Pâris, Hélène et autres personnages homériques avaient été popularisés tout d'abord par la poésie médiévale, puis par la tapisserie, la sculpture et la gravure en médailles. On sait que dès le milieu du xire siècle, un Tourangeau, Benoit de Sainte-More, avait consacré des milliers de vers à raconter le « roman de Troies» et le « roman d'Eneas ». L'histoire de la guerre de Troie avait été connue de nos trouvères non pas par Homère le grec leur était intraduisible mais par des compilations latines. Ils comprenaient d'ailleurs fort mal l'antiquité classique : c'est ainsi que les personnages de l'Iliade sont pour nos poètes des barons de leur temps et que les Troyens jeûnent comme de bons chrétiens. Ce qui explique la popularité des héros troyens au Moyen Age et à la Renaissance dans la littérature et dans l'art français, c'est qu'on les considérait comme de véritables héros nationaux. On trouve dans la chronique mérovingienne du viie siècle faussement attribuée à Frédégaire, le point de départ d'une légende sur l'origine des Francs qui ne seraient que des Troyens sujets du roi Priam' et de Friga, venus de Phrygie avec Francion. Aimoin, moine de l'abbaye orléanaise de Saint-Benoît-sur-Loire, a reproduit au xre siècle, dans son Historia Francorum, cette inepte légende, reprise au XVIe siècle par Pierre de Ronsard en son épopée La Franciade, dont le héros était le fabuleux Francus, fils de Priam, et fondateur du royaume de France. 1 Le nom de Paris, l'ancienne Lutèce, passait pour rappeler celui de Paris, fils aîné de Priam et ravisseur de la reine Hélène, femme de Ménélas ! ÉPAVES DES ÉGLISES DE BOURGES A SALBRIS (LOIR-ET-CHER) NOTRE-DAME DE PITIÉ DE L'ABBAYE DE SAINT-SULPICE Par P. GAUCHERY Les édifices religieux de Bourges étaient, au XVIII° siècle, très riches en œuvres d'art de toute sorte. En dehors des objets précieux conservés dans les trésors des églises et des monastères, on voyait dans les édifices eux-mêmes quantité de belles choses, autels, rétables, bénitiers, fonts baptismaux, tapisseries, tableaux, statues qui ont, presque toutes, disparu, soit qu'elles aient été détruites par le vandalisme révolutionnaire, soit que, vendues à la même époque, elles aient été dispersées de telle sorte qu'on ignore le plus souvent leur provenance là où elles existent encore aujourd'hui. Nous avons la bonne fortune de pouvoir signaler la présence de quelques-unes de ces épaves de nos églises de Bourges dans l'église paroissiale de Salbris (Loir-etCher). C'est aux recherches du savant abbé Plat, doyen de cette paroisse, et à ses obligeantes indications, que nous en devons la connaissance. Rappelons que Salbris, qui faisait autrefois partie de notre diocèse, eut avec Bourges, pendant plus de dix siècles les plus fréquents rapports. Dès avant le 1x siècle, l'église de Salbris dépendait du monastère bénédictin de Saint-Sulpice '. Le prieur de Salbris fut jusqu'à la Révolution un des dignitaires de Saint-Sulpice. Prieur et curé officiaient l'un et l'autre dans la même église, ce qui fut la source de nombreux procès sur des questions de préséance et d'attribution de bénéfices". En 1392, le duc Jean de Berry, quand il fonda la Sainte-Chapelle de Bourges, donna comme dot à la communauté nouvelle de nombreuses terres et seigneuries comprises dans son apanage et, parmi celles-ci, les terres de Salbris et d'Ardelou. Puis il donna la seigneurie de Salbris à Robert d'Étampes dont les descendants la gardèrent jusqu'à la chute de l'ancien régime. C'est à l'arrière-petit-fils de Robert, Jean d'Étampes, qu'il faut attribuer la construction de la belle chapelle attenante au côté nord de l'église de Salbris. Aux clefs de voûte de cette chapelle sont trois écus non mutilés où nous avons reconnu les armes des d'Étampes, seigneurs de Salbris et celles des de Passac, seigneurs du Chesne 5, près Salbris. 