Imágenes de páginas
PDF
EPUB

temps et se posa parfois en savante, mais dans l'aridité de ses livres se rencontrent toujours d'ingénieuses comparaisons et sur leur didactisme ennuyeux s'étalent des formes agréables.

SES LIVRES Preuves de SA MALADIE. - C'est pourtant dans ces livres que nous avons trouvé et puisé les preuves d'hystérie dont ils fourmillent et nous font regarder Thérèse comme atteinte de mal hystérique. Bien que dans ses narrations, elle ne nous donne pas toujours la description complète des symptômes qu'un aliéniste aurait pu saisir, bien qu'elle néglige souvent de nous en décrire quelques-uns pour laisser la place aux faits d'ordre psychique, notre diagnostic sera suffisamment éclairé par ses récits; de plus, en lisant entre les lignes, chose facile avec elle, nous pourrons trouver le supplément d'informations que nous cherchons.

SES SENTIMENTS. Comme femme, elle eut de grandes passions son cœur aimant alla de bonne heure vers les hommes et elle y revenait sans cesse, lorsque ses vœux monastiques finirent par tourner son amour tendre et ardent vers Jésus qu'elle adora et dont elle prit désormais le nom « Thérèse de Jésus » sous prétexte qu'elle était son épouse spirituelle; elle continua pourtant à conserver des pensées affectueuses pour toutes les créatures humaines, plaignant les pécheurs et parfois même le diable après l'avoir maudit; elle eut à l'égard de ce dernier un mot touchant : « Le malheureux ne sait pas aimer! »

LA VIEILLESSE. Puis la vieillesse vient, amenant l'apaisement de la maladie; dans le prologue du Château intérieur, une de ses œuvres, Thérèse décrit ainsi son état physique et moral tel qu'il était le jour de la Trinité de l'année 1577, dans le monastère de Tolède dont elle était la supérieure: elle avait alors cinquante-deux ans; elle éprouvait, dit-elle, une grande difficulté d'écrire, et il lui semblait que le Seigneur ne lui donnerait ni l'esprit ni la volonté pour

mener à bien cet ouvrage. Si pourtant le livre était profitable à quelques âmes il fallait en rapporter la gloire à Dieu seul; comme les oiseaux, à qui on apprend à parler et qui ne savent que ce qu'on leur enseigne ou ce qu'ils entendent, ainsi sainte Thérèse répète ce que le Seigneur veut bien lui dicter. Comme santé physique, elle éprouvait un tel bruit dans la tête et une telle faiblesse dans le corps qu'à peine pouvait-elle écrire pour des affaires pressées; elle luttait péniblement contre des maladies incessantes, et elle était sans force pour vaquer à ses occupations variées. Ne croirait-on pas entendre ces nerveuses qui semblent accablées et prêtes à mourir, et qui se réveillent sans cesse pour accomplir de dures besognes que leur état languissant ne semble pas devoir permettre? il suffit qu'une nécessité matérielle, qu'un plaisir désiré leur donne le coup de fouet de l'émotion pour que leurs muscle deviennent d'acier et accomplissent des choses surprenantes; on trouvera souvent chez les hystériques ces états de langueur et de fausse faiblesse accompagnés de douleurs aussi nombreuses qu'il y a de rameaux de nerfs dans le corps humain; toujours prêts à mourir, ils vivent de longues années.

C'est ainsi que se passera la fin de la vie de sainte Thérèse, mêlant sa faiblesse à son activité, sa santé vraie à ses maladies imaginaires, entreprenant la réforme de nombreux couvents, et menant à bien toutes choses; croyant défaillir à chaque instant en étant toujours debout. Sainte Thérèse, à la fin de sa vie, vint habiter un couvent qu'elle avait fondé, celui d'Alba de Tormès, près Salamanque. Peut-être avait-elle choisi cette dernière résidence pour vivre auprès du terrible duc d'Albe, don Fernando de Toledo, qui, pendant les huit années de sa disgrâce, avait dû se retirer dans son palais ducal, dont les hautes tours crénelées dominent encore le couvent. C'est là que sainte Thérèse mourut en 1582 à l'âge de 67 ans ; c'est là que se trouve son tombeau élevé au siècle dernier et peu remarquable au point de vue de l'art.

L'HYSTÉRIE. Nous connaissons maintenant le sujet, c'est-à-dire l'état physique et moral de Thérèse; voyons ce que l'hystérie va produire dans ce corps débile et dans cette intelligence supérieure.

CAUSES DE LA MALADIE. Je lis quelque part, dans sa vie, que Thérèse fut atteinte dans sa jeunesse d'une fièvre double quarte dont elle put difficilement se débarrasser; les accès très violents étaient précédés de frissons et accompagnés de grandes douleurs généralisées; c'est à ces fièvres qu'elle attribuait ses défaillances; il est possible que cette fièvre soit la cause intoxicante de la maladie dans ce corps débilité au dernier point. En effet, dès son enfance, son goût exagéré pour le jeûne et les macérations, plus tard les mauvaises conditions hygiéniques du couvent, enfin l'hérédité maternelle dont nous avons déjà parlé au début, avaient produit chez elle une faiblesse de constitution qui devait être grande, lorsqu'éclata la crise première, début de la maladie.

