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tiques dans leurs derniers retranchements, secondé par ses hommes de lois. L'action des baillis a été profonde sur l'administration de nos principautés;. elle a préparé les matériaux dont se serviront les Bourguignons pour édifier un puissant Etat.

Si l'on ajoute à ces causes spéciales la décadence: du duel judiciaire comme mode de preuve, et l'attribution du commandement des milices soit au. châtelain, soit à un fonctionnaire particulier de l'église, on comprendra que l'avouerie ecclésiastique: proprement dite ou sous-avouerie, ne pouvait manquer de tomber en désuétude d'assez bonne heure.

Quant à la Flandre, où les châtelains furent investis d'une juridiction assez étendue dès le XIe siècle, un moyen supplémentaire d'arriver à la concentration des avoueries entre ses mains s'offrit au comte. Il lutta d'accord avec les communes: contre les excès et les prétentions de ces vicomtes dont beaucoup étaient avoués. Cherchant à faire argent de leurs droits, les châtelains préparèrent eux-mêmes leur propre disparition : le rachat des châtellenies par le comte y amena directement (1)..

(1) PIRENNE, H. B., I, p. 283 « Les cours domaniales deviennent de simples cours foncières et perdent la juridiction personnelle sur les habitants. Chaque paroisse acquiert son échevinage et à partir du milieu du XIIIe siècle les chartes territoriales régularisent la situation de ces petits tribunaux, les subordonnent à des échevinages supérieurs, donnent enfin aux campagnes la constitution judiciaire qu'elles conserveront sans changements appréciables: jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. »

CONCLUSIONS

Si nous essayons de nous placer au-dessus des divergences multiples dont l'examen des faits nous a révélé l'existence, si nous ne cherchons à envisager que l'évolution générale de cette curieuse institution. que fut l'avouerie ecclésiastique, nous nous rappellerons en avoir rencontré deux types principaux : l'avouerie carolingienne et l'avouerie nouvelle ou féodale. Cette distinction s'impose sous peine de commettre de graves erreurs quant à l'interprétation juridique des problèmes posés. C'est là un premier résultat auquel nous croyons être arrivé pour l'histoire des avoués ecclésiastiques belges (1).

L'avouerie ecclésiastique nous apparaît primitivement comme une institution complémentaire (2), adaptable à certaines collectivités ou à certaines catégories d'individualités juridiques auxquelles appartient la faculté de se faire représenter en justice. Lorsqu'elle pénètre dans le domaine du droit public, lorsqu'elle est organisée et rendue obligatoire sous

(1) Cet aboutissement de nos recherches nous semble d'autant plus significatif qu'il correspond dans ses grandes lignes à celui qu'a atteint M. Senn pour la France.

(2) Dans l'étude concernant les règlements d'avouerie que nous fimes paraître en 1904, nous considérions déjà l'avoué comme le complément juridique des communautés ecclésiastiques; il se transformera malgré cette assignation de rôle en véritable parasite à l'époque de la décadence de l'avouerie seigneuriale.

les carolingiens, lorsque les capitulaires lui donnent une forme caractéristique, nous parvenons à en déterminer le fonctionnement et la structure. La multiplication des concessions d'immunités est loin. d'être étrangère à ce mouvement de législation, et nous y voyons même l'un des facteurs essentiels des modifications ultérieures dont l'avouerie sera l'objet. Ce que veut le législateur carolingien c'est établir avant tout un intermédiaire entre le pouvoir royal et l'immunité ecclésiastique, canoniquement incapable de se mêler aux « negocia secularia ». Ce fonctionnaire mi-privé, mi-public, officier de l'immunité, n'a pas le caractère de défenseur armé de l'abbaye; c'est le comte, ainsi que nous l'avons vu, qui est appelé à assumer cette charge pour toutes les églises de sa circonscription. Mais dès le déclin du IXe siècle l'avouerie carolingienne subit le contrecoup de la désorganisation politique qui gangrène l'empire. Elle qui s'est développée pour ainsi dire parallèlement à la communauté personnelle et réelle dont elle est devenue le complément nécessaire, dont elle a achevé la personnalité juridique, nous la retrouvons incorporée à la féodalité elle participe à l'œuvre de dislocation politique qui prépare la réaction centralisatrice en Flandre d'abord, dans les principautés lotharingiennes ensuite, la première accomplie par le souverain capétien, la seconde par nos princes nationaux. Devenue élément patrimonial, source de profits héréditaires, elle se dénature. Celui qui en est le titulaire ne tarde pas à se considérer maître ou seigneur des personnes et des biens

qu'il doit défendre; cette conception est la conséquence du bouleversement social postcarolingien. Le pouvoir central ne peut empêcher au Xe siècle le relâchement des règles de l'avouerie qui vit aux dépens des domaines sur lesquels elle étend sa tutelle. Une singulière déviation affecte l'institution du type nouveau : c'est une source précieuse de multiples avantages pour ceux qui la veulent exploiter. Or, l'avoué féodal a comme mission essentielle, répondant à des nécessités urgentes, de défendre le monastère; son droit de juridiction est en général restreint et ne doit être envisagé que sous les espèces de survivances carolingiennes. Nous assistons donc au renversement de ce qu'était intrinsèquement l'avouerie anté-seigneuriale. L'avoué est avant tout un puissant seigneur, défenseur armé des abbayes et des églises, et nous n'avons pas à nous étonner de ce qu'il profitera de sa situation pour accabler de prestations onéreuses les territoires et les populations qu'ils eût dû protéger; la psychologie du seigneur féodal nous est assez connue pour que nous ne nous astreignons pas à rechercher, dans une autre voie, la cause de ce phénomène général.

L'un des traits les plus curieux de l'avouerie ecclésiastique en Lotharingie et en Flandre, comme en France d'ailleurs (1), dès le XIe siècle, c'est assurément la collation de cette dignité aux comtes. Or les avoués carolingiens, délégués de l'empereur

(1) Depuis le beau travail de M. Senn, il est permis d'affirmer qu'il en est bien ainsi dans presque toutes les abbayes françaises. (Cf. op. cit., p. 82, 84, 120).

auprès des abbayes, officiers de l'immunité, sont investis des pouvoirs qui sont enlevés aux comtes; une incompatibilité absolue existe, en vertu même des capitulaires, entre les fonctions de centenier du comte a fortiori de comte - et celles d'avoué; comment se fait-il donc que quelques siècles plus tard, nous constations partout dans les grands monastères lotharingiens et flamands, la présence de comtes-avoués, de ducs-avoués?

La question est complexe, difficile, épineuse; les textes sont muets à cet égard; ils constatent des situations données, mais ne les expliquent pas. Nous nous permettons donc d'émettre quelques hypothèses que nous ont suggérées nos travaux particuliers et sans prétendre résoudre complètement le problème, nous pensons cependant y apporter un peu d'éclaircissement, voire une solution vraisemblable. La contradiction entre les attributions du comte et celles de l'avoué est plus apparente que réelle à l'époque postcarolingienne. Nous avons longuement montré quelles avaient été les modifications intimes de l'avouerie issue de la tourmente où sombra l'empire; nous avons détaillé pratiquement quelles avaient été les limites restrictives apportées à la compétence des avoués nouveaux après les avoir situés dans leur véritable milieu; de plus, n'oublions jamais que le comte féodal ne ressemble pas au comte carolingien: celui-ci est un fonctionnaire, il représente le pouvoir central qui intervient dans sa nomination; celui-là est un seigneur territorial, qui exerce d'une façon quasi-indépendante les

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