Imágenes de páginas
PDF
EPUB

points. Sur le premier, ils émirent le vœu qu'un édit royal prescrivît aux clercs, aux officiers royaux et aux possesseurs de fiefs de s'engager par serment à respecter la paix finale; ce serment devait être exigé pour les uns au moment de leur mise en possession du bénéfice ou de la charge, pour les autres au moment de l'hommage. Quiconque se refuserait à prêter ce serment, ou viendrait à s'y montrer infidèle, soit de fait, soit de parole, devait être tenu pour rebelle et poursuivi comme coupable du crime de lèse majesté (14).

Sur le second point, les états se prononcèrent pour la fabrication d'une forte monnaie. Pour cela on ne chercha pas d'autre moyen que celui que nous avons vu adopté aux états de Paris. Il fut donc décidé qu'on paierait au prêteur 7 francs pour 1 marc d'argent, 66 écus d'or pour 1 marc d'or; que tout particulier, à quelque classe qu'il appartînt, serait obligé de déposer à la monnaie la plus voisine de son domicile autant de marcs d'argents qu'il posséderait de 100 l. de revenu, et, au-dessous de 100 1. jusqu'à 20 I., une quantité d'argent proportionnée à sa fortune. On exprimait le désir que le versement fût effectué avant la Chandeleur: toutefois le terme de rigueur fut reculé jusqu'au 15 février suivant (15).

Sur le troisième point, les députés se déclarèrent prêts à servir le roi de tout leur pouvoir. Les nobles, Anglais d'origine pour la plupart et enrichis des dépouilles des vaincus, mirent leur épée à son service; les gens d'Église consentirent à payer deux dixiè

(14) Bréquigny, no 938.

(15) Ibid., no 937.

mes (16); le tiers-état offrit 400,000 1. t. en déduisant de cette somme le montant indéterminé de l'imposition du clergé (17). Un pareil sacrifice était évidemment au-dessus des forces du pays; mais il n'y avait pas moyen de s'y soustraire. Les ecclésiastiques savaient de quelle manière le nouveau maître avait accueilli les remontrances de l'Université de Paris. A Rouen, moins encore que dans la capitale du royaume, soumise au moins nominalement à l'autorité de Charles VI, les votes ne pouvaient être libres: élever la voix contre le subside, ç'eût été courir le risque d'être arrêté comme armagnac, en d'autres termes, comme un séditieux et un ennemi du bien public (18) : encore, après avoir rançonné avec la dernière rigueur les malheureux contribuables, Henri V prétendait-il à leur reconnaissance ! Dans un mandement pour la répartition d'une partie des 400,000 1., il déclarait que les frais auxquels il était obligé de subvenir dépassaient de moitié l'aide qui lui avait été accordée. Il n'oubliait pas de mentionner que les gens des trois états, en votant une pareille somme, l'avaient supplié de s'en contenter par égard pour la misère de la province, et que, en sujets humbles et soumis, ils avaient protesté de se soumettre à sa volonté quelle qu'elle fût (19).

L'édit relatif à la prestation du serment de fidélité fut promulgué et exécuté à la rigueur. Quant aux

(16) Plus tard, on employa le mot décime. J'ai conservé le terme dont on se servait au XVe siècle. V. Lettres de Henri V à l'é

vêque de Coutances; Rymer, t. IV, p. iv, 21.

(17) Bréquigny, no 925.

(18) Godefroy, Hist. de Charles VI, 385. (49) Bréquigny, no 925.

Cf. Ibid., no 1022.

deux autres opérations, à la refonte de la monnaie et à la levée du subside, leur exécution rencontra des difficultés sur lesquelles Henri V n'avait pas compté.

Pour recevoir les marcs d'argent, des receveurs avaient été établis dans les diocèses. Ils devaient remettre aux particuliers des reçus sur la présentation desquels ceux-ci pourraient se faire payer à la Monnaie 7 francs par marc d'argent déposé. L'estimation du revenu qui servit de base pour déterminer l'importance des versements à effectuer fut confiée aux baillis et aux commissaires qu'il leur plairait de désigner dans les différentes classes de la société. La célérité avec laquelle il fallut agir ne permit pas de procéder à cette opération avec un soin minutieux. Le temps manquait pour dresser un inventaire détaillé des biens on dut se contenter des appréciations nécessairement hasardées des commissaires. En cas de résistance, le bailli était autorisé à mettre la main sur l'argent des particuliers, à charge toutefois de le leur rendre, après la refonte, au taux de 7 francs par marc. Par déférence pour leur caractère, on exempta les ecclésiastiques du contrôle de l'administration laïque. Les vicaires généraux furent chargés du soin d'exhorter les clercs, et, au besoin, de les contraindre par la voie des monitoires et des censures à contribuer loyalement à cet emprunt onéreux. Ce n'était qu'à la dernière extrémité qu'il était permis de recourir contre le clergé à l'autorité du bailli (20).

