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s'engagèrent à payer au monastère la pension annuelle perpétuelle et féodale de 11 livres 17 sols 11 deniers (1).

Nous voyons l'année suivante les religieux traiter avec Pierre Perre, entrepreneur de la ville d'Arles, pour lui faire construire l'escalier qui devait conduire à la terrasse du nord, et prolonger les deux façades. Ils conviennent pour le premier travail du prix de 5,600 livres ; ils fixent pour l'autre celui de 19,800 (2).

Les constructions faites par Perre ne présentèrent pas la solidité désirable; car nous trouvons plus tard dans les livres de l'abbaye les réclamations du père syndic se plaignant du peu d'épaisseur des pierres de taille employées et de leur inégalité, et surtout de ce que des pierres et des arceaux du nouveau bâtiment portent dans le vide (3).

Les dépenses si considérables nécessitées par l'agrandissement du monastère avaient fait perdre de vue aux religieux le dessein, longtemps caressé, de construire une autre église. L'éloignement de l'ancienne leur avait fait adopter pour y chanter tous leurs offices, sauf la grand' messe et les vêpres, une chapelle intérieure. Mais ils ne voulurent pas renoncer absolument à ce projet, et consultèrent divers architectes pour savoir s'il serait possible ou de rendre l'ancienne église plus commode et moins exposée aux intempéries de l'air, ou d'en construire une autre à la suite des bâtiments nouvellement élevés.

On aurait dû, en suivant le premier plan, achever les trois travées qui manquaient à la grande nef et établir à

(1) Liasse 1654-1677. Archives départementales des B.-d.-Rh. (2) Prix-faits en date des 27 janvier et 19 déc. 1747.

(3) 16 novembre 1752.

l'extrémité un choeur en forme de tribune, dont le niveau aurait été le même que celui du couvent. En s'arrêtant au contraire à l'autre, la nouvelle église devait être élevée à l'extrémité du monastère nouveau. Les Bénédictins prirent vivement parti pour ce dernier plan, et une diète générale de l'ordre les autorisa à faire commencer incessamment les travaux nécessaires.

XIV

Le cardinal de Rohan, dernier commendataire de Montmajour. Sécularisation de l'abbaye. Partage de

ses terres.

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L'abbé de Canillac mourut le 27 janvier 1761. LouisRené-Edouard, prince et cardinal de Rohan (4), qui devait être le dernier titulaire de l'abbaye de Montmajour, donna procuration à l'abbé de Champorcin, chanoine d'Arles, pour en prendre possession en son nom. Au procèsverbal dressé le 20 novembre par Chabran, notaire, figurent comme témoins le bailli de Grille, lieutenant-géné– ral des armées du roi, les abbés de Grille-Robiac et de Beaujeu, chanoines de Saint-Trophime.

Louis-René-Edouard, prince de Rohan, était né en 1734 d'Hercule-Mériadec de Rohan, prince de Guéménée, duc de Montbazon, et de Louise-Gabrielle-Julie de Rohan, sa cousine. Abbé de Saint-Waast, puis de la Chaise-Dieu et de Montmajour, il fut de bonne heure sacré évêque in-partibus de Canope et attaché com

(1) Rohan porte de gueules à 9 mâcles accolées d'or, qui est Rohan; parti d'hermines, qui est Bretagne. Comme évêque de Strasbourg, et, en cette qualité, landgrave d'Alsace, le cardinal posait cet écu sur le tout des armes suivantes : écartelé aux 1er et 4° de de gueules à la bande d'argent, remplie de sinople qui est de l'évêché de Strasbourg; aux 2 et 3° de gueules à la bande d'argent, remplie de sinople, et fleuronnée d'or qui est d'Alsace.

me coadjuteur à son oncle le prince Louis-Constantin, évêque de Strasbourg, auquel il succéda plus tard. Envoyé comme ambassadeur de France à la cour de Vienne, «il ne réussit, » dit M. de Lescure, « qu'à mé«< contenter également l'impératrice Marie-Thérèse et «la Dauphine Marie-Antoinette.... Un des premiers << actes du règne de Louis XVI fut le rappel du prince « de Rohan... Placé par le nouveau règne sous le « coup de représailles souveraines, il parvint cependant « à surmonter des obstacles qui paraissaient insur<< montables, grâce à l'active influence de madame de « Marsan, qui avait gardé sur le roi un ascendant justi«fié par son nom, ses services et sa piété. Il fut nom«< mé grand aumônier malgré la Reine et reçut par la « désignation du Roi de Pologne Stanislas Poniatowski « le chapeau que Louis XVI préféra demander pour << l'archevêque de Rouen (1). » D'audacieux escrocs surent lui présenter l'achat du trop fameux collier de diamants de Boehmer, comme un moyen de rentrer en grâce.

