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plus des rois d'Arménie de donations importantes; cependant, il conservèrent encore longtemps les domaines qu'ils devaient aux largesses du roi Léon; et ce ne fut guère qu'à partir des grandes invasions qui devaient avoir pour résultat l'anéantissement du royaume d'Arménie, que les Hospitaliers, n'ayant plus de possessions à défendre dans la Petite-Arménie, abandonnèrent la Cilicie. Toutefois, sous le règne de Léon V, le pape Jean XXII, qui s'intéressait à la conservation du trône d'Arménie, avait écrit au grand maître, en 1332, pour lui offrir de la part du roi d'Arménie, les deux châteaux de Siguinum et d'Antiochette, situés aux confins des états d'Arménie à l'ouest, à la seule condition que l'ordre, qui disposait alors de flottes et de soldats, se chargerait de les défendre contre les infidèles. Il paraît qu'à cette époque, les Hospitaliers avaient déjà renoncé à leurs possessions de la Cilicie, car ils ne firent point de réponse favorable.

Les relations des Hospitaliers n'étaient cependant pas interrompues avec les rois d'Arménie, car l'histoire nous dit que sous le règne de Constantin IV de Lusignan, le grand maître Déodat de Gozon, envoya de Rhodes en Cilicie, une flotte et des chevaliers, pour aider ce prince à lutter contre ses voisins, les Musulmans de Syrie. Quoi qu'il en soit, il est présumable que les chevaliers n'avaient plus d'intérêts matériels à surveiller en Cilicie, dès le règne de Léon V, époque à laquelle l'ordre quitta l'île de Chypre pour venir s'établir à Rhodes. Les noms des châtelains de Sélefké et des commandeurs ou précepteurs de l'ordre en Cilicie, ne nous sont pas tous parvenus, et nous ne pouvons donner ici que la succession des trois premiers personnages, qui furent investis de cette charge; ce sont Emery ou Hymericus et Féraldus de Barras, sous Léon II, dont les noms figurent dans les chartes; enfin Bertrand ($p4p ftp_ Hu), pendant la régence du baïle Constantin, et qui est nommé dans la Chronique du connétable Sempad.

B.- Possessions des Templiers.

Dès le milieu du XII siècle, l'ordre des chevaliers du Temple possédait des biens et des forteresses en Cilicie. Déjà sous le gouvernement de Thoros II, ils avaient été les alliés de ce prince et de son frère Stéphané (Étienne), lorsque les Arméniens demandèrent à l'ordre de les aider à repousser les Seldjoukides d'Iconium, qui, après avoir fait une irruption en Cilicie, étaient arrivés jusqu'à la Portella. Le continuateur de la chronique de Matthieu d'É

4 Une lettre de Jean XXII, citée par Rainaldi, (T. V, pg. 148, ad ann. 1320, S. 47), parle d'une donation faite par le roi Ochin aux Hospitaliers.

2 Paoli, T. II, pg. 81, 82, n.o 64.

3 Grégoire Eretz,, Chronique, ch. 165, à la suite de Matthieu d'Édesse.

desse, Grégoire Éretz, cite souvent dans plusieurs de ses chapitres, les frères (du Temple) dont l'appui fut si utile aux chrétiens d'Orient, à l'époque des Guerres Saintes.

Les documents relatifs aux premiers établissements des Templiers en Cilicie nous manquent entièrement; aussi allons-nous arriver tout de suite à l'époque où ils se trouvèrent aux prises avec Léon II, au sujet de la succession de la principauté d'Antioche..

Dans ce temps-là, les Templiers, d'accord avec le comte de Tripoli, déclarèrent la guerre au roi d'Arménie. Léon II informa le pape de cette affaire dès l'année 11991. Pour se venger des Templiers, le roi d'Arménie s'empara du château de Gastim ou Gaston qui leur appartenait, depuis la conquête de la Terre-Sainte et qu'ils possédaient, sans contestation, puisqu'ils l'avaient enlevé aux Sarrazins. Il semble résulter cependant, de la lecture d'une lettre d'Innocent III, datée de 11992, que ce château avait été repris ensuite par les Sarrazins, et que Mleh, prince d'Arménie et oncle de Léon II, l'avait enlevé de nouveau à ces derniers. C'est sur ce fait, que Léon basait son droit de possession, disant toutefois, qu'il s'en rapporterait à la justice du pape pour mettre fin à ce différend. Innocent III, ayant accepté d'être médiateur entre l'ordre et le prince d'Arménie, engagea Léon II à rendre Gastim aux Templiers, et à ne pas les inquiéter touchant leurs autres possessions de Cilicie. Loin de goûter l'avis d'Innocent III, Léon ouvrit de nouvelles négociations et dans une lettre datée du 1" octobre 1205, il semble mettre tous les droits de son côté, et déclare qu'il ne demande pas mieux que de s'incliner devant la volonté du pape; mais il annonce que les Templiers, auxquels il a proposé des secours pour les aider à reprendre sur les infidèles le château de Trapesack qui leur appartenait, ne veulent pas l'appuyer dans la guerre que les Sarrazins viennent de lui déclarer, et le laissent lui et son royaume, exposés aux coups des infidèles « luporum morsibus ».