1. Salebrivas cum appendiciis et ecclesia, lit-on dans une charte de Charles-le-Chauve, confirmant les possessions de cette abbaye, que nous communique notre très érudit collègue, M. Jacques Soyer, Archiviste départemental du Cher. 2. V. fonds de Saint-Sulpice aux Archives du Cher. 3. Ardelou est situé sur la Rère, entre Salbris et Theillay. Cette terre appartient aujourd'hui à M. le comte d'Orléans. 4. Au côté sud, existe une chapelle symétrique construite à la même époque. 5. Les Gaucher de Passac, originaires de Passac près Montlu L'église de Salbris est un monument fort intéressant. La travée supportant le clocher est du commencement. du XIe siècle. A la fin du XVe siècle ou au commencement du XVI, on construisit, en même temps que la chapelle des d'Étampes, un jubé à l'entrée de cette travée. On voit encore dans l'escalier du clocher la porte qui donnait accès à ce jubé. Le chœur fut refait à la fin du XVIe siècle 1. En 1682, on édifia les rétables qui existent encore au fond des trois nefs. Ces rétables, non signés mais datés, sont de réelles œuvres d'art. Ils sont semblables, de composition, de sculpture, de nature de pierre, à ceux de l'église de Villerbon, près Blois, datés de 1683 et signés Imbert; semblables aussi au rétable commandé par Gaston d'Orléans pour l'église des jésuites à Blois. Il paraît très probable que tous ces monuments sont dus au même artiste 2. Le rétable de la grande nef de Salbris sert comme de cadre à une magnifique Pieta qui semble si heureusement placée au centre de ce monument qu'on pourrait croire à première vue qu'elle a été sculptée pour en faire partie. Mais un examen plus attentif fait reconnaître que cette sculpture est d'un art très supérieur et appartient à une époque antérieure au rétable çon, étaient seigneurs de La Palisse en 1375 et du Chesne en 1380. Ils conservèrent cette dernière seigneurie jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. 1. Les colonnes et les arcs de cette église sont en pierre tendre. Les profils ont été refaits à plusieurs époques. La trace de ces refaits est souvent visible. 2. Ces observations très judicieuses appartiennent à M. l'abbé Plat. sur lequel elle s'appuie. C'est, d'ailleurs, reconnaître la valeur de ce dernier que de pouvoir dire qu'elle ne l'écrase pas de sa beauté et le laisse encore étudier avec intérêt. Ce groupe de Notre-Dame de Pitié est venu de Bourges à Salbris au commencement de la Révolution. M. l'abbé Plat en a découvert l'origine, avec celle de plusieurs autres objets de plus ou moins grande importance qui ornent également son église, dans la note suivante écrite sur le registre des baptêmes de la paroisse de Salbris en 1791 : <<< Dans le courant de décembre 1791, par la représentation que j'en ai faite dans une assem« blée de la paroisse pour ce convoquée, que d'après la destruction de plusieurs églises dans les villes, il se présentait l'occasion la plus fa«<vorable pour acheter à bas prix différents << meubles et décorations pour notre église, j'ai « été chargé d'acheter ce que je trouverais de «< convenable et nécessaire pour notre église et j'ai acheté effectivement le maître-autel tel qu'il « est, qui alors était dans l'église des Carmes à Bourges, il m'a coûté 4 louis; l'autel de la Vierge << 12 livres ; l'autel Saint-Jean 12 livres ; l'autel << placé dans la chapelle où est mon confessionnal «6 livres. Ces trois petits tombeaux étaient aussi << aux Carmes. ༥ « Les fonts baptismaux avec leur grille en fer, « ils étaient à Saint-Ambroix; le bénitier de |