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INTRODUCTION

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N6B4

Pendant la durée de l'occupation anglaise, de 1421 à 1449, les assemblées d'états se succédèrent en Normandie avec une rapidité dont jusqu'alors il n'y avait point eu d'exemple. A première vue, ce simulacre de représentation nationale pourrait faire croire à un heureux progrès de la liberté politique; mais un examen plus approfondi conduit à un autre sentiment, et nous dispense de toute reconnaissance envers le gouvernement anglais. Si les états furent souvent convoqués, ce fut uniquement parce que ses finances ne furent jamais en proportion avec ses besoins (1). Même au début de la guerre, l'Angleterre ne contribua qu'à regret aux charges de la conquête (2) à plus forte raison en dût-il être de même lorsque de rudes échecs, une résistance de plus en plus énergique eurent affaibli le prestige des premières victoires, que les factions commencèrent à se former et à détourner l'attention des affaires étrangères. Il fallait craindre, malgré l'éclat de la journée d'Azincourt, que la guerre ne finît par sembler au peuple anglais plus onéreuse que profitable. Il était naturel, dans de telles circonstances, de s'adresser de préférence à ceux qu'on tenait sous le joug, aux habitants du duché de Normandie et pays de conquête. Il est vrai, le gouvernement eût pu imposer les subsides au lieu de se les faire octroyer; mais à quoi bon violer la pro

(4) M. Chéruel, dans son Histoire de Rouen sous la domination anglaise, a apprécié avec beaucoup de justesse le rôle des états de Normandie.

(2) On sait que Henri V, pour conquérir la France, fut obligé de mettre en gage ses meubles, ses bijoux et jusqu'à sa couronne.

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messe faite à Troyes « de n'imposer tailles ou subsides sans « cause raisonnable et nécessaire, selon l'exigence des loix « et coutumes approuvées au royaume? » A quoi bon se dispenser de demander ce qu'on pouvait obtenir? et n'étaitce pas d'une bonne politique de chercher dans un vote légal la justification de levées écrasantes et oppressives? Dans ce temps-là, les états n'étaient point (est-il nécessaire de le dire?) une représentation véritablement nationale avec laquelle il fallût compter, qui exerçât une influence sérieuse sur le pouvoir et exprimât avec franchise les vœux et les griefs du pays. Il ne s'agissait alors que d'assemblées sans puissance, de réunions d'un petit nombre de députés nommés par un petit nombre d'électeurs, et venant voter, sur la proposition des commissaires du roi, de lourds subsides nécessités par un état de guerre perpétuel, soit pour l'entretien des garnisons logées dans les places fortes du duché, soit pour la solde des armées en campagne. Ce n'est que tout à fait exceptionnellement qu'un esprit d'opposition nécessairement modérée se fait jour dans ces assemblées à l'aspect de l'effroyable détresse du pays, et qu'on sent s'y ranimer comme un souffle de patriotisme. Gardons-nous cependant de nous montrer trop rigoureux à l'égard des députés de notre malheureuse province. Un motif plus légitime que le désir de plaire à un maître de hasard a dû les déterminer en plus d'une occasion à accorder sans trop de résistance les fonds dont on leur faisait la demande : c'était la perspective des dangers que présentaient ces troupes étrangères pour les contrées qu'elles étaient chargées de défendre, dès qu'un retard dans le paiement de leur solde fournissait aux soldats un prétexte pour s'abandonner à leur goût naturel pour le pillage. Reconnaissons aussi que ces assemblées, à défaut d'autre mérite, eurent celui de sauver le principe, que les impositions ne sauraient avoir cours qu'en vertu du consentement des députés de la nation.

Malgré le silence absolu que l'histoire a gardé sur leur compte, il s'attache donc quelque intérêt à l'étude de ces assemblées d'états, si mal constituées, si imparfaites qu'on les suppose, et il nous sera permis de regretter qu'on n'ait point conservé les pièces qui les concernaient. Nous aurions dans les discours des commissaires du roi un exposé des

affaires du temps, dans les délibérations des députés la mesure de la misère et de la dépendance du pays. Malheureusement ces deux sortes de documents n'existent plus à ma connaissance. Il ne nous reste que des lettres de convocation, des procurations, des mandements du roi, de ses commissaires, des élus et des vicomtes pour la répartition des subsides, des rôles de paroisse, des mandats de paiement et des quittances de sommes payées par les receveurs. C'est avec ces débris provenant en grande partie de l'ancienne Chambre des Comptes de Paris, et disséminés aujourd'hui dans divers dépôts, que j'essaierai de dresser le tableau des états de la province de Normandie sous la domination anglaise. Je rappellerai d'abord les différentes assemblées d'états, en indiquant, autant qu'il me sera possible, l'époque, la durée de la session, le montant des sommes votées et l'objet du vote. La seconde partie traitera de l'organisation de cette ébauche de système représentatif, du mode d'élection des députés et de la manière dont les sommes votées étaient assises, perçues et centralisées.

L'Appendice contiendra quelques notes sur les députés qui parurent à ces assemblées. Je présenterai à la suite, sous le titre de Pièces justificatives, un certain nombre de documents qui, par leur nature et aussi par l'ordre dans lequel je prendrai soin de les grouper, permettront de se faire une juste idée des différents actes de cette administration. Je ne me dissimule pas la sécheresse de cette étude, les lacunes et le défaut de transitions qu'on n'aura pas de peine à y remarquer; mais peut-être sera-t-on porté à me pardonner ces imperfections, si l'on veut bien considérer que la rareté des documents relatifs à la matière ne permettait guère de les éviter.

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