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affaires séculières, ce sera l'avoué qui l'y rempla

cera.

Les sources de la période carolingienne sont abondantes (1); elles fournissent des renseignements précieux sur l'avouerie, en général, et spécialement sur l'avouerie considérée comme représentation juridique, - sa principale manifestation. Dès le dernier quart du VIIIe siècle se rencontrent des dispositions précises concernant les avoués d'immunités et les avoués d'évêques (2).

A partir de ce moment, les prêtres reçoivent l'ordre de se munir d'avoués (3); le chapitre troisième du capitulaire général des missi du début de l'année 802 (4), enjoint aux évêques, abbés et abbesses de se pourvoir d'avoués et recommande qu'ils soient

(1) M. SENN, op. cit. (p. 11-84), traite longuement de l'avouerie carolingienne; il a donné (p. 11 et 12) le relevé chronologique des différents capitulaires se rapportant aux avoueries ecclésiastiques. Nous n'insisterons pas sur cette phase de développement de l'institution; nous n'étudierons que certains points de cette question, nous bornant à synthétiser la plupart des résultats acquis à l'heure actuelle avant d'aborder le chapitre suivant. Je signale comme très intéressant le travail consacré par W. SICKEL à l'ouvrage précité de Senn; il a paru dans les Göttingischen gelehrten Anzeigen (1904, no 10, pp. 788-823).

(2) Capitulare Haristallense (Forma langobardica). [Édit. des Monumenta : Mars 779, p. 48; c. 9] : « Ut latrones de infra emunitate illos judices et advocati ad comitum placitum, quando eis annuntiaverint, praesentetur. ››

Capitulare Mantuarium, 781, p. 190, c. 3: « ... et hoc ipse comis aut ejus advocatus per sacramentum firmare possit... »

Pippini Italiae regis capitulare, [782-786], p. 192, c. 6: « ... ubicumque pontifex substantiam habuerit, advocatum abeat in ipsu comitatu, qui absque tarditate justitias faciat et suscipiet et talis sit ipse advocatus liber homo et bone opinionis, laicus ant clericus........ »

(3) Pippini capitulare, circa 790, p. 201, c. 3 : « De advocatis sacerdotum : volumus ut pro ecclesiastico honore et pro illorum reverentia advocatos

habeant >>.

(4) Capitula missorum generale, 802, p. 93, c. 13.

tels que «< eos canonica vel regularis institutio fieri jubet, voluntati Dei subditos et ad omnes justitia perficiendi semper paratos, legem pleniter observantes absque fraude maligno, justum semper judicium in omnibus exercentes (1) ». L'obligation qui pèse sur les évêques, abbés et prêtres de se faire représenter par avoué est rappelée dans un texte de 826 (2); il n'est pas sans intérêt assurément d'y faire remarquer la restriction apportée au pouvoir de l'avoué ecclésiastique en ce qui concerne le crimen publicum; pour le cas où ils avaient à répondre de faits de cette nature, les membres du clergé franc ne pouvaient donc se faire remplacer mais devaient comparaître en personne. Il est recommandé aussi que l'avoué ne soit pas de mauvaise réputation mais bien bonae opinionis (notoirement considéré comme honnête homme). Les capitulaires sont explicites à cet égard : l'honorabilité est requise dans le chef de l'avoué; en 806, les missi reçoivent ordre de destituer les avoués qui ne se montreraient pas dignes de leur charge (3); quelques années plus tard,

(1) Memoria olonnae comitibus data (822-823)-P. 319, c. 7: «<< Volumus ut episcopi, abbates et abbatissae eorum advocatos habeant, et pleniter justitias faciant ante comitem suum. » Ce texte énonce à peu près la même idée que celle du capitulaire des missi de 802.

(2) Eugenii concilium romanum; 12 novembre 826, p. 374, c. 19: « Ut episcopi universique sacerdotes advocatos habeant quia episcopi universi sacerdotes ad solam laudem Dei bonorumque operum actionem constituuntur, debet ergo unusquisque eorum tam pro ecclesiasticis quam propriis suis actionibus excepto publico videlicet crimine advocatum habere, non malae famae suspectum, sed bonae opinionis et laudabilis artis inventum. »> [Même texte dans MANSI, 14, P 999.1

(3) Capitulare missorum in theodonisvilla datum secundum generale (fin 805), p. 124, c. 12: « De avocatis: id est ut pravi advocati, vicedomini, vicarii et

nouvelle injonction de nommer de bons juges, de bons avoués, des avoués «< aimant la vérité, craignant Dieu et enclins à la mansuétude » (1).

Si les clercs ont le droit de se faire représenter judiciairement, les grands et les officiers du palais qu'une circonstance quelconque empêcherait d'ètre à la barre du tribunal, soit comme demandeurs, soit comme défendeurs, jouissent de ce même privilège de la procuration : leurs avoués défendront leurs intérêts « ante comitem » (2).

Lorsqu'une contestation vient à surgir entre ecclésiastiques appartenant à des églises différentes, et qu'il n'a pas été possible d'aboutir à une concilia

centenarii tollantur et tales eligantur quales et sciant et velint juste causas discernere et terminare. >> Reproduit dans Capitulaire d'Anségise, livre III,

P. 427, C. 11.

(1) Capitulare aquisgrane, 809, p. 147, c. 11: « Ut judices, advocati etc... quales meliores inveniri possunt et Deum timentes, constituantur ad sua ministeria exercenda. » Reproduit dans le Capitulare d'Anségise, livre III, c. 56, p. 431.

