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LA

NOUVELLE COSMOGONIE

PAR

M. DE KIRWAN

MEMBRE CORRESPONDANT

Séance du 17 juillet 1885.

D

EPUIS que le génie des Copernic et des Galilée, battant en brèche les vieilles théories cosmogoniques du péripatétisme, a révélé au monde la véritable disposition de notre système planétosolaire, bien des hypothèses ont été proposées pour en expliquer le mode de fonctionnement ainsi que l'origine et la formation.

Descartes pensait qu'une matière infiniment subtile remplit tout l'espace ou plutôt se confond avec lui et se maintient dans un état de perpétuel mouvement, entrainant dans ses tourbillonnements les astres qui peuplent

les cieux. Notre soleil, dans sa rotation de vingt-cinq jours et demi, Mercure, Vénus, la Terre avec son satellite, Mars avec ses deux lunes, Jupiter et Saturne avec leurs brillants cortèges, seraient, dans leurs mouvements giratoires et de translation, sous l'influence de ces tourbillons de la matière éthérée, substance même de l'espace. Mais peu de temps après Descartes, surgit Newton qui découvrit la belle loi de la gravitation universelle. On sait que, en vertu de cette loi, tous les corps pondérables, depuis les masses sidérales les plus énormes jusqu'aux dernières molécules des corps à la portée de notre main, tendent les uns vers les autres proportionnellement à leurs masses et en raison inverse des carrés de leurs distances mutuelles. Cette loi grandiose, combinée avec celles, plus restreintes, auxquelles Képler a donné son nom, suffit à fournir l'explication de tous les mouvements visibles des corps célestes les tourbillons de Descartes furent donc abandonnés, surtout quand le grand astronome anglais eut fait remarquer que les comètes, avec leurs queues, traversaient ces prétendus tourbillons sans s'y laisser dévier.

Mais si la gravitation universelle explique les mouvements sidéraux observables, elle est muette sur leur origine et leur mode de formation. Elle ne nous dit pas pourquoi le Soleil et les étoiles brillent de leur propre lumière et sont des foyers d'incandescence.

Buffon supposa que les diverses planètes et leurs satellites provenaient d'éclaboussures, si l'on peut ainsi s'exprimer, solidifiées par le froid intersidéral et lancées par l'astre central, sous l'action du choc d'une comète tombée de biais sur lui. Cette théorie soulevait tout d'abord de graves objections, mais elle s'effondra sans relèvement

possible devant les calculs de la mécanique. Laplace démontra que si les planètes avaient une telle origine, leurs orbites, au lieu de former des courbes d'une excentricité très faible ou presque nulle, formeraient, au contraire, des ellipses plus ou moins allongées, à la manière des comètes, et reviendraient à chaque périhélie raser la surface de l'astre générateur 1.

Newton qui, sous l'empire de la magnifique découverte due à son génie, avait rejeté d'une manière absolue, trop absolue, nous le verrons plus loin, les tourbillons de Descartes, n'admettait pas que la formation du Soleil et des planètes pût être attribuée aux lois de la mécanique et il ne l'expliquait que par l'intervention immédiate du Créateur. Kant était d'un avis différent. Dans un ouvrage sur la démonstration de l'existence de Dieu, le philosophe de Koenigsberg expose comment des causes essentiellement mécaniques pourraient conduire à la formation d'un système planétaire tel que le nôtre. Il suppose la totalité de l'espace vide dans lequel se meuvent les planètes, rempli, avant la formation de celles-ci et du Soleil, par une matière diffuse répartie d'une manière sensiblement égale; il conçoit que, sous l'empire d'une impulsion commune et de l'action de la gravitation, cette matière diffuse se soit peu à peu condensée en des centres différents, donnant ainsi naissance au Soleil et à son cortège de planètes et de satellites.

Kant se rapprochait de la vérité sans se douter, d'ail

1 Cf. Laplace, Exposition du système du Monde, 3me édition, 1808,

t. II, pages 384 et suivantes.

2 Der einzig mögliche Beweisgrund zu einer Demonstration des Daseyns Gottes, 1763.

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