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VASSENT; c'étoit le cri du cœur, le cri de la nature! Ce nom-là servoit de talisman! de le prononcer ou de l'entendre prononcer, c'étoit une espece de ravissement dont on ne savoit pas trop se rendre compte ! On se disoit, comme le bon La Fontaine: Des soupirs et des mots et des riens; tout est bon, il faut de tout aux entretiens, et l'on étoit heureux de la joie de tout un peuple!

La porte de CATHERINE VASSENT étoit ornée, ou plutôt couverte de guirlandes de lierre. On y lisoit dans une Couronne ces deux mauvais vers de quelque bon Citoyen qui avoit eu du moins le mérite de les avoir voulu faire excellens:

Sur quatre hommes la mort tomboit appesantie,
Et Vassent les rend tous, hors un seul, à la vie.

CATHERINE VASSENT n'étoit point alors à sa maison; elle dinoit chez un voisin (1), qui avoit rassemblé à sa table grande compagnie. Nous sommes entrés sans cérémonie, et CATHERINE VASSENT d'accourir nous embrasser tous de grand cœur. Cette jeune fille, vermeille comme une rose du printemps, est ingambe et bien nourrie; son œil vit révèle mille belles actions qui n'ont eu que son cœur et Dieu seul pour témoin.

Elle est aimable. Dans une fille, capable de tant d'héroïsme, on examinoit, avec un intérêt d'enfant, sa jeunesse et son embonpoint qui ne nuit en rien à l'élégance et à la grâce de son maintien.

Un bon Citoyen faisoit sentinelle à la porte de CATHERINE. Son fusil étoit un peu rouillé, mais sa cocarde étoit toute neuve; et la joie d'occuper un si beau poste, le rendoit tout rayonnant.

Vers trois heures, tous les habitans sous les armes, avec tout ce qu'il y avoit de musique dans la Ville, ont été chercher CATHERINE VASSENT. On a déployé les quatre Drapeaux, bien plus honoré de ce TRIOMPHE, que les Aigles Romaines qui planoient jadis sur l'Univers.

(1) M. Joyant. (Note du Journal.)

CATHERINE Conduisoit les trois hommes qu'elle avoit sauvés; elle les tenoit attachés par un ruban blanc, symbole de sa modestie. Elle étoit mise tout simplement, comme un bon Domestique, toute honteuse d'avoir fait une belle action, qui étonne tant de gens comme il faut !

Elle a reçu à l'Hôtel-de-Ville la Couronne civique, et la Médaille, et les deux vers gravés sur la Médaille. Nous n'avons pu nous trouver au Couronnement: mais une relation de ce Couronnement, imprimée avant la Cérémonie, nous assure que le Maire lui tint un discours affectueux et puisé dans le sujet

même.

Et la Relation prophétique ajoute que notre Héroïne, dans l'émotion de sa sensibilité, se jetta, pour toute réponse, au col du Maire.

La jeune fille s'est rendue ensuite à l'Eglise de Saint-Eloi. On lui a présenté à la porte l'eau bénite et l'encens. Aussi-tôt on a entonné deux Antiennes heureusement choisies: Manum suam aperuit inopi. Mulierem fortem quis inveniet? Elle a tendu la main au pauvre.... Où trouver une femme forte (1) ?

On l'a placée ensuite sur un fauteuil élevé sur une estrade, de maniere à pouvoir être vue, même de la nef, dil la Relation prophétique. Mais ici le Prophète s'est trouvé en défaut; car l'avidité de voir CATHERINE étoit si grande, que plus de vingt personnes se sont élancées sur l'Autel à la Romaine qui étoit entre CATHERINE et le peuple. On étoit monté sur les stalles du chœur, et même sur les appuis des plus hautes stalles. Il y avoit foule; c'étoit un délire universel. On a porté l'ivresse jusqu'à battre des mains.

Les trois hommes sauvés par CATHERINE étoient assis devant elle à ses pieds; l'un de ces trois hommes, et en apparence le plus jeune avait sur la tête un bonnet de coton, sans doute qu'il étoit malade encore; il a été près de se trouver mal à plusieurs fois, on lui a donné des eaux fortes et des sels à res

(1) En France, Madame LE GROS, LA BLONDE, Catherine Vassent, etc., etc. (Note du Journal.)

pirer, et CATHERINE n'étoit pas la moins empressée à le se

courir.

Pendant le Te Deum, qui ne pouvoit guere être chanté solennellement, à cause de l'ivresse générale, on ne parloit que de CATHERINE, et nous avons eu le bonheur d'entendre raconter à une foule d'habitans nombre de traits d'héroïsme presque aussi beaux que la derniere action qui lui a mérité la Couronne civique. Nous en citerons un seul :

Au mois de novembre dernier, CATHERINE VASSENT étoit malade à l'Hôtel-Dieu de la Ville de Noyon; elle avoit la fievre. On apporte à l'Hôpital un Soldat dont le visage étoit fendu en deux par un coup de sabre; sa blessure faisoit horreur; on ne trouvoit là personne pour le panser, d'ailleurs on n'attendoit plus rien de la vie : CATHERINE VASSENT se leve, le panse et le couche, et s'en retourne ensuite dans son lit attendre la santé. Le Chirurgien, à l'heure de sa visite, trouva le pansement très-bien fait : le Soldat a recouvré la vie.

