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détenues préventivement et attendant leur jugement; cette catégorie bien définie relève du Ministère de la Justice.

C'est la deuxième section qui comprend les filles soumises et malades, les filles insoumises détenues en hospitalité ou par mesure administrative.

On a enfin créé une troisième section pour enenfermer les enfants.

Les jeunes filles âgées de moins de seize ans, détenues par voie de correction paternelle, les jeunes accusées de moins de seize ans, acquittées pour avoir agi sans discernement, détenues en vertu de l'article 66 du Code pénal jusqu'à leurs vingt années; celles également àgées de moins de seize ans, condamnées comme ayant agi avec discernement et détenues en vertu de l'article 67, jusqu'au moment de leur transfèrement dans les maisons de correction, constituent le personnel de cette troisième section, qu'il est inouï de trouver dans une prison.

C'est le régime des prisons pur et simple.

Le lever, l'été, a lieu à cinq heures; au printemps, à six heures; en hiver, à sept heures. Le coucher a lieu à la chute du jour pendant la belle saison, à huit heures en hiver.

D'ailleurs, pas de lumière autre que la chandelle, qu'on peut acheter à la cantine; les cellules ne sont pas éclairées au gaz comme à Mazas, à la Santé, ou même à la Petite-Roquette, de construction bien moins récente.

A l'exception de l'infirmerie et des dortoirs de femmes en couche, nulle cellule ni dortoir commun n'est chauffé; dans les grands froids d'hiver, on allume un poèle dans les corridors, et, pour tenter de réchauffer l'atmosphère glacée de ces pièces planchéiées en carreaux, on entre-bâille la porte par un système spécial de serrure.

La nourriture est immonde: deux fois par jour une bouillie claire de légumes frais ou secs est distribuée à toutes les prisonnières sans distinction, voleuses ou insoumises; elle ressemble à ces barbotages que l'on prépare dans les fermes pour les pourceaux. Pas de vin, sauf le décilitre quotidien que l'on peut acheter à la cantine; deux morceaux de bœuf bouilli par semaine.

L'anémie et la phtisie marchent vite avec un tel régime.

En cas d'insubordination, le cachot noir infligé par le Directeur, avec pain sec et eau, sans feu, la planche de bois pour lit, une couverture la nuit, au besoin la camisole de force.

Les sœurs (la congrégation de Marie-Joseph) partagent la surveillance avec les gardiens; on les retrouve là et au Dépôt avec tous les défauts inhérents à leur secte, et qui ont déterminé le Conseil municipal à les expulser des hôpitaux. Si la présence de ces femmes est déplacée dans un établissement public, c'est assurément à Saint-Lazare: elle a été condamnée par Parent-Duchâtelet lui-même,

que révoltaient leur morale ridicule et leurs pratiques abètissantes (1).

Les filles soumises et insoumises sont, comme les autres, astreintes aux exercices du culte et aux instructions religieuses: le règlement est formel.

Elles sont également astreintes au travail dans ' les ateliers; elles sont du reste les premières à demander de l'occupation. L'entrepreneur, en hiver,

est tenu de chauffer ces ateliers.

Les prisonnières ne peuvent voir leurs parents et visiteurs qu'à travers le parloir grillé: les aliments qu'on leur apporte sont contrôlés par les gardiens.

A l'infirmerie de la 2o section, soumises et insoumises vénériennes sont confondues (2).

Enfin, la livrée pénitentiaire est imposée aux femmes de la 2° section comme aux criminelles de la re.

Les enfants de la 3° section elles-mêmes sont forcées de la revêtir.

Nous recommandons, sur ce point, la lecture des p. 156, 161 et 377, t. II, de l'ouvrage de ce médecin adonné aux pratiques de la religion catholique et partisan absolu de toutes les régiementations de police. On y verra quels tourments moraux étaient imposés de son temps, par les religieuses, aux prisonnières de Saint-Lazare. Grâce à Parent-Duchâtelet, elles furent supprimées sous la monarchie de Juillet. Elles ont été rétablies en janvier 1850. La troisième République les a maintenues jusqu'ici. (2) Reglement intérieur de la maison d'arrêt et de correction de Saint-Lazare, 29 novembre 1875. — Règlement du service général des infirmeries de la 2° section de Saint-Lazare, 11 juillet 1843, article 1.

Venons maintenant à la province.

Ici nous observons que la réglementation dans les villes des départements n'est pas uniforme: elle présente d'une ville à l'autre des variations qui le plus souvent constituent d'inconcevables aggravations dans l'arbitraire. Soit que la presse ait moins d'audace ou moins de pouvoir, soit que les petits tyranneaux des municipalités soient plus omnipotents par leurs relations de famille, leur situation de propriétaire et leur fortune, soit que la police soit moins surveillée et contrôlée, soit enfin que les misérables préjugés en cours sur le sujet trouvent un terrain plus favorable, la réglementation, dans ses arrêtés les plus oppressifs, les plus contraires à la liberté individuelle et aux lois, ne trouve nul obstacle. D'ailleurs, tandis que le Conseil municipal de Paris s'est montré dans sa grande majorité désireux de modifier la réglementation actuelle, tandis que les travaux d'Yves Guyot et de la Commission municipale ont fait la lumière sur tous les points de la question, nous ne trouvons, il faut bien le dire, dans les municipalités de province, aucun mouvement analogue. Pas un maire de France n'a donné son concours public à la Fédération pour l'abolition de la prostitution officielle. Dans telle ville, à Marseille, par exemple, la majorité du conseil municipal a fait la sourde oreille aux propositions de simples améliorations présentées par la minorité. Dans telle autre, au Havre, l'administration sous-préfectorale a pris l'initiative de présenter au Conseil muni

cipal un projet de règlement où l'on rencontre les dispositions les plus oppressives qui puissent être inventées.

Dans la plupart des grandes communes, les municipalités et les commissariats centraux ont copié les dispositions de l'ordonnance de 1778. Quelquesuns même n'avaient pas hésité à les appliquer dans leur plus stricte teneur, comme si le lieutenant de police avait eu pouvoir au siècle dernier au delà de la vicomté de Paris!

Il a fallu qu'un arrêt de la Cour de cassation, le 28 avril 1832 (1), stipulât « formellement que les ordonnances du lieutenant général de police de la ville de Paris, du 4 novembre 1778 et du 8 novembre 1780, ne s'étendaient pas, pour leur exécution, hors du ressort du Châtelet de Paris, et que le préfet de police de la même ville, en renouvelant ces ordonnances, n'a pu en étendre l'exécution au delà du territoire dont la police est confiée à sa surveillance ».

Suivons l'ordre adopté pour l'étude de la réglementation à Paris.

Arrêtons-nous d'abord à la maison de tolérance, Son recrutement se fait tantôt par racoleurs et racoleuses privés embauchant des filles inscrites isolées sans ressources, des malheureuses sortant de l'hôpital; tantôt par les agents mêmes de la police. La Préfecture de police, en prenant des arrêtés d'ex

(1) Chambre criminelle. Affaire des fripiers de Nantes: rapport de M. Briere; conclusions de M. Fréteau de Pény, avocat général.

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