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PROCÈS-VERBAL DE L'EXHUMATION

DES

RELIQUES DE LA CATHÉDRALE DE NOYON

LE 23 AOUT 1795 (1).

L'an mil sept cent quatre-vingt quinze, le vingt-trois août, onze heures avant-midy, nous Charles-Louis-François Frémont, prêtre-chanoine, vicaire-général de Noyon, et Joseph-Gaspard Cabrières, aussi prêtre-chanoine, trésorier et vicaire-général de Noyon, sur l'invitation à nous faite de la part des ecclésiastiques prêtres-chanoines de Noyon, scavoir Pierre-Armand de Richoufftz, CharlesFrançois Lejeune, Louis-Charles-François Dautrevaux et Antoine Dépréaux, faisant les fonctions du ministère pastoral en l'Église de Noyon; des commissaires chargés de l'administration temporelle de ladite Église, pour son

(1) On retrouve, dans les Bollandistes, la relation du présent procès-verbal de l'exhumation des Reliques de la cathédrale de Noyon; Die decima sexta octobris, in festo S. Mumolini Episcopi Noviomensis, au tome huitième, dernière partie, page 975, volume 55o de la bibliothèque de Noyon. On y remarque plusieurs noms propres mal imprimés. La communication de ce document fut faite aux rédacteurs des Bollandistes par M. Delettre, vicaire général du diocèse de Beauvais, et M. l'abbé Thiéble, alors curé de Noyon.

entretien et réparation à y faire, à scavoir Charles-François-Denis Demory, Jacques-Maurice-Antoine Reneufve, Pierre-Eloi Pluche, Maurice Denis, Louis-Agnan Cordognon, Étienne Liégault, Claude-Joseph Lessertisseur, Jean-François Trousselle, François Ramboux, Jean-Baptiste Watin, François Lemesnil, Jean-Baptiste Mozet, CharlesDominique Sézille d'Armancourt, François-Élie Jourdan, Jean-Baptiste Guilbert, Louis Crémery, Louis-JacquesFrançois Lemannier, Joseph Denis, Florent Beaudoux, Jean Beaudoux, Pluche, et Charles-François Sauvel, et d'après le vœu commun des fidèles catholiques de ladite ville et dépendance de Noyon, nous nous sommes transportés en la grande sacristie de ladite Église de Noyon où étant arrivés sur les onze heures avant Midy, nous avons conféré avec les susdits dénommés prêtres et commissaires soussignés, au présent procès-verbal rédigé par Charles_ François-Joseph Sauvel l'un desdits commissaires par nous choisi et nommé à l'effet des présentes, en présence du surplus du clergé de ladite Église, et d'un grand nombre de citoyens de ladite ville et faubourgs qui ont aussi signé avec nous sur l'état où se trouvaient actuellement les reliques des Saints Patrons de cette Église et autres saints qui y ont toujours été en vénération et dont elle a toujours été dépositaire.

D'après le résultat de ladite conférence, il nous a apparu comme d'un fait de notoriété publique, qu'au moment du dépouillement et de l'enlèvement des chasses en or, argent, autre métal et bois, où lesdites reliques étaient renfermées, les différents ossements et restes précieux de ces saints étaient restés pour la plupart ès mains d'Eustache Rohault (1), sacristain de ladite Église, qui, pour les soustraire

(1) Au milieu de ces orgies révolutionnaires, il se trouve cependant un homme dont le nom mérite de passer à la postérité, ce fut

au pillage et à la profanation les avoit enterrées dans le préshaut de ladite Église, servant de cimetière et entouré de cloître, avec des marques caractéristiques pour servir d'indices à la postérité.

Sur quoi, après avoir pris l'avis des prêtres et commissaires soussignés, nous avons requis que ledit Rohault, sacristain, parut devant nous et les soussignés pour être interrogé sur les faits et articles: Lequel étant entré, nous l'avons requis de dire vérité en toutes les réponses qu'il alloit faire à nos demandes et questions, vu qu'il s'agissoit de la plus grande gloire de Dieu et de l'honneur dû à ses saints.

Eustache Rohault, sacristain de la cathédrale. Témoin attristé de tant de profanations, il résolut, fût-ce au péril de sa vie, de sauver les Reliques de nos saints patrons. Tandis qu'on arrachait, avec une fureur sauvage, ces précieux restes de leurs reliquaires, tandis qu'on les foulait outrageusement aux pieds, comme de vils ossemens de chiens, le fidèle Rohault recueille pieusement les Reliques de saint Eloi, de saint Médard, de sainte Godeberthe, de saint Mommolin et de plusieurs autres saints et saintes, et les ensevelit respectueusement, le lendemain, dans le préau du cloitre de la cathédrale, en ayant bien soin de distinguer chaque relique, et d'indiquer à plusieurs ecclésiastiques, dont deux sont nommės au procès-verbal ci-après, et à d'autres personnes, les endroits où il les avait cachées, afin de donner plus de facilité pour les reconnaitre, si la Providence permettait qu'un jour on eut encore le bonheur de les exposer à la vénération publique.

