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repousse brutalement le vicaire, le crible de

coups

de pied, de coups de poing, et le jette dehors dans le plus piteux état. Non content de cette punition temporelle, il fait immédiatement son rapport à son capitaine.

Le rapport fut transmis comme ci-dessus, non pas au parquet, mais à l'évêque de Versailles. Ce dernier, comme son confrère de Saint-Dié, se contenta de changer le vicaire de commune. Peu de temps après, en effet, des habitants de V...-le-B... rencontraient, dans une commune distante de deux lieues, à B..., petit village dont, par parenthèse, Eugène Sue a beaucoup parlé dans plusieurs de ses romans, le vicaire Z..., la victime du jeune gendarme de S... (1).

Nous tenons d'un des doyens des commissaires de police de Paris une série de notes qui ont trait également à la pratique de la pédérastie, dans le clergé parisien, pendant les dernières années de l'empire et depuis 1870.

En 186., notamment, il n'y avait guère de mois où l'un des grands vicaires de l'archevêché, M. X..., ne fût arrêté par les agents de la police des mœurs pour actes antiphysiques plus ou moins publics. Son cas avait fini par être connu de tout Paris et était un thème quotidien de conversations dans les commissariats de police. Les circonstances qui accompagnaient la débauche du grand vicaire X...,

(1) Note communiquée par M. X..., adjoint de la commune de V...-le-B..., et M. X..., chef de station sur la ligne du Nord (Seine-et-Oise).

débauche dans laquelle il jouait le rôle passif, furent dévoilées par son complice: elles étaient tellement extraordinaires, qu'il est permis de supposer qu'à côté d'une perversion du sens génésique, il existait chez ce prêtre une perturbation plus complète de la mentalité. Le grand vicaire était naturellement toujours relâché il ne connut pas plus la maison de santé que la prison.

Mais quelque intéressantes que soient ces observations, et graves les conséquences qui en découlent, nous n'avons pas ici, au cours de ce chapitre, le loisir de multiplier ces exemples. Ceux que nous avons cités suffisent pour la démonstration (1).

On le voit suffisamment, à l'égard du clergé et de ses écarts sexuels, il y a une véritable conspiration de silence et de mansuétude, non pas seulement chez les autorités ecclésiastiques, mais chez les administrations de police.

Bien au contraire, il n'est pas de semaine où l'on n'ait à signaler les brutalités idiotes des agents du service inostensible, à l'endroit de malheureux atteints la plupart d'affections génito-urinaires, et arrêtés scandaleusement, comme pédérastes, pour de prétendues attitudes lubriques et outrages aux mœurs. Un homme se tient quelque temps à l'écart

(1) M. Carlier a touché discrètement cette question de la pédérastie ecclésiastique dans les Deux Prostitutions. Il cite l'histoire d'un vicaire poursuivi jusqu'à l'autel pendant la messe, jusqu'au confessionnal par son complice; il cite également l'odyssée d'un vieux maître pédéraste formé pendant sa jeunesse par des monsignors italiens. (V. p. 385 et 429, op. cit.)

sur la voie publique : sa physionomie paraît bizarre, la position de ses mains suspecte. Des inspecteurs passent, l'observent évidemment, cet individu attend le moment favorable pour attenter à la pudeur publique; l'induction est toute administrative. On l'arrête. C'est le cas de M. Ledésert, arrêté en mars 1882, et condamné, sur le rapport d'agents, à trois mois de prison pour avoir publiquement accompli des actes immoraux. Grâce à M. le professeur Brouardel, le jugement était cassé en appel le professeur-légiste avait reconnu ce que M. Ledésert avait, du reste, argué pour sa défense