Le lendemain de la belle action de CATHERINE, sa mere accourut pour l'embrasser. « Tu as donc fait comme ton pere, » s'écria la bonne femme. « Oh mon Dieu! comme il seroit content c'pauvre cher homme, s'il voyait ça ! »

Le pere de CATHERINE avait été chercher au milieu des flammes un enfant au berceau; le danger étoit grand sans doute. puisqu'il le rapporta mort. Ce trait que nous tenons de la bouche même des témoins de cette action du pere de CATHERIRE est confirmé par la relation éloquente dont nous avons parlé. La relation ajoute: il étoit, lui, porte-sac. Elle est, elle, dans la domesticité.

Après le Te Deum on a reconduit CATHERINE à l'Hôtel-deVille; on y a donné une collation magnifique pendant laquelle il y avoit de tous côtés grande musique et feu roulant.

On doit de grands éloges à la ville de Noyon! D'abord parce que la bonne CATHERINE est de Noyon, et ensuite parce qu'il est beau de voir une ville entière se prêter avec transport à récompenser la vertu, et à faire sentir aux oppresseurs du

peuple de quel prix est la vie de ces hommes qui sont toujours comptés pour rien dans leurs glorieuses entreprises.

Le proverbe dit qu'on n'est jamais prophète en son pays, et il n'y a pas de mal à cela; il seroit même aujourd'hui difficile de se faire prophéte dans quelque royaume de notre Europe; mais il faut rendre grace aux Officiers Municipaux et à la ville de Noyon qui ont ressuscité un autre vieux proverbe bien plus humain.

La vertu tôt ou tard aura sa récompense. »

Puisse le souvenir de tant de belles actions apprendre à nos derniers neveux qu'en dépit de quelques écrivains de mauvaise humeur, il y avoit encore de la vertu au dix-huitième siecle. Que le peuple françois est grand et généreux!

Ce n'est pas de jouir, ce n'est pas d'être heureux
Qu'un François est avide; il nait pour être utile;
Pour créer du bonheur tout lui semble facile!

Il ne vend point, il donne, il ne calcule pas :

« Maudit soit le cœur dur qui n'a point fait d'ingrats. (1)

O bon peuple françois ! O Nation chérie !

Plus j'ai vu d'étrangers, plus j'aimai ma patrie. (2) »

SÉANCE DU 11 JUIN 1879.

Présidence de M. le docteur COLSON.

I. La séance s'ouvre à une heure un quart dans la salle du conseil.

Etaient présents: MM. Bécu Sainte-Marie, l'abbé Blond, Bougon du Castel, Fernand Brière, l'abbé Carlet, Colson, Desmajaux-Bacquet, Derivry, Poissonnier, l'abbé Tassus, et l'abbé Vauchelle.

(1) Vers proverbe que nous avons retenu à la volée; nous le croyons moderne. (Note du Journal.)

(2) Ce beau vers national est de DU BELLOY. (Note du Journal.)

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

Sur la présentation de M. l'abbé Carlet et de M. Bry, le Comité admet au nombre de ses membres M. Dufour, clerc de notaire à Guiscard.

II. - Envois faits au Comité depuis la dernière séance :

A. Par le Ministère de l'Instruction publique :

1° Journal des Savants: 3 livraisons jusqu'à avril 1879.

2o Revue des Sociétés savantes des départements, 2 séries, à juin

1878.

3o Rapport sur les Archives Nationales pour les années 1876 et 1877.

B. Par les Sociétés Correspondantes :

1o Annales de la Société historique et archéologique de Château-Thierry, année 1877.

2 Mémoires de la Société académique de Saint-Quentin, 18771878.

3° Mémoires de la Société académique du département de l'Oise, tome X, 2o partie.

40 Mémoires et Bulletin de la Société académique de Boulognesur-Mer, tome IX.

5o La Thiérarche, Bulletin de la Société archéologique de Vervins, tome V.

6o Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, 1878, No 4. C. par divers:

1o par M. Cartailhac, 2 brochures intitulées: Renseignements photographiques, et Rapport sur la Paléoethnologie.

2o Prospectus et spécimens.

3o Une lettre de M. Anthyme Saint-Paul, rédacteur de l'Année Archéologique, réclamant des renseignements sur notre Société, afin de les insérer dans l'annuaire qui doit paraître le 1er janvier.

III. L'état actuel de notre bibliothèque, un peu en souffrance par suite de la démission et du non-remplacement de l'ancien biliothécaire, M. Boulongne, donne lieu à diverses

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