Le pape voyant ces complications, et ne pouvant parvenir à mettre les deux parties d'accord, envoya sur les lieux ses légats pour examiner l'affaire, ainsi qu'il l'avait annoncé au roi dans une de ses lettres. Les légats donnèrent tort à Léon. Le roi d'Arménie écrivit de nouveau à Innocent et lui fit connaître, par un rapport détaillé, ses démêlés avec le comte de Tripoli et les Templiers, protestant de son obéissance au Saint-Siége, tout en se plaignant des légats", et en demandant au pape d'en envoyer d'autres, pour régler définitivement les affaires d'Orient, touchant lesquelles la bonne foi du pape avait

4 Lettres d'Innocent III, liv. II, lettre 252.
2 Lettres d'Innocent III, liv. II, lett. 259.
3 Lettres d'Innocent IH, liv. V, lett. 42.

4 Lettres d'Innocent III, liv. II, lett. 259. 5 Rainaldi, T. I, ad ann. 1205, §. 30.

été surprise. L'affaire, pendant quelques mois, semblait en être restée là; et Léon, qui avait promis à Innocent de rendre Gastim aux Templiers', conservait encore ce château, quand le pape écrivit de nouveau au roi pour l'engager à mettre fin à toutes ces querelles, en rendant Gastim à l'ordre, et en faisant la paix avec le comte de Tripoli. A cette occasion, Innocent donna de nouvelles instructions à ses légats, et chargea l'évêque de Crémone d'imposer sa médiation entre les deux parties en 1206. Léon, s'étant refusé à tout accommodement, fatigua le pape, qui en 1207, lança contre lui les foudres de l'excommunication. Dans les lettres que le pape écrivit aux princes et aux prélats de l'Orient, pour les informer de ce fait, Innocent rappelait, avec indignation, que le roi d'Arménie, loin de solliciter la levée de l'interdiction qui pesait sur lui et sur son royaume, avait encore aggravé sa faute, en s'emparant des biens que les Templiers possédaient en Cilicie, comme par exemple, le port de Bonelle, et autres lieux, et en faisant blesser et même tuer par ses sujets, plusieurs chevaliers de la milice, dans un défilé où ceux-ci paspar saient pour se rendre dans l'un de leurs châteaux. La guerre était dès lors engagée entre le Saint-Siége et les Templiers, contre le roi d'Arménie. Léon exaspéré, se livra dès ce moment à toutes sortes d'excès sur les terres des Templiers, et n'écoutant que son ressentiment, il commettait tous les jours des actes de violence contre l'ordre, qui était la cause de sa rupture avec la cour de Rome. Les choses en arrivèrent même à un tel point, que le pape écrivit à Léon, pour l'engager à rentrer en lui-même, lui reprochant énergiquement les fautes qu'il avait commises et lui refusant en termes très-sévères la bénédiction apostolique. Il paraît que cette fois, cette lettre fit son effet, car en 1214, le pape écrivit au patriarche de Jérusalem de relever Léon II de l'excommunication qu'il avait prononcée contre lui, sept ans auparavant. On ignore ce qui arriva alors; cependant, il semble que la querelle avec les Templiers n'eut pas de suites, et que ceux-ci rentrèrent en jouissance de leurs possessions et s'établirent de nouveau dans le royaume. Néanmoins, et malgré cette apparente réconciliation, une guerre sourde succéda bientôt à cet état de choses, et les Arméniens et les Templiers rivalisèrent d'intrigues et de ruses pour se nuire mutuellement. L'histoire nous apprend en effet, que sous le règne de Léon III, le grand maître du Temple, dans un rapport qu'il fit à la cour de Rome, sur une expédition en Terre-Sainte et les moyens de reconquérir Jérusalem®, représente les Arméniens comme de mauvais auxiliaires,

4 Rainaldi, T. I, ad ann. 1205, §. 36.
2 Lettres d'Innocent III, liv. XII, lett. 45.
3 Lettres d'Innocent III, liv. XIII, lett. 123.
4 Lettres d'Innocent III, liv. XVI, lett. 2.

5 Reinaud, Extr. des hist. arabes des Croisades, pg. 385 et suiv.

6 Archives de l'Empire français, à Paris ; J. 456; 36, 1.

des guerriers sans valeur et ennemis des Franks. Il fait, en outre, une description du royaume des Roupéniens, qu'il présente comme étant sans cesse en butte aux incursions des Sarrazins, quoique défendu par des hautes montagnes et d'infranchissables défilés.