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que le prévenu était purement et simplement atteint d'une inflammation gastro-intestinale, avec douleurs aiguës, qui expliquaient quelques mouvements inusités. De même, voici un passant qui séjourne dans une colonne publique : le temps normal pour la satisfaction du besoin est écoulé, d'après l'agent! Il est non moins évident que cet individu se livre à des actes immoraux. C'est un malheureux qui a un rétrécissement filiforme de l'urèthre, des calculs dans la vessie, etc. Il n'y a pas de semaine que les médecins assermentés devant les tribunaux n'aient à formuler, dans leurs rapports, des conclusions absolument en opposition avec les déclarations des agents. Tous les prévenus ou condamnés de la police correctionnelle n'ont pas cependant la bonne chance de M. Ledésert. Il y a là des méprises cruelles pour l'honneur de familles respectables.

Le préfet de police, M. Andrieux, en novembre

1880, devant la Commission municipale du budget, « a dû convenir qu'à l'égard des faits spéciaux (pédérastie), il avait pu se produire des excès de zèle (sic). - « Il peut arriver, a-t-il ajouté, que, trompé par les apparences, un agent transforme en un délit un acte qui n'a rien de répréhensible (1).

Cet examen de la prostitution parisienne dans ses rapports avec la police ne serait pas complet, si nous ne parlions des maisons à parties, où la galanterie vénale et le jeu se pratiqueu, ostensiblement à la connaissance de la police; des maisons de passe, où les proxénètes pratiquent le plus souvent sans inquiétude le détournement des mineures; où les actrices, même en renom, les femmes mariées à court d'argent viennent se livrer moyennant salaire. La gent masculine et féminine boulevardière, le high-life international, les viveurs des cercles élégants, de l'armée, passent par là. L'opinion n'est en éveil que lorsque quelque gros scandale vient à se produire, comme celui du général Ney, comme celui de la proxénète Eppinger, dite Leroy, de la rue Duphot (février 1881).

Ce genre de prostitution, très apprécié et très pratiqué par nos classes dirigeantes, aristocratie et haute bourgeoisie, donne lieu à une comédie de

(1) Procès-verbaux de la commission du budget (séances des 19 et 20 novembre 1880), p. 123. - V. aussi procès-verbaux de la Commission de la police des mœurs, qe séance (5 mai 1879). Déposition de M. Léon, avocat à la cour d'appel. - M. Yves Guyot, p. 108. V. aussi Briand et Chaudé, Tardieu, Casper, passim, et autres auteurs d'ouvrages de médecine légale.

mœurs très caractéristique de notre présent état social. Tantôt c'est la proxénète qui va au-devant des clients, il existe une manière de Bottin amoureux à l'usage des proxénètes. Comme cette femme Loeb, prise à Paris en flagrant délit de proxénétisme, le 10 juin 1884, la marchande expédie souvent aux personnes sur la visite desquelles elle croit pouvoir compter une circulaire conçue en ces termes, ou autres approchants: «Monsieur, je suis parvenue à me procurer un certain nombre d'objets précieux et rares, et je désirerais les soumettre à votre juge. ment éclairé. En attendant l'honneur de votre visite, recevez, Monsieur, mes respectueuses salutations. Vve Loeb, 106, rue Richelieu (au 1er audessus de l'entresol). Les objets précieux et rares sont simplement de jeunes femmes attendant en déshabillé galant. Chez la Vve Loeb, il y en avait huit âgées de dix-sept à vingt-quatre ans. Un de mes amis, savant apprécié dans le monde médical, chercheur acharné, passant ses journées et une partie de ses nuits dans les laboratoires, était fort étonné de recevoir ainsi des cartes de visites et des prospectus de ce ton, à diverses époques de l'année, au jour de l'an notamment : nous fimes ensemble quelques recherches, et découvrîmes assez facilement qu'il avait un homonyme, sportman coté, très amateur de chevaux et de coureuses de turfs. Tantôt c'est le client qui va trouver la proxénète : ce galantuomo a suivi dans la rue, lorgné dans un fauteuil de balcon un jour de première, croisé autour du Lac, cou

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