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et à la portée de tout homme, et mille fois plus belle, plus durable aussi, que celle d'un vieux nom sottement ou inutilement porté! Quel Guinness permettra d'attaquer sur tous les points dans Marseille les habitations indignes de notre temps? Deux centres de trustees sont tout formés: la Caisse d'épargne, et la Société des Habitations salubres, qui certainement accepteraient l'une et l'autre la charge d'administrer les dons ou legs.

Dans la sphère de l'industrie, l'initiative individuelle n'a pas été absolument stérile. Des propriétaires, des entrepreneurs ont compris dans cette ville, où la masse ouvrière est si dense et la moyenne des salaires convenable, qu'il peut y avoir là une sorte de placement solide et rémunérateur tout en demeurant honnête. Nous voudrions voir se multiplier les spéculations de ce genre. Nous leur recommandons comme modèle les maisons parisiennes que M. Verberckmoes substitue peu à peu avec profit aux bouges des chiffonniers de la barrière de Clichy. Une belle occasion s'offrira en ce sens, lorsque la Ville mettra en vente les 27 lots de ses terrains de St-Lazare.

Enfin, quant au self-help des ouvriers, la part de l'initiative individuelle est ici de comprendre, de vouloir se procurer les bienfaits d'une habitation supérieure. Elle fait défaut encore, comme l'association. On n'entrevoit que des velléités, de vagues tendances. Bien des ménages ouvriers rêvent d'un foyer, ou au moins d'une demeure moins sale, moins encombrée; on cause, dans les ateliers, des entreprises engagées; les visiteurs ne manquent pas plus aux maisons de famille de la Capelette que devant le chantier de la rue St-Lambert; des demandes d'emprunts hypothécaires sont à l'enquête à la Caisse d'épargne. La routine fait beaucoup d'hésitants; d'ailleurs on ne connait pas assez les faits dans les milieux ouvriers, ou on les connaît mal. Ce sont là des retards avec lesquels ont compté, surtout dans un milieu à préjugés, à idées étroites, les promoteurs de la réforme : il en faut prendre son parti, comme à Londres, à Bristol où longtemps

les Model dwellings houses ne suscitaient que la critique et restaient délaissées. Puis les familles ouvrières ont apprécié l'amélioration réalisée, et le désir s'est répandu soit de louer un logement confortable, soit d'acquérir la propriété d'un home. Il en sera de même à Marseille, où il y a tant d'intelligence dans la population du travail manuel: l'initiative des intéressés aidera peu à peu celle de la philanthropie et du capital.

Reste à examiner comment les pouvoirs publics pourraient seconder l'action de l'effort privé se produisant sous les deux formes que nous avons analysées.

L'effort privé doit être secondé par les pouvoirs locaux.

Le rôle des pouvoirs publics, commune ou État, en cette matière... question délicate, sur laquelle de bons esprits peuvent, par générosité, par illusion, se méprendre.

Nous avons déterminé la part légale de ce rôle: l'exercice énergique des prérogatives et des obligations qui appartiennent à toute administration urbaine, surveillance et répression des abus pour les constructions existantes, réglementation sévère et vigilante des nouvelles. C'est, avons-nous dit, le premier mode de traitement du mal.

Pour le second, qui incombe à l'activité libre, en quoi consistera la tâche utile du municipe?

A intervenir directement comme constructeur, propriétaire, bailleur, gérant d'immeubles salubres et loués à bas prix ? Ce serait une lourde faute.

Dans la séance du 24 mai 1889 un projet d'édification de Cité ouvrière communale, de préférence sur les terrains de St-Lazare, a été présenté au conseil municipal de Marseille. Sur 6.000 m. c. évalués à fr. 25, la Ville, empruntant au Crédit Foncier fr. 650.000 amortissables en cinquante ans, bâtirait une cité de 34 maisons, où 170 familles trouveraient place les rez-de-chaussée seraient affectés à des magasins d'alimentation; au centre d'une vaste cour plantée d'arbres, la collectivité aurait à sa disposition un lavoir, des bains, un

gymnase, une salle d'asile, une salle de spectacle, de lecture et de conférences; tout autour courrait une galerie couverte.

Est-il besoin de rendre justice à la sincérité des intentions qui ont inspiré ce projet ? Mais la vérité doit être rétablie.

Les objections locales abonderaient, fùt-ce simplement celles qui résultent du devoir rigoureux de n'alourdir de quelque temps sous aucun prétexte un passif communal déjà trop lourd. Tout le monde sent aussi ce qu'aurait d'inopportun, de décourageant, dans une ville où l'initiative. privée s'éveille à peine en cet ordre de progrès, et où l'instabilité municipale est connue, le spectacle d'un phalanstère ou (si l'on veut) d'un Familistère municipal livré à l'exploitation coûteuse et aisément abusive de mairies successives, nid à concierges et à gardiens, asile payé par les contribuables à une sélection de ménages bons électeurs dont le loyer serait le moindre souci. Nous nous rappelons avoir vu à Lille un spécimen du genre: le contraste avec les œuvres de l'effort privé qui vivent à côté était d'une éloquence criante.

Tenons-nous en aux raisons d'ordre général. L'auteur du projet reconnait que là où une commune « entreprend de << construire elle-même, elle entre en concurrence déloyale << avec ceux qui ne jouissent pas des mêmes immunités et « qui ne disposent pas de terrains gratuits. » C'est un des vices du système; il en a bien d'autres. On peut dire que partout où le sujet a été étudié avec compétence et sans partipris, en France et à l'étranger, l'ingérence des communes a été condamnée, comme allant contre le but, paralysant l'industrie, démoralisant l'assisté, paupérisante. Les hommes qui font autorité sont unanimes, M. P. Leroy-Beaulieu comme M. A. Raffalovich, M. Jules Simon comme M. Georges Picot, M. Cheysson comme en Allemagne le d' Engel.

Une grande municipalité, celle de Berlin, fut consultée il y a quelques années sur la nécessité de développer les constructions à bon marché. Dans le mémoire qu'adressèrent le bourgmestre et les échevins au ministre du commerce et des travaux

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Rue

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