RAPPORT SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DU CENTRE PENDANT L'ANNÉE 1902 PAR LE SECRÉTAIRE MESSIEURS, C'est fournir un premier compte-rendu de vos travaux pendant l'année 1902 que d'analyser tout d'abord les Mémoires composant votre vingtsixième volume, puisque tous, sauf un pour lequel la place a manqué dans le précédent recueil, ont été lus à l'une de vos réunions de l'année passée. Le premier des travaux imprimés aujourd'hui est consacré par M. Henry Ponroy à la description de divers objets de bronze gaulois et romains qui font partie de ses collections. Tous ont été découverts en Berry et notre collègue a soigneusement noté les circonstances de leur mise au jour. Vous avez tenu à reconnaître l'intérêt de ces consciencieuses indications en mettant pour ainsi dire les objets eux-mêmes sous les yeux du lecteur au moyen d'excellentes photographies reproduites par les meilleurs procédés inaltérables. Parmi ces objets il en est un qui paraît devoir attirer particulièrement l'attention, aucun similaire n'ayant, à ce qu'il semble, été publié jusqu'ici. En raison de sa forme géométrique parfaitement définie, une gravure a suffi pour en appuyer la description. Vous avez généralement donné votre assentiment à l'attribution proposée par M. Ponroy qui voit dans cet instrument un jouet antique de la catégorie des jeux de hasard. Dans le mémoire suivant, M. J. Soyer fait connaître un acte latin du XIIe siècle qu'il a découvert aux Archives du Cher et qui lui a paru à bon droit mériter d'être publié, à cause des renseignements topographiques qu'il renferme et qui intéressent un point encore insuffisamment connu d'archéologie locale. M. Soyer fait très justement remarquer que les fossata Romanorum, dont il est parlé dans cet acte, désignent, à n'en pas douter, les fossés creusés par les légionnaires romains en vue d'Avaricum assiégé. Mais il n'est pas aussi évident que ces fossata et par conséquent le camp de César doivent être identifiés avec l'enceinte antique qui a donné son nom au faubourg du Château de Bourges. Il semble qu'il serait très à propos, puisque l'occasion s'en présente, d'essayer d'en finir aujourd'hui une fois pour toutes avec une opinion qui reparaît encore de temps à autre, bien que constituant une erreur manifeste. Je demande donc la permission d'indiquer le plus sommairement possible les raisons qui s'opposent à ce que, comme l'a écrit Léon Fallue 1, « on retrouve les traces du camp de César dans l'exhaussement de terrain.... appelé le faubourg du Château ». Il faut reconnaître que les historiens qui ont indiqué le Château comme pouvant être assimilé au camp des Romains ont été généralement frappés par la difficulté résultant de l'insuffisance des dimensions de cette enceinte. Le colonel Saint-Hypolite, qui a relevé le premier ces dimensions en 1841, mesurait un vallum de 200 mètres environ de long sur 160 mètres de large. « A la vérité, dit Raynal 2, de telles dimensions paraissent bien étroites pour les troupes de César. » Hippolyte Boyer n'a pas sans hésiter accepté l'identification. C'était pour lui une opinion qui demandait à être discutée 3. Lui aussi était impressionné par les proportions trop resserrées de 1. Léon FALLUE, Conquête des Gaules, 1862, pages 229-230. 2. Louis RAYNAL, Histoire du Berry, I, 56, note 1. 3. H. BOYER, Le Château-les-Bourges, Mém. Soc. hist. du Cher, 4 série, VIe vol., p. 99. cet ouvrage; si bien qu'il en arriva à supposer l'existence simultanée de plusieurs autres camps romains autour d'Avaricum, et à voir dans le Château un de ces camps'. 2 Quant à l'historien le plus récent du siège de la capitale des Bituriges, M. Camille Jullian, il semble, dans son beau livre Vercingétorix, parler du faubourg du Château plutôt pour indiquer la direction du camp de César,- et, dans ce sens, l'observation est parfaitement juste, fixer précisément son emplacement. que pour En fait, un seul auteur s'est prononcé catégoriquement contre l'assimilation admise jusqu'à lui, c'est notre regretté Buhot de Kersers, archéologue avisé et observateur exact, qui, dès 1867, disait de l'enceinte du Château: « L'exiguité des dimensions rend impossible d'y placer le camp de César pendant le siège d'Avaricum 3. » Il reconnaissait là, d'ailleurs, les apparences d'une fortification romaine qui pouvait avoir été une citadelle d'occupation après la conquête. De nouvelles constatations l'incitèrent, quelques années plus tard, à rajeunir encore cette enceinte. On lit 1. Idem, p. 103. 2. Camille JULLIAN, Vercingétorix, 3e édition, 1903, pages 172 et 361. 3. BUHOT DE KERSERS, Les enceintes en terre dans le département du Cher. Mém. de la Soc. des Ant. du Cent., Ier vol., 1868, p. 45. dans le dernier fascicule de la Statistique monumentale du Cher ces mots : « L'établissement du castrum, château, doit plutôt être reporté à la chute de l'Empire romain, car ses fossés coupent la grande voie de Decize et de Lyon et les aqueducs de l'Est. » Cette dernière remarque est, on en conviendra, décisive. Mais négligeons-la, si l'on veut, puisqu'elle ne peut plus être contrôlée depuis que des constructions sont venues masquer ce qui restait des fossés et couvrir les derniers vestiges du retranchement. Ne retenons que la question des dimensions du vallum, qui étaient si clairement appréciables il y a encore peu d'années. Elles donnent à l'ouvrage une surface de trois hectares et quelques ares. Si l'on admet que deux seulement des légions amenées par César devant Avaricum campaient pendant que les autres étaient occupées aux travaux du siège, on peut à la rigueur en conclure que le camp n'eut que la surface indispensable pour ces deux légions. Mais le camp de deux légions couvrait 36 hectares. L'enceinte du Château est dix foix moins considérable! La conclusion s'impose. Il faut chercher ailleurs les fossata Romanorum. 1. B. DE KERSERS, Hist. et Stat. mon. du Cher, tome VIII, 1899, p. 49. 2. Comment., VII, 24. |