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L'amour ne règle pas le sort d'une princesse :
La gloire d'obéir est tout ce qu'on nous laisse.
Cependant je partois ; et vous avez pu voir
Combien je relâchois pour vous de mon devoir.

ORESTE.

Ah! que vous saviez bien, cruelle... Mais, madame,
Chacun peut à son choix disposer de son ame.
La vôtre étoit à vous. J'espérois; mais enfin
Vous l'avez pu donner sans me faire un larcin.
Je vous accuse aussi bien moins que la fortune.
Et pourquoi vous lasser d'une plainte importune?
Tel est votre devoir, je l'avoue ; et le mien
Est de vous épargner un si triste-entretien.

SCÈNE III.

HERMIONE, CLÉONE.

HERMIONE.

Attendois-tu, Cléone, un courroux si modeste?
CLÉONE.

La douleur qui se tait n'en est que plus funeste.
Je le plains d'autant plus qu'auteur de son ennui,
Le coup qui l'a perdu n'est parti que de lui.
Comptez depuis quel temps votre hymen se prépare:
Il a parlé, madame, et Pyrrhus se déclare.

HERMIONE.

Tu crois que Pyrrhus craint? Et que craint-il encor?
Des peuples qui, dix ans, ont fui devant Hector;
Qui cent fois, effrayés de l'absence d'Achille,

Dans leurs vaisseaux brûlants ont cherché leur asile,
Et qu'on verroit encor, sans l'appui de son fils,
Redemander Hélène aux Troyens impunis?

Non, Cléone, il n'est point ennemi de lui-même:
Il veut tout ce qu'il fait; et, s'il m'épouse, il m'aime.
Mais qu'Oreste à son gré m'impute ses douleurs;
N'avons-nous d'entretien que celui de ses pleurs?
Pyrrhus revient à nous! Hé bien! chère Cléone,
Conçois-tu les transports de l'heureuse Hermione?
Sais-tu quel est Pyrrhus? T'es-tu fait raconter
Le nombre des exploits... mais qui les peut compter?
Intrépide, et par-tout suivi de la victoire,

Charmant, fidéle enfin: rien ne manque à sa gloire.
Songe...

CLÉONE.

Dissimulez votre rivale en pleurs

Vient à vos pieds, sans doute, apporter ses douleurs.

HERMIONE.

L. x! ne puis-je à ma joie abandonner mon ame! Sortons que lui dirois-je?

SCÈNE IV.

ANDROMAQUE, HERMIONE, CLÉONE, CÉPHISE.

ANDROMAQUE.

Où fuyez-vous, madame? N'est-ce pas à vos yeux un spectacle assez doux Que la veuve d'Hector pleurant à vos genoux? Je ne viens point ici, par de jalouses larmes, Vous envier un cœur qui se rend à vos charmes. Par une main cruelle, hélas! j'ai vu percer Le seul où mes regards prétendoient s'adresser : Ma flamme par Hector fut jadis allumée; Avec lui dans la tombe elle s'est enfermée. Mais il me reste un fils. Vous saurez quelque jour, Madame, pour un fils jusqu'où va notre amour; Mais vous ne saurez pas, du moins je le souhaite, En quel trouble mortel son intérêt nous jette, Lorsque de tant de biens qui pouvoient nous flatter, C'est le seul qui nous reste, et qu'on veut nous l'ôter. Hélas! lorsque, lassés de dix ans de misère, Les Troyens en courroux menaçoient votre mère, J'ai su de mon Hector lui procurer l'appui : Vous pouvez sur Pyrrhus ce que j'ai pu sur lui. Que craint-on d'un enfant qui survit à sa perte?

Laissez-moi le cacher en quelque île déserte;
Sur les soins de sa mère on peut s'en assurer,
Et mon fils avec moi n'apprendra qu'à pleurer.

HERMIONE.

Je conçois vos douleurs; mais un devoir austère,
Quand mon père a parlé, m'ordonne de me taire.
C'est lui qui de Pyrrhus fait agir le courroux.
S'il faut fléchir Pyrrhus, qui le peut mieux que vous?
Vos yeux assez long-temps ont régné sur son ame.
Faites-le prononcer: j'y souscrirai, madame.

SCÈNE V.

ANDROMAQUE, CÉPHISE.

ANDROMAQUE.

Quel mépris la cruelle attache à ses refus!
CÉPHISE.

Je croirois ses conseils, et je verrois Pyrrhus.
Un regard confondroit Hermione et la Grèce...
Mais lui-même il vous cherche.

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ANDROMAQUE, à Céphise.

Tu vois le pouvoir de mes yeux!

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Non, non, j'ai beau pleurer, sa mort est résoluc.

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