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La dzarca, droit de recherche, se prélevait sur tous les objets volés, dont le trésor royal bénéficiait pour un tiers, lorsqu'ils étaient retrouvés1.

La droiture de terre et de mer, drictura terræ et maris, était un impôt sur les marchandises transportées par terre ou par eau2; ce droit répond au français tonlieu.

Le travers, transitus, était perçu par les seigneurs pour toutes les marchandises, qui passaient à travers leurs domaines, ou par le roi pour le transport des mêmes marchandises, à travers ses propres domaines. Ce droit était plus fort au passage des défilés, des rivières et s'appelait alors droit de passage, passagium 3.

Le droit de table ou d'étalage, tabulagium, tablagium, se percevait sur les boutiques dans les foires et marchés.

L'arboragium, aussi appelé anchoragium, se percevait dans les ports et aux embouchures des fleuves, sur tout navire qui venait jeter l'ancre *.

Datio, drictus, drictura, tributum, s'appliquent à des impôts dont la nature n'est pas très-bien déterminée.

La capitation, droit par tête, se prélevait sur les Musulmans sujets du roi. Nous ne possédons que fort peu de renseignements sur le droit arménien à l'époque des Roupéniens. Il est probable cependant que la législation arménienne de cette époque, avait sa base dans le code de Mékhitar Koche, rédigé au XIIe siècle, d'après d'anciennes lois venues pour la plupart de Byzance et modifiées en certains cas par la coutume nationale. En admettant que le code de Mékhitar ait été le livre des lois en usage chez les Arméniens de la Cilicie, on doit supposer que certaines modifications y furent apportées par le fait même de l'introduction du système féodal dans ce pays, car nous savons qu'en matière de droit féodal, on avait recours aux Assises de Jérusalem et à la compilation de Jean d'Ibelin. Ce jurisconsulte chypriote raconte en effet, qu'en Arménie, un fief se transmettait selon la coutume des Franks".

Il résulte du contenu d'un privilége concédé aux Hospitaliers, en 1214, par Léon II, qu'un fief, venant à vacquer, par suite de la mort du seigneur tenancier, retournait au roi, qui en disposait à sa volonté. Mais s'il advenait que le possesseur d'un fief voulût s'en dessaisir en faveur de l'un de ses héritiers à son choix, il devait suivre la loi établie à cet égard par les Assises de Jérusalem. C'est ce que dit au surplus Jean d'Ibelin au chapitre CXLIX de sa compilation. Constantin, seigneur de Partzerpert et père du roi Héthoum,

1 Privilege de Léon III aux Génois,en 1288. 2 Privilége de Léon II aux Vénitiens, en1201. 3 Privilége de Léon Il aux Génois, en 1215. 4 Privilége de Léon II aux Hospitaliers, en 1214.

5 Privilége de Léon III aux Génois, en 1288.

6 Assises de Jérusalem, (Ed. Beugnot), ch. 148.

ayant voulu donner à son fils Ochin, le fief de Gôrigos, Sempad, son fils aîné, s'y opposa. Fort embarrassé de faire décider ce cas par les jurisconsultes arméniens, Constantin s'adressa à Jean d'Ibelin, en Chypre, qui lui répondit qu'il usait de son droit, en donnant son fief à celui de ses fils qu'il avait choisi, et Sempad fut obligé de s'incliner devant la décision de l'arbitre. L'article de cette loi était ainsi conçu: « Celui qui a fié conquis, le

peut donner par l'Assise et l'usage de cest royaume, au quel que il veaut de ses heirs, mais que ce soit par l'otroi dou seignor de qui il tient le fié »1.

En fait et en droit, l'article de cette loi était d'accord avec le code arménien et les plus anciennes traditions nationales; car on sait, qu'il était d'usage, en Arménie, et généralement dans tous les états de l'Orient, que la dignité royale héréditaire en principe, ne devait pas rigoureusement se transmettre de fils aînés en fils aînés 2.

Si l'octroi d'un fief pouvait se faire selon la coutume franke, nous ne devons pas être étonné de voir les Teutons obtenir des rois d'Arménie des concessions de priviléges, en vertu de la législation des Assises, et en effet, dans une charte octroyée par Léon II à cette milice religieuse en 1212, nous lisons que la donation leur est faite selon la coutume et la loi des Franks, « secundum legem et consuetudinem francorum » 3.

