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offrait. Mais le désert apparaissait si grand! Les vides étaient si considérables! Notre population devait se reconstituer à la longue, selon d'autres bases: l'aristocratie judiciaire et savante allait, avec la petite noblesse de village, désireuse de se faire citadine, contrebalancer du même coup, dans l'ancienne capitale du commerce et de l'industrie de la France méridionale, l'industrie et le commerce. Marseille, d'ailleurs, était devenue française, elle aussi. Nos rois avaient acquis en 1481 la Provence, comme naguère le Languedoc. Quel avantage auraient-ils trouvé désormais à opposer Montpellier à Marseille ? Et si des raisons politiques, impossibles à imaginer, leur eussent suggéré la pensée de prolonger un pareil antagonisme, se seraient-ils flattés de le voir réussir au profit de leur fille aînée ? Marseille n'était-elle pas déjà la cité-reine, absorbant et monopolisant tout ce qu'elle peut soumettre au régime dominateur de son sceptre '?

Si au moins Montpellier eût disposé, pour une telle concurrence, d'un port égal en ressources et en fixité à celui de Marseille! Mais les graux de nos étangs étaient de nature trop capricieuse pour qu'on pût compter sur eux; et le port d'Aiguesmortes, dont le privilége subsistait toujours, refusait de plus en plus son service. Il nous fallut, sous le poids de cette déses

1 Voy. Julliany, Essai sur le commerce de Marseille, édition de 1842, T. 1, chap. 3 et 4 du livre Ier.

pérante infériorité, patienter jusqu'à la création du canal des deux mers; et quand le port de Cette lui fut adjoint, à titre de tête et de complément, Marseille avait pris un essor que rien ne pouvait maîtriser. Comment lutter avec une place si heureusement située, et en possession de franchises exceptionnelles ? L'antique Massilie était déjà, d'une manière presque définitive, la ville de l'avenir.

II.

NATURE DU COMMERCE DE MONTPELLIER.

INDUSTRIE LOCALE.

On risquerait d'avoir une idée bien vague du commerce de Montpellier, si l'on ne savait préalablement quelle en était la nature. C'est à éclaircir ce point que nous allons consacrer ce chapitre.

Pour tout homme tant soit peu initié, il est manifeste que le commerce de Montpellier reposait, comme celui de Marseille, de Narbonne et de la plupart des villes du littoral méditerranéen, sur un double mouvement d'exportation et d'importation. Et de même que tous les objets importés ne provenaient pas d'un seul territoire, les marchandises exportées avaient, à leur tour, une provenance diverse. Montpellier était pour beaucoup d'entre elles un lieu de passage, notre ville ne produisant qu'une faible partie de ce qu'elle expédiait.

Dressons d'abord l'inventaire de ce qu'elle produisait; il deviendra plus facile de nous renseigner sur les objets pour lesquels elle ne servait que d'entrepôt.

T. I.

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Les productions émanant de Montpellier étaient, au moyen âge, comme elles le sont aujourd'hui, de deux sortes, ou naturelles ou manufacturées; les unes imputables à la fertilité du terroir, les autres dues au travail de l'industrie. Les produits naturels d'alors ne différaient guère, à certaines exceptions près, de ceux de notre époque, que par leur quantité respective. Le sol, moins morcelé qu'il ne l'est de nos jours, et soumis pour une portion relativement considérable au régime de douce exigence habituel aux biens de main morte, paraîtrait avoir été, par suite, moins fécond. Il com portait, en outre, une plus grande variété de culture: la vigne ne l'avait pas encore assujetti à son absorbant monopole, et les céréales y occupaient une place moins restreinte. Elles n'y rendaient pas toutefois assez pour la consommation; à peine y suffisaient-elles à la moitié des besoins 1.

Le pays abondait, abondait, du reste, comme actuellement, en fruits et légumes de toute espèce. Il n'y avait néanmoins exubérance que pour l'huile et le vin; et c'étaient ces deux genres de denrées qui alimentaient particulièrement notre commerce d'exportation agricole.

Les produits manufacturés se distinguaient davan

1 Voy., parmi nos Pièces justificatives, nombre de lettres des règnes de Philippe III, Philippe IV, Philippe VI, Jean, Charles V, etc., d'où ce fait ressort de la manière la plus évidente. La nécessité d'importer à Montpellier des grains de l'extérieur y revient pério diquement.

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tage de ceux d'aujourd'hui. Montpellier était spécialement renommé par ses draps et sa teinture écarlate; industrie reléguée pour nous dans l'histoire, et dont il ne subsiste aucune trace dans nos fabriques modernes. Nos fabriques elles-mêmes, prises d'une manière générale, sembleraient être moins nombreuses qu'elles ne l'étaient alors. Est-ce à dire que la population montpelliéraine soit de nos jours inférieure à ce qu'elle était au XIIIe siècle? Nous ne le pensons pas; nous la croirions plutôt supérieure et elle l'est, à coup sûr, de plus de moitié par rapport à ce que les documents nous la montrent dans la première partie du XVe siècle, sous le coup des grandes mortalités et de nos infortunes nationales. Mais la classe riche s'est substituée chez nous à la classe ouvrière; et l'industrie, autrefois dominante dans nos murs avec le commerce, est descendue au second rang. Ce changement ne s'est pas accompli soudainement; il s'est opéré peu à peu, et notre génération l'a vu se réaliser pour certaines branches de travail. Qui de nous ne se rappelle les manufactures de toiles de coton qui fonctionnaient dans nos faubourgs? Elles ont, à l'heure qu'il est, totalement disparu. Et l'industrie du verdet, de son côté, naguère

Les lettres de Charles VIII du 30 mars 1495, déjà citées dans notre Histoire de la Commune de Montpellier, II, 325, disent que « icelle ville estoit tres grandement peuplée, comme de trente-cinq

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à quarante mille feux, à cause du cours de la marchandise et port » de mer. >>

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