dudict mois de juillet, l'armée est décampée et la ville mise entre les mains du marquis de La Boullaye, au nom et pour monseigneur le duc d'Orléans, sans autre troupe que de cinquante cavalliers Vualons quy se sont hastivement sauvez le 25 ensuivant, les trouppes de cavallerie commandées par Mgr le mareschal de La Ferté de Senneterre estant arrivées aux portes de ceste ville quy ont esté ouvertes par les habitants avec joye et grand tesmoignage d'obéissance qu'ilz ont rendue. Ensuitte de quoy toute la police et œconomie quy avoit esté changée s'est tout restablye en son premier estat. »

Tel est, en abrégé, le contenu du Livre des Bourgeois de Chauny. L'analyse en laisse un résidu peu important pour l'histoire locale. Il est à souhaiter que les registres des plaids, ceux des comptes de la ville et de la maladrerie soient mis à jour et examinés par quelque ami des études archéologiques. Ces manuscrits fourniraient assurément des matériaux nouveaux pour composer un travail qui ne serait plus une compilation de tous ceux qui ont, jusqu'ici, paru sur Chauny.

Notre érudit collègue, M. Ch. Bréard, est entré déjà dans cette voie, en publiant tout récemment une histoire des Eglises de Chauny, ouvrage qui a été couronné par la Société des Antiquaires de Picardie, en 1874. Puisse-t-il trouver des imita

eurs!

J. POISSONNIER.

ESSAI

SUR

L'HISTOIRE DE VIRY

CANTON DE CHAUNY

Sur la voie romaine conduisant de Soissons à Saint-Quentin ou à Vermand, se trouvait une station importante appelée Contraginum mot que l'on a traduit par celui de Condren.

Située non loin de cette station, la terre de Viry a dû appartenir à quelque grand personnage romain, nommé Vérus. Ce nom s'est d'abord changé en celui de Veriacum ou Viriacum, que nous ont transmis plusieurs Charles relatives à Viry. Ce nom indiquait une appartenance, une propriété munie d'ouvrages de défense; une habitation sur un point élevé (1).

Plus tard, le mot Viriacum s'est transformé en celui de Viry, ainsi que l'explique, par plusieurs exemples, M. Hyp. Cocheris, dans son ouvrage sur l'Origine et la Formation des noms de lieux (2).

Une habitation avec ouvrages de défense existait assurément à Viry, puisque le cadastre de cette commune constate, section C, no 11, un lieudit appelé Sous le Catelet. Il y reste encore des vestiges d'anciens fossés. Le terrain ainsi désigné domine

(1) Houzė, Etude sur les noms de lieux, page 73. (2) Cocheris, 2 édit. 1874-1875.

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Viry et Senicourt, dont il défendait l'entrée, proche de l'ancien chemin de Noyon, près de la route de Chauny à Viry, et du chemin de la Tombe qui menait à la butte ou tombe de Vouël, c'est-à-dire, à un poste d'observation et de signaux. Il est également fait mention de la forteresse de Viry dans une charte de Philippe d'Alsace, comte de Vermandois, de l'an 1175 (1).

La terre de Viry fut donnée à l'église de Paris, au xe siècle, par une Charte, dont le Dictionnaire Historique et Géographique de M. Melleville donne la date (an 980), mais non le texte.

La plus ancienne charte que nous connaissions comme preuve de cette possession, de la terre de Viry, par l'Eglise de Paris, est datée de l'an 1067. A cette époque, un nommé Vuacelin ou Guascelin, de Viry, était l'avoué, c'est-à-dire, le défenseur devant les tribunaux ou les armes à la main, du Chapitre Notre-Dame de Paris. Sous l'administration de Vuacelin, les gens de Viry prétendirent s'exonérer de l'accomplissement de certains devoirs auxquels ils étaient terus envers ce Chapitre, tels que la garde de nuit et la prohibition du formariage (2).

Cette grave affaire fut portée aux plaids de la justice et, par

(1) Le P. Labbé, t. 2, Viry.

(2) Il y avait formariage dans toute union matrimoniale des serfs qui devait avoir pour conséquence de les éloigner, eux et leurs enfants à naître, de la terre en main-morte qu'ils cultivaient. Ainsi, formariage, dans le fait d'une fille serve épousant un homme de sa condition, mais qui résidait sur les terres d'un autre seigneur, et dont elle devait nécessairement suivre le domicile. Formariage encore dans le fait du serf qui se mariait même sur les terres de son seigneur, mais à une femme de condition franche. Les enfants devaient, en ce cas, échapper à la culture de la terre en main-morte. Ils devenaient francs comme leur mère.

Le droit de formariage était purement un moyen répressif et de fait, plus encore comminatoire que répressif, tendant à prévenir la dispersion des cultivateurs, particulièrement leur émigration. sur les terres des seigneuries voisines. (Le Droit du Seigneur au moyen-âge, par L. Veuillot.)

Au cas de formariage, dit Ferrièr (Dict. de Droit), le seigneur prend le tiers des meubles et des immeubles situés au-dedans de sa seigneurie et, outre cela, quand l'homme de main-morte n'a pas demandé à son seigneur congé pour se formarier, il lui doit une amende qui est de 60 sols et un denier.

un prodige attribué à l'intercession de la Sainte-Vierge, les contrevenants furent tellement troublés, que les raisons qu'ils pensèrent alléguer pour la défense de leur cause, tournèrent à leur propre condamnation et au succès des droits du Chapitre. Par suite, les gens de Viry reconnurent leurs torts et se soumirent à la coutume ancienne.

Vers la mème époque (an 1067), l'avoué Vuacelin ou Guascelin dut renoncer à quelques usages qu'il avait établis à son profit et qui étaient très-onéreux pour les habitants de Viry. Il eut contre lui, cette fois, le Chapitre de Notre-Dame qui se plaignit vivement de ses exactions. La question fut examinée par le comte Hébert de Vermandois qui en avait été saisi. La sentence qui condamna Guascelin fut rendue dans l'Eglise même de l'Auguste de Vermandois, de Saint-Quentin, l'an 1067. Voici la teneur de cette sentence (1):

«En temps de guerre, Guascelin pourrait disposer à son gré et conduire où bon lui semblerait les chevaux qui lui tomberaient sous la main ou qu'il lèverait de force sur les habitants, etc. On décida que, pour la direction des procès et la mise à exécution des lois, on constituerait de part et d'autre un seul mandataire; que les assignations à comparaitre en justice seraient remises au fondé de pouvoir des gens de Viry, à la condition expresse qu'il ne serait donné suite au procès qu'après avis préalable des deux mandataires, c'est-à-dire, du mandataire de Viry et de celui de Guascelin; que les habitants dudit Viry ne seraient tenus de donner que trois pastes au plus, chaque année, et que le service de ces pastes serait réglé de manière à ne pas épuiser lesdits habitants (2). Il renonça, en outre, à toutes les prétentions odieuses qu'il n'avait cesse jusqu'alors de faire valoir contre ces habitants; il se réserva seument le péage ou droit de passage sur la voie publique, de

(1) Emeré, Augusta Viromanduorum, p. 121.

(2) Paste ou past (du latin prandium). Le seigneur en voyage avait le droit de loger seul ou avec ses gens chez le vassal, et parfois cette obligation entrainait celle de nourrir ses chevaux. Les advoués représentants des seigneurs, usaient du même droit quand ils visitaient les domaines soumis à leur administration.

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