[ocr errors]

DE LA PÉRIODE AIGUE.. L'hystérie, avant de devenir chronique, est le plus souvent précédée d'une période dite aiguë, qu'on pourrait plus exactement désigner sous le nom de période du lit, car, pour des raisons variées, les unes vraies, les autres fausses, les sujets alors prétendent être incapables soit de marcher, soit même de se tenir debout; ils subissent dans cette position couchée divers symptômes d'hystérie, mais surtout des attaques convulsives et des paralysies diverses; cela dure plus ou moins longtemps, parfois des semaines, parfois des mois, parfois des années; l'amaigrissement devient tel qu'ils n'ont plus que la peau sur les os. Or malgré tout, il faut qu'on le sache bien, un tel malade peut toujours être guéri en quelques jours, en quel ques heures, en quelques minutes.

FORMATION DES MIRACLES HYSTÉRIQUES. Il est très important d'en parler, car c'est cet état dont il s'agit dans la plupart des grands miracles de Lourdes, de Parayle-Monial et de la Salette: A certains moments, le mal

paraît si grand, la mort paraît si imminente que si la cure dite miraculeuse a lieu, elle fait grand bruit et emporte la conviction des témoins, même de ceux qui n'ayant pas la foi commencent à croire. Des médecins alors donnent, avec la plus entière bonne foi d'une part, mais aussi avec la plus grande légèreté, de l'autre, des certificats et des attestations, qu'il n'eussent pas signés, s'ils eussent été plus instruits des choses de l'hystérie.

Le plus souvent la maladie est moins grave: ce ne sont alors que des symptômes simples, comme par exemple, une anorexie, une contracture, ou bien une paralysie qui sont présentés à la Vierge miraculeuse par le pèlerin hystérique réclamant un miracle. Mais dans tous les cas graves ou non, c'est toujours la même cause, l'hystérie, et c'est toujours le même mécanisme, la suggestion religieuse, qui sont en jeu ; c'est toujours la névrose guérie par une émotion forte. Lorsque cette émotion est religieuse, la guérison s'appelle miracle.

[ocr errors]

PÉRIODE AIGUE DE SAINTE THÉRÈSE. Thérèse eut cette période de maladie elle garda le lit durant trois années. L'affection, qui avait été précédée soit à la maison paternelle, soit au couvent, de fréquentes défaillances ou syncopes, se montre sous forme de :

1° Boule hystérique Thérèse nous dit, à ce sujet, que quelque chose lui montait des parties basses jusqu'au cou, produisant l'étranglement malgré qu'elle essayât, avec ses doigts crispés, de l'arracher; qu'elle ne pouvait pas alors avaler une goutte d'eau, ni même respirer.

2o L'angine de poitrine, se traduisant par une douleur atroce, angoissante, située dans la région précordiale : «< Mon mal de cœur était si cruel, nous dit-elle, qu'il semblait qu'on me déchirât avec des dents aiguës; on me croyait attaquée de rage. »>

3o L'anorexie hystérique, pendant laquelle les malades, généralement des jeunes filles, arrivent à un état de maigreur extraordinaire et ne sont plus que des squelettes

vivants : « Comme je ne pouvais rien prendre de solide à cause de mon extrême dégoût pour toute sorte de nourriture, j'avais si peu de force et mon corps était dans un état tel que mes nerfs commencèrent à se retirer avec des douleurs insupportables qui me tenaient depuis les pieds jusqu'à la tête, et bientôt je fus en état de mort ».

4o Des contractures dont elle vient de nous parler; elle nous dira ailleurs : « Tous mes nerfs s'étant retirés, mon corps était comme un peloton, je ne pouvais en remuer aucune partie non plus que si j'étais morte ».

5o Des paralysies hystériques: A un moment, Thérèse a tout le corps paralysé : « Il n'y avait qu'un seul doigt de la main droite que je puisse faire agir. Je ne pouvais m'aider à rien qu'avec le secours des autres, encore on ne savait pas où me prendre ».

6o Des anesthésies et des hyperesthésies. Des anesthésies, elle en avait certainement, mais elle ne pouvait s'en rendre compte elle-même; des hyperesthésies, au contraire, elle en parlera fort souvent : « Mon corps était si douloureux que je ne me laissais qu'avec peine toucher; j'éprouvais des douleurs excessives qui me tenaient des pieds jusqu'à la tête ».

7° Les crises convulsives, durant lesquelles, nous dit-elle, elle se déchirait la langue parfois les attaques étaient si fortes qu'elles semblaient épileptiques.

8° Le sommeil hypnotique : Enfin sainte Thérèse eut aussi pendant cette période, un sommeil hypnotique de quelques jours dont nous parlerons longuement tout à l'heure.

Tels sont les principaux symptômes d'hystérie dont Thérèse fut le jouet pendant trois années consécutives et qui lui firent garder le lit pendant cette longue période de temps.

Un jour pourtant, pendant cette période de lit, Thérèse se trouva guérie subitement durant quelques heures: elle avait été transportée à Bécèdes, une campagne de son père, pour changer de climat; mais le mal ne faisait qu'empirer; Thérèse avait un grand désir de quitter Bécèdes où elle

« AnteriorContinuar »