Mais cette guerre sourde que l'ordre faisait à l'Arménie, ne l'empêchait pas cependant d'avoir une grande influence sur les affaires du pays; et nous apprenons, par le témoignage des historiens arabes, juges indifférents dans la question, que sous le roi Héthoum I", en 1265, le sultan Bibars ayant ravagé la Petite-Arménie, brûla la ville de Sis et plusieurs châteaux appartenant aux Templiers, alors très-puissants en Arménie'. Nous savons, en outre, que le commandeur des Templiers de Cilicie, sous Léon III, prenait part au conseil du roi, et qu'il fut chargé par ce prince de signer en son nom, un traité de paix avec le sultan d'Égypte.

Quoique les Templiers aient eu en Cilicie des possessions nombreuses, l'histoire et les documents ne nous fournissent que très-peu de renseignements à cet égard. Tout ce que nous connaissons de leurs biens, situés dans le royaume d'Arménie, se résume d'abord, au château de Gastim, sur lequel Willebrand nous a laissé quelques détails: «Hoc est castrum quodam fortissimum, tres habens muros circa se fortissimos et turritos, situm in extremis montibus Hormenie; illius terre introitus et semitas diligenter observans; et possidetur a rege illius terre, scilicet a rege Hormenie, in cujus possessione Templarii conqueruntur se spoliari; ipse vero directe et de vicino prospicit Antiochiam, et distat quatuor millia ». Ensuite vient le château de Darbesack ou Trapesack dont parlent Makrisy, les lettres d'Innocent III et Sanuto '; enfin le portus Bonelli et alii Armenie loci». On conçoit que cette nomenclature est loin d'être complète, car nous savons que les domaines de l'ordre du Temple, en Cilicie, étaient considérables, puisque Léon II dans une des lettrés qu'il adresse au pape Innocent IHI, nous apprend qu'en 1202, les chevaliers possédaient pour vingt mille byzants de domaines dans ses états".

Les Templiers de la Cilicie étaient placés sous l'autorité d'un commandeur, auquel Makrisy applique le titre de Komendour-el-Djouïet, qualification que les Arabes donnaient au commandeur des Templiers et dont le sens a été expliqué dans une lettre qui a été publiée dans les Mélanges Asiatiques de l'Académie de S.-Pétersbourg ®.

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Après le règne de Léon III, on n'entend plus parler des Templiers de Cilicie. On ignore s'ils avaient abandonné leurs possessions, lors des révolutions qui signalèrent les règnes de Héthoum II et de ses successeurs, ou bien s'ils avaient encore des châteaux dans ce royaume, à la fin du XIII° siècle, lors de la suppression de l'ordre. Je ne sache pas que, dans la donation qui fut faite des biens du Temple aux Hospitaliers, ceux-ci aient hérité des possessions que les Templiers pouvaient avoir en Cilicie. Dans le cas où ces derniers auraient encore eu des châteaux et des domaines sur le sol arménien, il est probable que les Hospitaliers entrèrent en possession de ces immeubles, puisque nous savons d'une manière certaine, que les biens des Templiers de Chypre furent ajoutés aux immenses domaines que les chevaliers de Rhodes avaient dans tous les états de la chrétienté'.

C. Possessions des Teutons.

L'ordre Teutonique doit son origine à la Croisade de l'empereur Frédéric Barberousse. Les chroniques rapportent à ce sujet, qu'un grand nombre de seigneurs allemands suivirent le chef croisé dans son expédition, soit pour accomplir un saint pèlerinage au tombeau du Christ, soit pour acquérir de la gloire. Après la mort de Frédériè qui, on le sait, se noya en prenant un bain dans le fleuve de Séleucie, le patriarche de Jérusalem se proposa de fonder un ordre de chevalerie, afin de perpétuer le souvenir des services que la noblesse allemande avait rendus à la chrétienté en Palestine. L'ordre fut approuvé, en 1190, par l'empereur et par le pape, qui en confirma les statuts dans une bulle du 22 février 1191.

L'ordre Teutonique, après sa fondation, reçut, comme les Hospitaliers et les Templiers, des priviléges et des biens qui lui étaient octroyés par tous les princes chrétiens. Il n'est donc pas étonnant de voir le prince d'Arménie, qui s'était mis, un des premiers, en rapport avec la noblesse d'Allemagne, lors de l'arrivée de Frédéric Barberousse dans ses états, accueillir avec une faveur toute particulière, les chevaliers de l'ordre Teutonique, qui avaient été les compagnons de l'empereur d'Allemagne, et l'avaient suivi à la Croisade. On sait même que le grand maître de l'ordre fixa, pendant quelque temps, sa résidence en Arménie; car en 1241, Willebrand qui visitait la Cilicie, alors gouvernée par Léon II, en décrivant le cortége du roi, le jour de la fête de l'Épiphanie, nous dit formellement que le grand maître des Teutons, marchait à côté du prince: «Dominus rex alto equo incidebat, et magistrum domus » Alemanorum..... cum sociis, viris religiosis...... suo lateri adjungebat ».

1 Chronique d'Amadi, dans l'Hist. de Chypre de M. de Mas-Latrie. T. II, (docum.).

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