Pendant plus de 18 mois, on ne connût plus ni dimanches, ni fèt 's; on se réunissait le 10 jour, nommé décade, qu'on con: acrait au plaisir, et le chœur de la cathédrale servait de salle ce danse, tandis que les chapelles, étaient converties en écuries, et les galeries en magasins à fourrages.

Cependant, la miséricorde divine ne demeura pas toujours insensible aux supplications qui se multipliaient de toutes parts. Le 1er juin 1795, on apprit par les feuilles publiques que l'Assemblée nationale permettait à un chacun d'exercer son culte et abandonnait provisoirement pour cela, une ou plusieurs églises, suivant le chiffre de la population, donnant des jours et des

Enquis 1° s'il a été témoin dudit dépouillement et enlèvement des chasses où étoient déposées les reliques des Saints Patrons de cette Église et autres reliques.

A répondu affirmativement qu'il avait vu différentes personnes entrer dans ladite Église vers les premiers jours de novembre mil sept cent quatre-vingt treize (sans pouvoir positivement nous articuler le jour) se porter au trésor et autres endroits où étoient déposées lesdites chasses, dont il avoit été obligé de remettre les clés ; que les personnes en avoient tiré ces précieux dépôts des endroits où jusqu'à ce moment ils avoient été gardés dans toute leur intégrité; qu'ils les avoient ouverts et démontés; enlevé en sa présence l'or, l'argent et autres métaux qui renfermoient ces

heures aux différents cultes, dans les mêmes lieux de réunion.

Heureusement, dans la ville de Noyon, le culte catholique ne fut pas troublé dans son exercice par un culte dissident, et le 4 juin 1795, jour du Très-Saint-Sacrement, la cathédrale fut ouverte de nouveau aux cérémonies saintes.

Aussitôt que cette heureuse nouvelle se fut répandue, le peuple se porta en foule à l'Eglise. Quatre chanoines qui avaient subi la prison, savoir: MM. de Richoufftz, Dautrevaux, Lejeune et Dépréaux, se présentèrent pour célébrer l'office. Ce jour-là, deux grandes messes furent chantées, ainsi que tous les offices de l'après-midi, après la réconciliation de la dite Eglise.

Bientôt le peuple témoigna l'ardent désir qu'il avait de revoir les Reliques de ses saints patrons. Eustache Rohault, qui les avait recueillies et cachées, fut interrogé plusieurs fois à ce sujet, ainsi que les autres personnes à qui il avait confié ce secret, notamment M. Galet, prêtre et chanoine, mort, curé de Vauchelles, et M. Monjoie, prêtre et chapelain de la cathédrale.

Après les enquêtes les plus minutieuses, après avoir rempli toutes les formalités que prescrit l'Eglise en semblable circonstance, Eustache Rohault, dont la bonne foi était parfaitement établie, fut appelé, ainsi que d'autres personnes mises dans sa confidence, pardevant deux vi`aires généraux: MM. Frémont et Cabrières, et deux notaires apostoliques qui dressèrent le procèsverbal de leurs déclarations et réponses qu'ils firent aux diverses questions qu'on leur adressa.

précieuses dépouilles; que quant à ces saintes dépouilles elles-mêmes, ossements et reliques, ils les avaient laissées chacune séparément l'une de l'autre et suivant l'ordre qu'ils avaient observé dans le dépouillement qu'au moment et à la suite de l'enlèvement des dites chasses, il avoit remarqué que quelques individus emportoient quelques modiques parcelles d'ossements: que les personnes chargées du dépouillement avoient emporté et fait emporter dans le lieu où se tenoient les assemblées' du district l'or, l'argent et autres métaux provenant des dites chasses et reliquaires.

Que quand à lui, tout consterné de l'état où il voyoit les susdites reliques ne sachant quel parti prendre pour empêcher leur pillage et profanation, voyant que ladite église se trouvoit sans culte quelconque, et sans prêtre sage et éclairé qui put la diriger, il se détermina à prendre le party que lui avoit indiqué et suggéré le citoyen Pruss, maire alors, lequel étoit d'enlever toutes les susdites reliques, et de mettre sur celles de S. Éloi, de S. Médard et de S. Godeberthe, des tombes, ce qui donna l'idée au sacristain de mettre aussi des marques quellesconques sur les autres reliques qu'en conséquence ledit Rohault sacristain avait transféré tous les ossements et restes précieux des corps de S. Éloi, de :'. Médard, de S. Achaire, de S. Mummolin, de S. Godeberthe, tous patrons de ladite Église, de S. Albin et d'un autre évêque martyr dont il n'a pu nous dire le nom, dans le susdit préshaut.

Que 1° il y avait fait une fosse vis-à-vis la troisième arcade du fond des cloîtres, en partant de la chapelle S. André et S Catherine pour aller au lieu capitulaire, qu'il avoit déposé dans ladite fosse, sans les confondre, les reliques de S. Éloi, de S. Médard et de Se Godeberthe, qu'il avoit recouvert ladite fosse d'abord d'une tombe de marbre noir

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