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Cette aide fut payée en deux fois; le second terme fut fixé par le roi à la Saint-Michel 1448 (176).

Une seconde convention, à laquelle assistèrent certainement les députés des trois états des bailliages de Caen, fut fixée par les commis du roi au 22 septembre 1448. La convocation s'était faite au nom de Sommerset, «< afin de communiquer et avoir avis et « délibérer manière et voye convenable de entre<< tenir, moiennant bonne justice, le paiement des « souldoiers, et gens de guerre des garnisons de « Normandie et autres choses concernant le bien des « affaires publiques. » Nous manquons de renseignements sur cette assemblée; nous ignorons même quelle somme y fut votée. Nous serions assez porté à croire que ce fut conformément à un vœu des états que Zanon, évêque de Bayeux, et Martin Pinard, évêque d'Avranches, visitèrent et inspectèrent les villes et les forteresses des bailliages d'Alençon et du Cotentin, pour le « fait de certaine « réformation générale advisée estre faite au païs et « duché de Normandie, sur toutes gens, officiers et << autres de quelque état, nation ou condition qu'ils « fussent. »> (177).

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Nous touchons au terme de la domination anglaise. Il n'y eut cette année-là qu'une assemblée d'états, et ce fut la dernière. Les députés furent convoqués à

(176) Arch. de la S.-Inf., ETATS, nos 262-278. (177) Arch. de la S.-Inf., ÉTATS, no 279.

Caen d'abord, mais il y eut contre-ordre; Rouen fut désigné pour le lieu de la réunion. La basse Normandie était envahie, et Sommerset avait de bonnes raisons pour ne pas abandonner la capitale du duché dans des conjonctures aussi critiques. Le 24 mars, à l'instigation secrète du gouvernement anglais, le capitaine de Verneuil, François de Surienne, connu sous le nom de l'Arragonais, avait violé ouvertement le droit des gens et les trèves conclues par la prise et le pillage de la ville de Fougères, appartenant au duc de Bretagne. Ce fait avait rallumé la guerre dans un moment où Charles VII se trouvait en mesure d'en tirer parti. Dès les premiers jours de mai, Pont-de-l'Arche, la clef de la haute Normandie tomba au pouvoir des Français; la nouvelle en vint à Rouen dans le temps même où les députés normands s'y trouvaient réunis : toute la noblesse y avait été convoquée; les évêques de Bayeux, d'Avranches et de Lisieux, s'y étaient rendus à l'appel de Sommerset (178); ils furent témoins de la consternation du duc; quelques consolations banales relevèrent son courage. Aussi prompt à se rassurer qu'à s'émouvoir, il se persuada bientôt qu'un événement aussi important que la prise de Pont-de-l'Arche serait sans conséquence, et que, dans peu de jours, les Français battraient en retraite. On peut douter qu'il ait réussi à faire partager aux députés son espoir. Partout les Anglais étaient détestés, le gouverneur peut-être plus encore que les autres, à cause

(178) Th. Basin, I, 203. Vie de Thomas Basin, par M. J. Quicherat, XVII, XVIII. — La prise de Pont-de-l'Arche arriva le 13 mai; les états avaient été convoqués pour le 8.

de son avarice et de son orgueil (179): toutefois une aide fut votée; un mandement d'Osbern Mundeford (2 juin 1449) en ordonna même la perception par vicomtés (180); mais le temps manqua pour la recueillir. Au premier bruit du succès des armées françaises, l'amour de la patrie, le désir d'un gouvernement national avaient enflammé les esprits. Bientôt appelé par les vœux de la population tout entière, Charles VII faisait son entrée à Rouen aux applaudissements du peuple, et Sommerset se retirait, humilié autant que surpris de voir lui échapper si facilement et si vite une conquête qui avait coûté à l'Angleterre tant de sang et de si longs efforts.

(179) « Il fut, dit la Chronique de Normandie, plus avaritieux << que les autres; Anglois furent mal payez, par quoy furent plus « abandonnez à prendre et bretonner sur le peuple. » (V. aussi Th. Basin, I., 102.)

(180) Arch. de la S.-Inf., ETATS, no 288.

DEUXIÈME PARTIE

Les victoires de Henri V donnèrent naissance à une province anglo-française dont la Normandie fut le noyau, et qui dépassa considérablement, du côté du midi, les limites de ce duché. On la désigna sous le nom de duché de Normandie et pays de conquête. Elle comprenait les contrées dont Henri V se trouvait en possession au moment où le traité de Troyes fut conclu, c'est-à-dire, outre la Normandie, la viguerie de Mantes, les prévôtés de Meulan, de Poissy, de Saint-Germain en Laye, de Montjoye, de Pontoise et de Chaumont (1). Toute cette étendue de territoire fut soumise sous beaucoup de rapports à une même administration; et, pour nous restreindre au point de vue spécial qui fait l'objet de notre étude, les députés du pays de conquête furent constamment appelés à voter les aides avec les députés de la Normandie proprement dite.

Le traité de Troyes donnait à Henri V et à ses successeurs le royaume de France à titre d'héritiers de Charles VI, et disposait en termes formels que, lorsque le roi d'Angleterre serait monté sur le trône de France, la Normandie et toutes les autres conquêtes seraient réunies à la couronne (2). Charles VI

(4) Bib. Imp., 9436 (4), 9436 (5).

(2) Godefroy, Hist. de Charles VI, p. 698.

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mort, la distinction du duché de Normandie et pays de conquête d'avec le reste de la France ne semblait donc plus avoir la même raison d'être; cette distinction persista néanmoins. Henri VI, ou, pour parler plus exactement, Bedford et les autres princes qui gouvernèrent sous son nom affectèrent de ne point confondre avec les débris du royaume de France, honteusement livrés à l'étranger par un monarque en démence, les contrées que l'Angleterre possédait à un meilleur titre, celles dont la possession était due à la force et au sort de la guerre. En cela, vraisemblablement, ils ne firent que suivre la politique de Henri V. Ce prince, d'un esprit si profond, avait prévu que ces États, qu'il s'était fait céder contre toute justice, au mépris des intérêts du pays et des droits de la nature, pourraient un jour échapper à ses successeurs; mais au moins voulait-il que la Normandie ne fût point perdue. Il y tenait plus qu'à tout le reste, soit par une vanité de conquérant, soit par le souvenir, encore vif dans la nation anglaise, de l'ancienne union de ce duché à la couronne d'Angleterre. A son lit de mort on l'avait entendu dire à son frère Bedford, l'héritier de ses projets et de son génie : « Par dessus tout, je vous recommande de << ne pas souffrir, tant que vous vivrez, quelque «< chose qu'il advienne, qu'aucun traité ne soit fait << avec notre adversaire Charles de Valois, à moins <«< que la Normandie ne reste entièrement à mon « fils (3). »

Les lettres de convocation des états émanaient du roi, ou en son absence du régent; plus tard du gou

(3) M. de Barante, Hist, des Ducs de Bourgogne.

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