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PREFACE.

Le livre que nous publions aujourd'hui est le fruit de dix années d'études

et de recherches. C'est en 1850, que nous avons commencé à recueillir les documents relatifs aux rapports des Arméniens de la Cilicie avec les peuples de l'Occident et les Franks établis en Syrie, à la suite des Guerres-Saintes. Une exploration dans les régions montagneuses du Taurus et dans les plaines arrosées par le Cydnus et le Pyrame, deux voyages en Italie et des recherches patientes dans plusieurs grands dépôts d'Archives, nous ont mis à même de compléter, autant qu'il était possible, le recueil qui fait l'objet principal de ce livre, et de faire connaître l'histoire politique, civile, administrative et judiciaire d'un royaume de l'Orient chrétien, qui dut en grande partie aux Croisades la célébrité dont il a joui, aux XIII et XIV siècles.

Les documents publiés dans l'ouvrage que nous présentons au public lettré sont, pour la plupart, conservés en originaux ou en copies dans les principales Archives de l'Europe occidentale, et notamment à Venise, Gênes, Turin, Cité-Valette, Paris, Madrid et Berlin. Nous avons fait nous-même des recherches dans ces différents dépôts, et là, où il ne nous a pas été possible de consulter les dossiers contenant des pièces se rapportant à notre sujet, nous avons obtenu des copies authentiques, fournies avec une extrême bienveillance, par les soins des directeurs des Archives. C'est donc pour nous un

devoir de remercier ici publiquement les personnes qui ont facilité nos recherches et encouragé nos efforts, et particulièrement, MM. le sénateur Castelli et le chevalier D. Promis à Turin, V. de Lancizolle à Berlin, le comte Dandolo, les RR. P.P. Mékhitaristes et le chevalier V. Lazari à Venise, tous ceux enfin qui nous ont prêté un concours efficace dans l'accomplissement de la tâche que nous nous étions imposée. Grâce à l'appui que nous avons rencontré auprès de ces savants, il nous a été facile de donner des textes fidèles, qui sont la transcription exacte des originaux ou des copies notariées que nous avons eus sous les yeux, et de publier des documents inédits qui, jusqu'alors, avaient échappé aux investigations des érudits.

Personne, croyons-nous, n'avait eu la pensée d'entreprendre un semblable travail qui exige à la fois des études spéciales en paléographie et la connaissance de l'idiôme arménien parlé au temps des Croisades; aussi nous pouvons dire que cet ouvrage, dont nous avons conçu le plan, est le seul qui, jusqu'à présent, ait été publié sur l'ensemble de la diplomatique arménienne. Dès l'année 1855, nous avions déjà fait pressentir notre intention de mettre en lumière les chartes d'Arménie, et à cet effet, nous avions dressé une liste de tous les documents qui nous étaient connus. Cette nomenclature a paru dans notre Numismatique de l'Arménie au moyen-âge. Quelques années après l'apparition de cet ouvrage, notre Cartulaire fut annoncé dans le programme de la Bibliothèque historique arménienne, dont la publication a été abandonnée. Sur ces entrefaites, l'un des membres les plus distingués de l'Académie des Sciences de S. Pétersbourg, S. Ex. M. Brosset, voulut bien se charger de présenter à la docte compagnie dont il fait partie, une notice que nous avions rédigée sur la Constitution sociale et politique de l'Arménie sous les Roupéniens, et qui fut imprimée, par ses soins, dans les Mémoires de ce corps

savant.

Notre livre se compose de deux parties, savoir: 1.o une introduction. historique qui facilite l'intelligence des textes du Cartulaire, et présente sous leur vrai jour les rapports des Franks avec les Arméniens, à l'époque des Guerres-Saintes, l'organisation féodale de la Cilicie, l'administration intérieure du royaume et d'autres questions curieuses à plus d'un titre et dont la valeur n'avait point encore été reconnue; 2.o un recueil de tous les priviléges, donations, traités de paix, documents officiels et notariés émanant de la chancellerie des rois de Sis, etc.

Un travail aussi compliqué et qui offrait des difficultés typographiques assez nombreuses, à cause des textes en caractères orientaux, ne pouvait être mis sous presse qu'à Venise ou à Paris. Nous avons été assez heureux pour le faire agréer par la savante et respectable congrégation des Mékhitaristes de S.' Lazare, à laquelle nous étions déjà redevable des plus utiles communications. La congrégation, en se chargeant de la publication de cet ouvrage, a eu en vue de rendre service à la fois aux Arméniens lettrés et aux savants étrangers; aussi n'a-t-elle reculé devant aucun sacrifice, pour que cette édition fût reçue par le public avec la même faveur que les autres livres sortis de la célèbre imprimerie à laquelle on doit déjà la Chronique d'Eusèbe, les œuvres de Philon et les classiques arméniens.

Paris, août 1863.

VICTOR LANGLOIS.

AVIS.

En éditant le Cartulaire d'Arménie, la Congrégation Mékhitariste de S. Lazare a laissé à M. Victor Langlois toute sa liberté d'action; aussi croit-elle de son devoir de déclarer qu'elle n'entend en aucune façon, prendre la responsabilité des opinions exprimées par l'auteur dans l'introduction et les notes de son livre.

CARTULAIRE

DE LA CHANCELLERIE ROYALE DES ROUPENIENS

INTRODUCTION

CHAPITRE PREMIER

PROLEGOMÈNES

S. I.

Les Cartulaires de l'Arménie avant les Roupéniens.

Bien longtemps avant que les Arméniens eussent quitté leur patrie, pour

émigrer dans les montagnes et les plaines de la Cilicie, il était d'usage chez eux de conserver dans le palais des rois les archives de la nation. Nous savons, en effet, par le témoignage des monuments et des historiens, que longtemps avant la naissance de J. C., il y avait en Perse et en Arménie des archives et des bibliothèques 1.

Moïse de Khorên parle plusieurs fois dans son Histoire, des Archives de Ninive, que consulta le syrien Mar Apas Catina, chargé par le roi Valarsace (Vagharschag) de rédiger une histoire d'Arménie, d'après les informations, qu'il pourrait recueillir dans ce dépôt. Nous savons aussi, par le témoignage du même historien, que le roi Valarsace fit graver sur une colonne, une partie de l'histoire, qu'avait écrite le syrien Mar Apas Catina, en même temps qu'il faisait garder le manuscrit original dans son palais, comme l'objet le plus

1 Cf. les Βασιλικαί διφθέραι, consultés par Clésias, et le passage du Livre d'Esther, II, 33; enfin E. Renan, Hist. des Lang. Sémit. (2o Edit.) Liv. III, Ch. 2. pg.

244. 2 Moïse de Khorên, Hist. d'Armén., Liv. I,

Ch. 39.- Voir aussi dans le Bulletin de l'Acad. des sc. de St. Pétersbourg, T. III, notre Étude sur les Sources de Moïse de Khorên, pg. 331 et suiv., §. 3.

3 Moïse de Khorên, id., Liv. I. Ch. 9.

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