L'éclat donné par les ennemis de la royauté à cette déplorable affaire obligea la cour à en déférer le jugement au Parlement. L'arrêt qu'il rendit le 31 mai 1685 condamna Mme de la Motte et son mari au fouet, à la marque et à la détention perpétuelle. Le cardinal fut acquitté. Mais son absolution par des magistrats comme d'Esprémesnil et le futur conventionnel Hérault de Séchelles inaugurait cette résistance parlementaire qui, dit M. de Lescure, sera l'avant-garde factieuse de la Révolution.

Le cardinal fut exilé dans son abbaye de la ChaiseDieu. L'historien de la Reine dit de lui, après les mé

(1) Marie-Antoinette et sa famille par M. de Lescure. p. 239, et s.

moires de Besenval, « qu'il fut plus malheureux que « coupable, plus dupe que fripon, plus victime que « complice, » et qu'il fit « oublier pendant la Révolution << par les services les plus méritoires et les exemples les << plus édifiants le crime d'une fatale crédulité. » (1)

Nous avons hâte de revenir aux affaires de Montmajour. Selon l'usage précédemment suivi, une expertise fut ordonnée par arrêt du Conseil (2) pour constater l'état du monastère et de ses dépendances. Le rapport dressé par Ripert, avocat, Vincens, bourgeois, et Lenice procureur au siége d'Arles désignés aux termes de cet arrêt relate l'existance de nombreuses lézardes dans les murs du nouveau monastère. Il fait mention des améliorations apportées par l'abbé de Canillac dans la culture des terres de l'abbaye, notamment à Pertuis et à Fontvieille, et des réparations qu'il fit faire aux divers bâtitiments de Montmajour.

Le marquis de Jarente ayant obtenu du roi la permission d'établir une madrague à pêcher le thon près du lieu appelé la Couronne, l'abbé et le chapitre de Montmajour qui étaient seigneurs de ce lieu lui firent tenir un acte protestatif alléguant les droits analogues antérieurement conférés à Charles Bichi par lettres patentes de 1672.

Parmi diverses pièces de minime intérêt nous trou vons la trace d'un curieux procès intenté à l'abbaye. Le chapitre de St-Trophime d'Arles assigna les religieux devant la sénéchaussée d'Arles pour leur faire défendre de se faire précéder aux processions de St-Antoine ou dans toute autre cérémonie, d'un bedeau porteur d'une

(1) Marie-Antoinette et sa famille, p. 240. Le cardinal mourut le 17 février 1803 à Ettenheim. Il s'était démis de son évêché pour ne pas entraver la conclusion du concordat.

(2) Arrêt du 30 décembre 1761.

masse. Le lieutenant-civil prononça une sentence en faveur des Bénédictins. Mais le chapitre mécontent en appela; il fallut que l'archevêque Mgr de Jumilhac, interposât sa médiation. Un accord fut signé le 19 février 1768: il réglait que le bedeau de Montmajour conserverait son ancien costume, mais devrait remplacer sa masse par une simple baguette.

Le cardinal de Rohan érigea en arrière-fief dépendant de la seigneurie de Miramas les domaines de Louis Amphoux, de St-Chamas, (1) sous le nom de Belleval de Rohan. Un arrêt du parlement d'Aix en date du 7 mars 1771 maintint Gaspard-François Amphoux, neveu du précédent, dans tous les droits de la chasse et de la pêche au dit bien.

La juridiction du plan de Meyran, îlot situé entre Jonquières et l'Isle, à Martigues, fut en 1774 l'objet d'un procès dont nous ignorons le dénouement. Les pêcheurs de la ville soutenaient que les droits de Montmajour se bornaient à Jonquières. Le prieur de l'abbaye établit que le fief de Jonquières s'étendait jusqu'au canal de Caronte « usque ad grassile de Corrente» dès 1292. Il cita la requête adressée au juge de Jonquières par le bailli de l'Isle en 1324 pour faire estimer des maisons sises au Plan-de-Meyran, « in vestro dominio, » l'enquête de 1401 qui, indiquant les confronts de Jonquières, englobe l'îlot dans son périmètre. Jusqu'en 1763 on avait payé aux prieur de l'abbaye les droits de lods pour les maisons du Plan.

Bientôt la dernière heure de Montmajour va sonner. Un brevet de Louis XVI en date du 24 septembre 1786 prononce en effet la suppression à perpétuité de son titre, et unit les biens, droits, profits et revenus qui en

(1) Acte d'Amand et Delage, notaires au Châtelet de Paris, reçu le 13 avril 1765.

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