Quoiqu'il en soit de ces emprunts faits aux Assises, il ne faut pas croire cependant que toute la législation en usage en Cilicie, à l'époque des Roupéniens, fut d'origine étrangère, et que les vieilles coutumes nationales avaient complétement disparu. Il existait, et nous en avons la preuve, des coutumes locales, consuetudines loci, des usages particuliers, dont on ne trouve la mention que dans les chartes arméniennes et dans quelques rares écrits relatifs au royaume de Cilicie, à l'époque qui nous occupe. Ainsi Willebrand, nous dit que de son temps, il était formellement interdit à qui que ce soit d'entrer dans les états du roi d'Arménie et d'en sortir, sans avoir obtenu au préalable, l'autorisation nécessaire pour pénétrer dans le royaume, y séjourner, et ensuite passer la frontière ou s'embarquer: « ita ut hospes, dit Willebrand, si terram intraverit, absque regia bulla, exire non possit ». Cette loi fut modifiée ensuite, et les étrangers purent sortir du royaume, sans que les consuls fussent obligés, comme précédemment, d'avertir le roi du départ d'un de leurs nationaux. Aussi,

A Voir la collection des histor. des Croisades; Lois, par M. le Comte Beugnot.

2 Code de Mékhitar Koche, dans le Journal Asiat., T. IX, pg. 24 et suiv.-Sur les lois de succession, voir le Corpus juris civilis; col. 1078, Edit de Justinien, n.o 3.

3 Privilége de Léon II aux Teutons.

4 Itinéraire de Willebrand.-Il existait naguère encore une loi presqu'analogue en Russie; un étranger ne pouvait sortir de l'Empire sans avoir rempli certaines formalités et obtenu un permis spécial en vertu duquel il avait la faculté de quitter les états du Czar.

dans les priviléges est-il stipulé que les marchands ont la liberté d'entrer et de sortir: « libertatem per terram et per mare habeant et facultatem eundi et redeundi »1. Mais cette loi nous amène à parler de la législation, qui régissait les étrangers, et nous allons de suite indiquer, d'après les priviléges, les différentes concessions, que le pouvoir royal fut obligé de faire aux marchands et aux navigateurs occidentaux, qui venaient trafiquer en Arménie.

Parmi les principaux droits dont les rois roupéniens se dessaisirent en faveur des étrangers, qui fréquentaient leurs ports et leurs villes, il en est plusieurs sur lesquels il est nécessaire de donner des détails; nous voulons parler des droits d'aubaine et de bris.

Il était d'usage en Arménie, au moyen âge, comme dans presque tous les états de l'Asie et de l'Europe, que le souverain héritât de tous les biens d'un étranger qui mourait dans son royaume. Cet usage, connu en France, sous le nom de droit d'aubaine, exista en Arménie jusque dans les premières années du XIIIe siècle. Ce furent les Vénitiens, qui les premiers, obtinrent que les rois d'Arménie se désistassent de ce droit; Léon II y consentit. Les Génois réclamèrent plus tard la même faveur, qui leur fut aussi accordée. Mais ce droit d'aubaine subsistait pour tous les autres étrangers, car nous voyons le sultan Kélaoun, dans son traité de paix passé avec Léon III, exiger du prince arménien qu'il se désistât de ce droit. D'après les priviléges concédés aux Vénitiens et aux Génois, la succession testamentaire ou ab intestat (www 4) de tout individu, sujet de Venise ou de Gênes, revenait à ses héritiers légitimes ou à ses légataires. En l'absence de ces derniers, l'archevêque de Sis, chancelier du royaume et président de la seconde cour du royaume, gardait l'héritage en dépôt et les immeubles étaient séquestrés jusqu'à ce que le gouvernement de l'une ou de l'autre des deux républiques réclamât la succession de son sujet, pour en disposer selon la loi. En 1288, une réserve fut faite à cet égard pour tout Génois, qui serait mort en jouissance des biens de sa femme, d'origine arménienne, décédée avant lui; ses héritiers n'avaient aucun droit sur les biens provenant du chef de la défunte, lesquels retournaient à la cour du roi qui en disposait.

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A côté du droit d'aubaine, était un autre droit, non moins odieux, et dont les républiques de l'Italie obtinrent des rois d'Arménie le désistement en leur faveur ; c'est le droit de bris. On donnait ce nom à la coutume barbare, pratiquée aussi bien en Europe qu'en Asie, au moyen âge, et qui consistait à recueillir, au profit du possesseur du littoral, les débris des navires naufragés sur les côtes, les marchandises que les flots apportaient au rivage, et les épaves

1 Priviléges de Léon II, accordés en 1201 aux Génois et aux Vénitiens,

2 Ce mot vient du grec dianen, précédé du préfixe négatif arménien .

le vinte mire me les vents et la marée faisaient échouer sur le sable. Les anfragen vomdaient eux-mêmes de fait au pouvoir da seigneur du Ben, où ils anortment, et konvent la étaient réduits en servitude. La protection des paufragia hut admise par les egislateurs des Croisades, avant même que les états de Eurçe Teuvent proelamée chez eux, et les Gearis et les Venitiens of tinpant des múa d'Arménie, Labolion de cette couture en leur faveur. Dès Jannée 1961, o vat en effet les chartes mentionner le désistement da roi, qu tentare que les personnes et les biens des naufragés génois et venitiens veront iona la protection; mais qu'il entend exereer le droit de bris sur les paulagen étranger, qui se trouveraient à bord des navires naufrages. Cependant à épilation arménienne, dont on trouve des traces non equivoques dans la compilation du roi géorgien Wakhtang, biame le droit de bris, et invite les populations maritimes a venir au secours des naufragés, au Eeu de chercher a jes dépommer, comme cela se pratiquait d'habitude.

