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illégalités de procédure. Lacroix était encore le porte-parole autorisé du Conseil : il saisit l'occasion d'affirmer et le pouvoir financier de l'assemblée municipale et son droit de contrôle sur les agents de la Préfecture, en proposant la suppression de la gratification accordée à M. Macé.

Le Conseil vota la suppression à l'unanimité (19 mars 1880). M. Macé protesta dans une lettre publique (dont il s'est vanté depuis), où il s'efforçait d'atteindre à l'impertinence que lui permettait sa littérature. M. Andrieux avait payé sur les fonds secrets l'impression et le tirage de ce factum, distribué à l'Hôtel de Ville comme un document d'importance.

Au dehors, la Préfecture de police continuait ses prouesses.

Les arrestations illégales suivantes-la préfecture est obligée de relâcher immédiatement ses victimes -nous amènent à la fin de l'année 1880. Le 5 avril 1880, arrestation par la police des mœurs de M. Jean Blandin. M. J. Blandin, voulant défendre sa bellesœur, qui était à son bras et que les agents de la police des mœurs osent inquiéter, est violemment frappé le mari de cette dame obtient à grand'peine l'élargissement de son beau-frère. Aucun agent n'est révoqué. Le 23 août, arrestation d'une honnête femme mariée, Me B..., par un agent de la police des mœurs. Mme B... est remise en liberté : l'agent reste impuni. - Le 20 mai, arrestation de Me F... par la police des mœurs. Mme F..., contre

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laquelle aucune charge ne peut être relevée, est relâchée le lendemain matin les agents restent impunis. Le 7 août, arrestation de Mme Gabrion par la police des mœurs : cette dame est relâchée le lendemain matin, aucune charge n'étant relevée contre elle les agents ne sont pas inquiétés.

L'année 1880 se termine sur des débats et des propositions d'un intérêt capital.

Guyot avait été nommé rapporteur du budget de la Préfecture de police pour 1881. Son rapport était très complet, très étudié, très modéré de forme, une de ces pièces parlementaires qui affirment la maturité des hommes publics et des partis pour la pratique des affaires : il montrait le peu de sécurité de la population parisienne, mal protégée contre les malfaiteurs, molestée, tyrannisée par des agents sans responsabilité, demandait de nombreuses améliorations techniques dans le fonctionnement des services actifs. Pour conclure, Guyot se contentait modestement, avec Lafont, d'inviter à nouveau le préfet de police à épurer son personnel tant au point de vue politique qu'administratif. Par 45 voix contre 5, le Conseil adopta cette proposition.

Sur la question de la police des mœurs, le Conseil adopta également (par 33 voix, contre 12) une proposition de M. de Lanessan, dont on ne pouvait contester la compétence en cette matière (Lanessan est médecin, professeur agrégé à la Faculté de médecine, et sa science de biologiste s'est affirmée par de nombreux

et estimés travaux), une proposition, disons-nous, qui supprimait la brigade du service des mœurs et invitait l'administration à lui présenter un projet d'installation de services médicaux destinés à combattre les maladies vénériennes (1).

Le sérieux de ces propositions fit peur à M. Andrieux. L'administration se trouvait donc désormais non plus en face de simples critiques, mais de projets d'organisation destinés à une réédification démocratique des services de la police.

Le danger devenait grand.

M. Andrieux crut y parer en jouant au petit Machiavel.

Les élections municipales générales devaient renouveler le Conseil en janvier 1881.

M. Andrieux ne trouva rien de mieux que de subventionner une feuille anarchiste couverte du brave nom de Louise Michel et de payer les plus vilaines calomnies lancées contre les conseillers sortants dont la présence était plus particulièrement gênante à la Préfecture.

Il est inutile de conter tout au long cet épisode de la vie professionnelle de M. Andrieux; lui-même a depuis pris soin, dans un but qu'il est mal commode de déterminer, de narrer en détail l'histoire de la genèse de la Révolution sociale et de son intervention financière dans la bataille électorale.

M. Andrieux et ses collaborateurs échouérent d'ailleurs dans cette honorable guerre.

(1) V. le texte de cette proposition à l'Appendice.

Guyot, Lacroix, Delattre et autres rentrèrent au conseil, aussi dispos que la veille à dénoncer les abus, les illégalités de M. Andrieux et de ses agents.

Cependant le centre opportuniste du nouveau Conseil, sous la poussée de l'opinion, commençait lui-même à s'émouvoir ou à le paraître.

La lutte reprit plus générale entre la Préfecture et l'assemblée municipale par l'interpellation d'ailleurs bénigne de l'honorable M. Hector Depasse sur la sécurité de Paris.

M. Andrieux ne connut plus de bornes.

Sa colère de dictateur au petit pied se traduisit par une attitude qu'il s'efforcait de rendre chaque jour plus provocante; il jouait d'ailleurs assez bien la comédie de l'insolence, ricanant, haussant les épaules, sortant avec bruit, écrivant d'une plume cavalière qu'il n'assisterait plus aux séances du conseil.

Ce manège politique eut pour résultat de réunir les deux fractions républicaines de l'assemblée contre le préfet: M. Jules Roche, au nom de l'extrême gauche, (quantum mutatus!) et feu Antide Martin, au nom des opportunistes, présentèrent un ordre du jour qui était un véritable appel adressé au gouvernement, afin qu'il fit cesser une telle situation, absolument nuisible à la bonne administration des affaires municipales.

Pendant ce temps, les exploits de la police des mœurs venaient encore exagérer cet antagonisme. M. Andrieux avait, sur la demande de M. Macé,

versé en bloc la brigade des mœurs dans le service de sûreté (6 mars 1881): cette innovation, opérée sans nul désir d'amélioration, avait eu pour unique résultat de transformer tous les agents de la sûreté en agents des mœurs. Le 2 mars 1881, une jeune fille d'une honorabilité parfaite, Me X..., était arrêtée au bras de son fiancé, au moment où elle sortait d'une maison amie, rue des Lombards: elle n'était relâchée que sur les instances de nombreux témoins qui venaient déposer en sa faveur. Le 29, une honnète femme, M Eyben, était arrêtée passage des Panoramas, où elle attendait ses enfants, qu'on lui ramenait de l'école. Cette dame, artiste dramatique, n'avait rien de commun avec les personnes mêmes que vise ce service des mœurs. M. Martin-Sarzeau, juge d'instruction, était obligé de la mettre en liberté après enquête.

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Quoique ces faits datent déjà de sept années, on n'a pas perdu le souvenir des incidents parlementaires provoqués d'abord par l'interpellation de Pascal Duprat (10 avril) sur les agissements de M. Andrieux comme chef de la police politique, puis par la demande d'autorisation de poursuites contre le même M. Andrieux présentée par Mme Eyben (18 juillet), agréée par la commission parlementaire nommée ad hoc, repoussée par le garde des sceaux Cazot, repoussée aussi par la Chambre (324 voix contre 91). Ces séances donnèrent une triste idée de la mentalité et de l'intelligence légale des représentants du peuple français en 1881. M. Andrieux avait ob

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