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dait sans doute l'ancienne prérogative de la finance; et on conservait encore, d'ailleurs, l'espoir d'une renaissance, propre à lui rendre son éclat primitif. Les changeurs ou banquiers étaient donc, à la fin du XIVe siècle, possesseurs de l'exceptionnel avantage de fournir à eux seuls un des six consuls investis du droit de régir la Commune. Les poivriers s'associaient aux drapiers et aux bourgeois, rentiers ou capitalistes, pour choisir parmi eux le second consul; association remarquable, à son tour, en ce qu'elle agrège le haut commerce à la haute société d'alors. L'élection du troisième consul appartenait aux drapiers encore, réunis aux pelissiers ou pelletiers, aux sediers, représentant l'industrie sérigène, et aux merciers. Celle du quatrième consul était faite dans la catégorie des orgiers, des canabassiers, des épiciers; celle du cinquième consul par les mazeliers ou bouchers, les poissonniers, les courtiers, les blanquiers, les fabres ou forgerons, les sabatiers ou cordonniers; celle du sixième consul enfin par les fustiers, les peyriers et les laboureurs '.

Voilà quelles étaient chez nous les professions entre lesquelles se recrutaient les consuls-majeurs. Le recrutement des ouvriers de la Commune- clôture offrait un caractère analogue. Mais, afin d'assurer un contingent de représentation à tous les corps appelés à contribuer

1 Arch. mun. de Montp., Gr. Thal., fol. 159 vo et 160 ro, et ibid. init., fol. non coté. Cf. Cérémonial des Consuls, fol. 52 ro.

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à la défense et aux charges de la ville, on admettait à y participer les industries les plus diverses; et c'est, par suite, dans ce programme que se trouve l'énumération la plus complète des métiers dont se composait notre personnel de travailleurs. Ils étaient répartis en sept échelles, vaquant chacune un jour de la semaine à la garde des portes et des murailles, destinées à protéger par le réseau d'une enceinte unique l'ensemble de la population. Sauf les ordres privilégiés des clercs et des nobles, tout le monde est couché sur les listes de cette sorte de milice permanente; et voici les groupes successifs qui la constituent.

A l'échelle du dimanche sont rangés les avocats et les notaires, dont on évite avec soin de se passer, aucun bras n'étant à dédaigner; les barbiers, parmi lesquels il faut sous-entendre les chirurgiens; les teinturiers; les mazeliers, moutonniers et porcatiers; les poissonniers, les cabassiers, les chandeliers, les peintres et vitriers, les fourniers, les bluteurs, les aubergistes, les merciers de Castel-Moton, et les poulaillers.

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A l'échelle du lundi, les pelletiers, les sediers, les tailleurs, les juponniers ou jupiers, les potiers, les barralliers ou tonneliers, les selliers, les verriers. A l'échelle du mardi, les blanquiers, tanneurs ou cor

1 Voy., pour la distribution des rôles et le partage des postes, le statut plus ancien en tête des Établissements du Petit Thalamus, pag. 95. Ce statut témoigne, en outre, de plusieurs changements survenus dans les diverses échelles.

royeurs, les tessiers ou tisserands, les merciers, les revendeurs, les apprêteurs, les peigneurs, les marchands de la Fabrerie, les laboureurs, les jardiniers, les gardes des poids et mesures. - A l'échelle du mercredi, les courtiers, les cordonniers et savetiers, les serruriers, les fabricants d'épées, les merciers de l'Aiguillerie, des Tables et de Saint-Firmin, les ceinturiers, les freniers, les cordiers, les gaîniers, les faiseurs de besaces, d'escarcelles, etc. A l'échelle du jeudi, les changeurs, les canabassiers, les blanchisseurs, les épiciers, les poivriers, les bâtiers, les argentiers, les merciers de Saint-Nicolas, les batteurs de toile blanche, les scribes des encans. A l'échelle du vendredi, les drapiers, les orgiers, les fripiers, les fabricants de chausses, de chandelles, de mesures, etc. A l'échelle du samedi, les fustiers, les peyriers, les meuniers, les manœuvres, les plombiers et batteurs de feuilles d'étain, les batteurs de feuilles d'or et d'argent, les arbalétiers, les compagnons de la grande orgerie et de l'orgerie du Pyla Saint-Gély, les fustiers de la Blanquerie, les charretiers, les crieurs de vin, les posandiers ou vendeurs d'eau, les messales chapeliers, les sauniers, etc.'

gers,

Qu'on s'étonne, après cela, de la physionomie démocratique qu'a revêtue durant tout le moyen âge la

1 Arch. mun. de Montp., Gr. Thal., fol. 163 vo sq. Cf. Hist. de la Comm. de Montp., III, 169 sq. et 175 sq., où se trouve une sorte de statistique industrielle utile à consulter. P. J., CLXXXVIII.

Commune de Montpellier. Ne résultait-elle pas presque nécessairement de l'organisation sociale que nous venons d'indiquer ? Dans un ensemble comme le nôtre, où l'industrie et le commerce tenaient la principale place, où chaque métier, chaque corporation avait son rôle propre et ses représentants spéciaux, ses consuls périodiquement élus, admis à participer, selon leur mesure, au gouvernement public, la démocratie ne pouvait manquer de se faire jour; elle devait même l'emporter, par la force des choses.

De là ce type distinctif de nos institutions municipales, que nous nous sommes précédemment attaché à mettre en relief. Le régime des corporations, alors en vigueur, et qui semblerait avoir dû être un obstacle au développement de la vraie démocratie, concourait, au contraire, à en perpétuer le triomphe, par les liens qu'il établissait entre les membres de chaque association industrielle. Maîtres et compagnons veillaient simultanément au maintien de leurs communs priviléges, et perpétuaient du même coup l'avenir d'institutions dont on n'avait pas encore appris à se passer. Les consuls et les gardes de métiers leur montraient la voie d'une manière si honorable, qu'ils auraient cru forfaire à l'honneur s'ils se fussent abstenus de les y suivre.

III.

ROUTES QUE SUIVAIT AU MOYEN AGE LE COMMERCE MARITIME -PORTS DE LATTtes et d'aiguesMORTES.

DE MONTPELLIER.

Une question se présente d'elle-même à quiconque ouvre une Histoire du commerce de Montpellier. Montpellier, se dit-il, n'est pas un port de mer: la mer en est aujourd'hui distante de onze ou douze kilomètres, et il ne paraît pas que l'éloignement ait été beaucoup moindre autrefois. A l'endroit, d'ailleurs, où la Méditerranée se rapproche le plus de la ville, l'accès est intercepté par une barrière d'étangs, dont les eaux vaseuses s'opposent à une facile et salubre navigation. Comment des navires chargés de marchandises auraient-ils pu circuler à travers de pareils marécages? Comment ensuite s'expliquer qu'on ait si long-temps consenti à voiturer ces marchandises de Montpellier à la mer, ou de la mer à Montpellier?

L'objection serait sérieuse s'il s'agissait d'une époque comme la nôtre, où se multiplient avec une rapidité

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