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déposer en allaient trop dire, elle leur mit le doigt sur la bouche, avec consigne de se retrancher derrière le secret professionnel. Toutefois, sur l'affaire Rouvier, la commission en avait assez vu et entendu ; elle publia son procès-verbal, qui relatait l'infàme machination de Lombard et de l'agent pédéraste associés pour cette belle entreprise (1), et devant l'impossibilité de continuer l'enquête elle donna sa démission (16 février 1879).

La Préfecture de police, le ministère lui-même, croyaient, par la condamnation de la Lanterne et la dissolution de la commission, avoir enterré la question.

Celle-ci rebondit plus vive que jamais à la Chambre dans les premiers jours de mars.

Clémenceau, dans une harangue d'une précision pressante, enferma le ministre de Marcère dans cet étroit dilemme : « Si vous vouliez une enquête, pourquoi opposer aux enquêteurs le secret professionnel? Et si vous vous montriez si soucieux du secret professionnel, pourquoi alors ne pas faire vous-même votre enquête?»

Homme

Sur ces entrefaites, le rédacteur de la Lanterne avait lancé un article avec ce titre d'État et financier, où les relations de MM. de

Marcère et Ansart étaient rudement dévoilées, flagellées.

Le ministre ne savait quelle contenance tenir :

(1) V. à l'Appendice le procès-verbal de la commission et sa lettre de démission collective.

deux jours durant il chercha vainement un interpellateur compère avec lequel il pùt jouer la comédie accoutumée en pareil cas; enfin il aborda la tribune et crut s'en tirer en proclamant que la France avait la première police du monde ! » Le succès d'hilarité qu'il obtint le déconcerta; il balbutia pour le reste, esquissa l'apologie de personnes notoirement tarées, se plaignit de l'attaque à son honorabilité. Clémenceau releva vertement ce langage suspect: Il y a des juges! lui dit-il. » L'effet fut sanglant. On soupçonna, on vit les dessous. La Chambre refusa un ordre de confiance au ministre. C'était un effondrement.

M. de Marcère disparut, sans avoir voulu aller jouer en justice à qui gagne perd. Depuis il est entré au Sénat et tente de temps à autre d'y discourir, mais il surnage mal, comme un homme qui a un boulet au pied. Quant à M. Gigot, lui aussi il disparut avec son chef direct et ses sous-ordres, le directeur du contrôle Marseille, le chef de la sûreté Jacob, Ansart, le chef de la police municipale, etc. Devant tout ce fracas et ces ruines, le président du conseil, M. Waddington, était fort empêché. Le prestige de l'autorité » était gravement compromis.

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La Préfecture était ébréchée, oscillante.

Le conseil des ministres était très divisé. M. Lepère, le successeur de M. de Marcère à l'intérieur, aurait voulu opérer de sérieux changements, et non pas seulement de personnes.

Le président Waddington prétendait au contraire remettre toute chose dans l'ordre ancien, qu'il tenait pour excellent seulement M. Gigot avait été trop légiste, trop scrupuleux, trop faible, il fallait un petit Piétri, un préfet à poigne.

Il trouva son homme : c'était M. Andrieux.

On a remarqué que les renégats politiques et religieux sont particulièrement aptes aux besognes qui visent leurs anciens coreligionnaires.

M. Andrieux, ex-insurgé lyonnais, orateur de la Maçonnerie, ex-délégué à un congrès d'athées, magistrat du 4 Septembre, avait fait son apparition devant la rampe avec l'étiquette que ChallemelLacour avait piquée à son chapeau; il venait de montrer de la désinvolture morale, de la facilité de parole et d'échine dans la question de l'amnistie qu'il avait combattue : c'était là des gages.

La démocratie parisienne voulait se débarrasser de la Préfecture de police.

C'est M. Andrieux qui la sauverait.

CHAPITRE III

LA POLICE DES MEURS DEVANT LE CONSEIL MUNICIPAL

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La question de la Préfecture de police devant le Conseil municipal. Réélection d'Yves Guyot. Politique préfectorale de M. Andrieux les nouveaux agents, MM. Macé, Caubet. — Redoublement d'illégalités; intolérables abus de la police des mœurs. Théories de M. Andrieux. - Souvenir omis par M. Andrieux dans ses Souvenirs. Nouvelle campagne du Vieux petit employé. · Saisie de la Lanterne. · La Chambre et la liberté de la presse. Une bande de bonapartistes embusqués... Yves Guyot lève le masque du Vieux petit employé. · Désorganisation du service de sûreté organisé par M. Andrieux. La police politique: affaire Hartmann. Coup d'œil rétrospectif sur les débats du Conseil et de la Préfecture de police: les rapports de Sig. Lacroix. - Fonctionnement de la Commission municipale de la police des murs: Sig. Lacroix, A. Hovelacque, les Dr Bourneville et Thulić. - Proposition de Lanessan du refus total du budget de la Préfecture de police, repoussée par le centre opportuniste. La mise à la retraite Guyot rap

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de l'agent Lombard et le rapport de Lacroix. porteur du budget de la Préfecture de police pour 1881.- Proposition Lanessan relative à la suppression de la police des mœurs. Renouvellement général du Conseil (janvier 1881): la Révolution sociale et son bailleur de fonds, M. Andrieux. — Nouvelles illégalités. L'affaire Eyben. Démission de M. Andrieux. Le projet de rattachement de la Préfecture de police au ministère de l'intérieur, déposé par M. Constans. Dernières aventures de M. Andrieux.

M. Andrieux toutefois n'entrait pas seul sur la scène municipale.

Yves Guyot ne s'était pas représenté au Conseil aux élections de 1878. A la fin de 1879, le siège du quartier Notre-Dame, le quartier même de la Pré

fecture de police, devint vacant : les électeurs songèrent naturellement au citoyen qui menait la vaillante et dangereuse campagne. En dépit des agents, des mouchards de lettres, Guyot fut élu. Sa présence allait de nouveau vigoureusement saisir le Conseil de la question.

Vis-à-vis du nouveau préfet il en était besoin. Les débuts du préfectorat de M. Andrieux furent curieux en effet.

M. Andrieux commença par tâter le terrain au point de vue des personnes; il chercha à flirter avec la Lanterne, reçut son secrétaire de la rédaction, échangea des congratulations avec le président du Conseil municipal, M. Castagnary, un rédacteur du Siècle, opportuniste avant la lettre, nommé quelques semaines plus tard conseiller d'État.

Poussant plus loin l'habileté diplomatique et pour jouer le Conseil, il alla, sur l'indication de M. Antonin Proust, quérir dans la petite boutique de la Revue positive, rue de Seine, où il était secrétaire de Wyrouboff (1) à deux cents francs par mois, M. Caubet, publiciste très ignoré, dignitaire maçonnique, vice-président du Conseil municipal par surcroît, qui, un instant chef de bureau à la sûreté générale après le 4 Septembre, avait fait depuis au Conseil, à la Commission de la police des mœurs

(1) M. Caubet reconnaissant a fait décorer depuis M. Wyrouboff, sur la proposition de l'ambassadeur de Russie: le décret n'a pas paru à l'Officiel. M. Wyrouboff était avec Caubet dignitaire maçonnique. La maçonnerie n'est cependant pas en odeur de sainteté auprès des potentats russes.

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