Nous avons vu précédemment, comment étaient jugés les procés et les condeviations qui surgissaient, soit entre deux ou plusieurs sujets des républiquea maritimes de l'Italie, soit entre étrangers et Arméniens. Les chartes nous donnent encore des détails sur la condition des étrangers dans le royaume d'Arménie et leur constitution communale ou nationale. Nous reviendrons sur ee wjet dans le chapitre consacré aux établissements des étrangers dans la Cilicie.

§. V.

Des grands offices de la couronne et des grandes charges politiques de l'État.

L'histoire nous apprend que Léon II trouva quelque opposition parmi certains de ses sujets, qui voyaient avec peine ce prince adopter les usages des Franks, ainsi que les appellations et les titres employés dans les cours de l'Europe et de la Syrie. Aussi sous le règne de ce grand monarque et malgré l'absence de documents bien précis, nous pouvons cependant constater l'existence de deux partis rivaux et disposant chacun en particulier d'influences assez puissantes. Le premier de ces partis, réprésentant les anciennes idées, luttait contre les innovations, que le roi introduisait dans ses états, tandisque le second parti, celui des réformes, à la tête duquel était Léon II lui-même, travaillait avec ardeur à surmonter les obstacles, que lui opposait le vieux parti. La persistance que mit Léon II à faire de son royaume, comme une annexe de la puissance chrétienne en Orient, porta ses fruits; et très-peu de temps apres son couronnement, l'Arménie était devenue un état féodal, constitué sur le modele des cours de l'Occident, de Jérusalem et de Chypre, fonctionnant

régulièrement, et qu'il eût été fort difficile de distinguer des autres principautés de la Syrie, si l'idiome parlé par ses habitants et les rites en usage dans son église, n'eussent révélé son origine orientale.

Les chroniqueurs, les polygraphes et les chartes nous ont transmis quelques détails assez curieux sur les titres, que portaient les grands officiers de la couronne et les fonctionnaires, auxquels était confiée la direction des affaires administratives du royaume d'Arménie, dans les temps qui nous occupent. L'un des plus anciens documents, qui nous soient parvenus sur ce sujet, est un passage d'une lettre d'une lettre que S. Nersès de Lampron écrivit au roi Léón II, pour se défendre des accusations que le clergé de la Haute-Arménie avait formulées contre lui, et dans lequel l'évêque de Tarse, qui appartenait au parti de la réforme, mentionne quelques uns des titres portés en Cilicie par les officiers du royaume'. S. Nersès de Lampron établit un rapprochement entre les noms des anciennes dignités arméniennes et les appellations empruntées aux Franks. Le passage de sa lettre, qui est écrite en arménien, aide à expliquer certains noms, dont nous ne connaissons que des transcriptions latines, et en cela il est pour nous d'une importance capitale. Voici à quel propos S. Nersès écrivit sa justification: les évêques de la Haute-Arménie fidèles aux traditions de leur église, voyaient avec regret l'évêque de Tarse introduire des réformes dans le diocèse qui lui était confié, et chercher à latiniser l'église d'Arménie par ses écrits et ses discours. S.' Nersès répondit à ces accusations en observant au roi que ce qu'il faisait pour son diocèse, Léon II l'avait fait pour son royaume; qu'il avait pris au rite et au clergé latins ce qu'il lui avait semblé utile d'introduire dans l'église d'Arménie, et qu'en cela sa conduite n'avait rien de blâmable. C'est alors qu'il fit cette remarque pleine de sens, et qui le justifiait complétement: «Employez, dit-il dans sa lettre, comme titres d'hon» neur, les noms d'Amir (U), de Hédjoub (2), de Marzban (Upquz), de Sbasalar (U) et autres semblables, et ne vous servez plus des titres de Sir (UT), de Proximos (unpubl), de Connétable (9 ♥ ............), de Maréchal (UQ), de Chevalier (2), de Ledj » (14), comme c'est l'usage des Latins. Changez le costume et les appella» tions des Franks, pour les coutumes des Perses et des Arméniens à l'imita» tion de vos pères; et rétablissez dans votre cour l'étiquette des anciens » temps». Sempad le Connétable et son continuateur, mentionnent aussi à plusieurs reprises des noms de dignités franques en usage en Arménie, et même, on trouve à la fin de leur Chronique, des listes chronologiques des dignitaires, qui

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4 Lettres de Grégoire Deghà et de S.* Nersès de Lampron; (Venise, 1838), pg. 234 et 235.

2 Sur ce titre, voir S. Martin, Mémoires

sur l'Arménie, T. I, pg. 298, note.

3 Ce mot est sans doute la transcription du terme féodal lige, homme lige.

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