[ocr errors]

(20) Rymer, t. IV. p. IV, p. 5 et 15. Richard Warrok fut désigné pour recevoir les marcs d'argent dans les diocèses de Coutances et d'Avranches; Thomas Lespringuier fut chargé de la même commission dans le diocèse d'Evreux.

Les propriétaires et même les officiers du roi ne montrèrent pas un grand empressement à se conformer aux prescriptions de Henri V: il s'en fallut de beaucoup que tout fût prêt pour le 15 février 1421, comme il l'avait commandé. Le 24, il reprenait vivement les baillis de ne s'être pas encore occupés de mettre à exécution ses lettres du mois précédent, touchant l'emprunt des marcs d'argent (21).

Pour comble de malheur, quand la monnaie votée aux états de Paris et de Rouen fut émise, il fallut la retirer de la circulation, parce que le dauphin, réduit à la dernière pénurie, et se trouvant hors d'état de fabriquer une monnaie aussi forte que celle de Henri V, trouvait son profit à attirer les nouvelles espèces (22).

Le clergé, comme nous l'avons vu, avait voté deux dixièmes, et les gens des trois états 400,000 1. t. Le roi fixa le terme du premier dixième à Pâques 1421, celui du second à la Saint-Michel suivante. Le prieur de Saint-Lô, Guillaume Le Bourg, et messire Guillaume Le Fèvre, curé de Saint-Denis de Rouen, furent nommés commissaires pour la perception de cette imposition (23). La générosité des ecclésiastiques n'empêcha pas Henri V d'exiger rigoureusement les arrérages d'un dixième qui avait été accordé à Charles VI pour combattre les Anglais, peu de temps avant la descente de Touques (24).

(21) Bréquigny, no 963.

(22) Le Blanc, 298.

Bréquigny, no 1058.

(23) Rymer, t. IV, p. iv, 70.

Arch. de la S.-Inf., F. de Fé

camp, Compte du receveur Jean Le Cullerier.

(24) V. Lettres d'Henri V du 8 avril 1422, dans Rymer, t. IV, p. iv, 61.

Le subside du tiers état dut être payé en trois paiements. En attendant que l'époque des deux derniers fût fixée, comme il était urgent de se procurer des fonds au plus vite pour payer l'arriéré de la solde des troupes, il fut ordonné qu'on lèverait avant le 1er mars 1421 une taxe de 20 s. par feu, le fort portant le faible. Henri V comptait que cette levée produirait 100,000 1. à rabattre sur l'aide de 400,000 1.: il s'en fallut de 15,000 l. que ce chiffre fût atteint. Le second terme fut fixé à la fin de mai. On comptait sur 60,000 1., on n'en.put obtenir que 55,000; le premier dixième n'avait produit que 12,000 1.

Au 20 août, il restait donc encore à payer 240,000 1. Il eût été trop rigoureux, pour ne pas dire absolument impossible, d'exiger d'une seule fois le paiement intégral d'une somme aussi élévée : le roi consentit à ce qu'elle fût payée en deux fois. Mais ce ne fut plus par manière de fouage, parce que de cette façon on arrivait à une somme trop faible. Il fut décidé qu'on paierait 120,000 I. pour le premier terme, pareille somme pour le second, en y comprenant le second dixième et ce qui restait à payer du premier (25). Ces délais ne furent point encore suffisants: il y eut un cinquième paiement vers la fin de 1422 ou le commencement de 1423, ainsi que prouve une commission du trésorier général de Normandie, Richard de Wydeville, datée de Vernon du 13 décembre 1422 (26). De pareils retards sous un

(25) Bréquigny, no 1022.

le

(26) Ce mandement est relatif à l'assiette à faire dans la vicomté d'Auge, de 2,000 1. pour le cinquième paiement de l'aide de 400,000 1. Arch. du Calvados. Collection de M. Danquin.

-

« AnteriorContinuar »