Capitulare missorum aquisgrane primum, 809, p. 151, C. 22 : « Ut advocati boni et veraces et mansuetus... eligantur. » Notons, en passant, que Charlemagne, inspirateur de ces dispositions judiciaires, comprenait déjà parfaitement que la justice qui n'est pas tempérée par la bonté du cœur forfait à sa mission. L'organisation de l'avouerie ecclésiastique, telle qu'il l'avait conçue, pouvait être considérée à son époque comme l'une des meilleures au point de vue des garanties qu'elle offrait à ceux qui étaient obligés d'y avoir recours. Ce ne fut qu'après lui que la débâcle politique et sociale entraina l'avouerie hors des bornes qui lui avaient été fixées avec sagesse et qu'elle se transforma en une exploitation systématique de droits acquis ou usurpés.

(2) Capitulare Pippini italicum (801-810), p. 210, c. 10 : Ut vassi et Austaldi nostri in nostris ministeriis sicut decet, honorem et plenam justitiam habeant et si presentes esse non possunt suos advocatos habeant qui eorum res ante comitem defendere possint, et, quicquid eis queritur justitiam faciant... >> (Les avoués dont s'agit remplissent le rôle, toutes proportions gardées de nos avoués et de nos avocats actuels réunis). La règle de ce capitulaire n'est pas seulement applicable à l'Italie, mais énonce bien un principe en usage dans toute l'étendue de l'Empire.

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pour

tion, les avoués des parties se présentent devant le comte in mallo publico en vue de régler le différend (1). Certains privilèges sont accordés déjà sous Charlemagne aux avoués, notamment en ce qui regarde le serment en justice, ainsi qu'il ressort du C. 23 du capitulaire des missi de 809 (2). Je suis d'avis qu'il convient de rapprocher la compréhension du texte ou mieux, du dernier membre de phrase que je cite en note - cette disposition de 809 du C. 14 du capitulaire d'Aix de 801-813 (3). En effet, le terme beneficium du premier texte paraît se rapporter à la terre que détenait l'avoué pour prix de ses services; cette terre faisant partie du domaine royal était insaisissable et ne pouvait, en conséquence, être enlevée au possesseur-avoué s'il refusait ou était incapable de jurer (4). L'avoué, en vertu de la même prescription impériale, doit posséder des

(1) Capitula legibus addenda (818-819), p. 283. c. 10 « Ubi vero ex utraque parte ecclesiasticum fuerit, rectores earundem ecclesiarum, si se familiariter pacificare velint, licentiam habeant; si autem de hujuscemodi pacificatione inter eos convenire non possit, advocati eorum in mallo publico ad praesentiam comitis veniant, et ibi legitimus terminus eorum contentionibus inponatur. » Reproduit dans anségise, livre IV, p. 439 440, C. 20. (2) Capitulare aquisgrane primum, 809, p. 151, c. 23 « Si vero advocatus sacramentum contra alium habuerit et jurare non potuerit, propter hoc beneficium suum non perdat. »

(3) Capitulare aquisgranense (801-813), p. 172, c. 14 : Ut episcopi et abbates advocatos habeant, et ipsi habeant in illo comitatu propriam hereditatem; et ut ipsi recti et boni sint et habeant voluntatem recte et juste causas perficere. »

(4) Ce n'est là qu'une simple hypothèse, le mot beneficium n'ayant au début du IXe siècle qu'un sens très peu précis. Comme le constate, du reste, très exactement SENN (op. cit., p. 40) « aucun capitulaire ne nous renseigne directement sur la nature, ni même sur l'existence de droits accordés à l'avoué. »

biens propres dans le comté où il est appelé à exercer son mandat de représentation. S'il en avait été autrement, n'eut-il pas été vassal du monastère (1), n'eut-il pas fait partie de la famille ecclésiastique? Dans ses relations avec le dehors de l'immunité, notamment avec le tribunal comtal, il n'aurait pas joui d'assez d'autorité; de plus, la capacité juridique de témoigner lui eut fait défaut (2). Enfin, l'avoué disposant d'une propria hereditas dans le comté acquérait une certaine indépendance vis à vis des prélats auxquels il se trouvait adjoint.

Les avoués, préposés à la surveillance des biens ecclésiastiques ou à leur défense en justice, ne peuvent être mis sur le même rang que les autres Francs vis à vis de toutes les charges publiques.

C'est pour ce motif - afin qu'ils pussent se consacrer tout entiers à leur mission — que certains textes les exemptent de l'obligation la plus lourde, le service militaire (3).

(1) C'est pour cette raison que je n'admettrais la thèse de VoN WICKEDE (op. cit., p. 28) rappelée par SENN (op. cit., p. 40), interprétant le beneficium de l'avoué comme une part des biens de l'Eglise, que si l'on considère cette part comme fraction du domaine royal juridiquement insaisissable. Dans le cas contraire, malgré ses biens propres, l'avoué ne laisserait pas d'être vassal de l'abbaye qu'il représente.

(2) Capitul. pro lege habenda (829)-p. 314, c. 6: «De liberis hominibus qui proprium non habent sed in terra dominica resident, ut propter res alterius ad testimonium non recipiantur. »

(3) Capitulare olonnense ecclesiasticum primum, mai 825, p. 326, c. 4: << Singulis episcopis, abbatibus, abbatissis duos concedimus advocatos, eosque quamdiu advocationem tenuerint, ab hoste relaxamus. »

Deux remarques supplémentaires à propos de ce texte :

1) Les évêques, abbés, abbesses pourront avoir deux avoués.

2) L'avouerie n'est pas nécessairement viagère; plus tard ce sera de

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