Imágenes de páginas
PDF
EPUB

MITIBVS HIC MITIS

DVRVS FVIT IPSE REBELLIS

OPTANS CELICOLAS

SVSPICIT INDIGENAS.

Rolland eut à combattre contre la cupidité des Arlésiens qui se partageaient avidement des terrains conquis sur les marais de Montmajour. Il demanda à être maintenu paisiblement en possession de ces marais, dont on déterminait l'étendue à l'aide des termes autrefois posés. Les Arlésiens déplacèrent les bornes et s'appuyèrent, pour faire la délimitation, sur le témoignage d'hommes de mauvaise foi. Cependant Hugolen, fils d'un seigneur du nom de Renaud, abandonna les droits qu'il prétendait sur des terrains en litige, en échange de quarante

sols que lui paya Rolland (1).

Les comtes Geoffroi et Guillaume (2) avaient aussi vendu pour 400 sols à l'abbé la dime de Pertuis et certains droits sur Manosque. Rostaing, archevèque d'Aix, ainsi que ses frères Amiel et Guy de Fos, rendirent au monastère la vallée de Saint-Pierre, près des Martigues, aussi appelée Jonquières (3)

(1) Acte de l'an 1067.

(2) Or si ces deux premiers fils (de Guilhem Bertrand) ont esté véritablement comtes de Provence et ont succédé à leur père, c'est ainsi que le sieur Ruffy, page 51. l'estime en son histoire des comtes de Provence... Mais parce qu'eu ce tems-là viuoient vn Guilleaume et vn Geoffroy, frères, comtes de Forcalquier,.... ainsi que i'ay remarqué en la généalogie de ces comtes, l'estime plus vray-semblablement que ce Guilleaume et Geoffroy dénommez dans cette confirmation estoient plus tôt comtes de Forcalquier, que non pas d'Arles ou de Provence, et ce pour deux raisons: la première, que Guille ume et Geoffroy, fils de GuilhemBertrand, prenoient en leurs qualitez le titre de marquis et comte de Provence, ainsi que nous auons veu et ce Guilleaume icy ne prend que la qualité de comte provençal; la seconde et principale est, que, cette année 1063, et long-temps auparavant, dès l'an 1054, Geoffroy, leur oncie, frere cadet de leur père, se qualitioit comt de Provence. >>

(Bouche, Hist. de Prov. T. II., L. IX., page 64).

(3) Charte de 1072. Arch. dép. 3, ch. Jonquières. — Cf. Gall. Christ.. T. I., instrum. N° IV, église d'Aix.

Pons, évêque de Marseille, et les vicomtes de cette ville, Guillaume, Aicard, Geoffroi, Bertrand, Pierre et Foulques se signalèrent par leurs bienfaits envers Montmajour (4).

Rolland mourut on ne sait précisément à quelle époque. On élut, dit-on, en sa place un certain Bermond, à l'instigation d'Aicard, archevêque d'Aix. Mais Bermond aurait été expulsé, et un autre moine du nom de Guillaume aurait été appelé à lui succéder (2).

Certains attestent que ce Guillaume monta sur le siége abbatial en 1084. Chantelou pense cependant que ce fut quelques années auparavant. Deux lettres du pape Saint Grégoire VII nous montrent qu'il trouva à son avénement le monastère engagé dans des luttes contre la rapacité des laïques, et bien relâché, d'autre part, dans la discipline religieuse. La première de ces lettres, datée du 30 mars 1079, enjoint, sous peine d'excommunication, aux usurpateurs des biens appartenant à l'abbaye, de les lui restituer aussitôt. L'autre, adressée à Richard, cardinal et abbé de Saint-Victor de Marseille, le 17 avril 1080, lui confie le soin de réformer les monastères de Montmajour et de Sainte-Marie de la Grasse (diocèse de Narbonne). A vrai dire, Richard ne mit jamais en exercice le droit que lui conférait cette bulle; car les moines de Montmajour durent apparemment ne pas se résigner sans peine à admettre la préé–

(1) Ruffi relate la donation qu'ils lui firent de l'île de Contignanicis, de Castellar et de Roquelongue. V. Hist. de Mars. Tom. 1, p. 66; et T. II. p. 19 et 20. V. no 10, 11, et 15, chartes du Castellet. Arch. dép.

(2) Baluze, Miscellanea, T. II, fol. 128 Gall. Christ. T. I. col. 606. V. aussi Mab llon, Annal. Bened. T. V, p. 151 et 165. Il cite une lettre du comte d'Arles au pape, lui demandant de reconnaître Guillaume élu abbé en remplacement de Bermond que son indignité avait fait déposer. Il relate de plus les deux bulles de Saint Grégoire VII contre les usurpations des biens de Montmajour, et pour la réforme du monastére.

minence et la supériorité de l'abbaye marseillaise sur la leur (4).

L'abbé Guillaume obtint du pape Urbain II une bulle reconnaissant au monastère la propriété de divers biens. Il fit restituer l'église de N.-D. de Ratis par Aicard, archevêque d'Arles, et celle de Saint-Didier, à Avignon, par l'évêque de cette ville. Pascal II renouvela le privilége accordé par son prédécesseur (2). Augier, évêque de Riez (3), et Gibelin, archevêque d'Arles (4), donnèrent à l'abbaye plusieurs diocèses.

Guillaume mit le comble à ses travaux en fondant la maison de Saint-Antoine-cn-Viennois, qui, plus tard, favorisée par les papes et enrichie par les libéralités des princes et des grands, devint elle-même la tête d'un ordre distinct. Quant à l'origine de son nom, les quelques détails qui suivent ne seront pas inutiles.

La plupart des hagiographes s'accordent à dire que le corps de saint Antoine, après être resté caché pendant 170 ans dans son premier tombeau, fut découvert par une révélation et transporté à Alexandrie, sous le règne de Justinien (5), puis à Constantinople, au temps d'Héraclius ou de Constantin Pogonat. Mais les versions diffèrent sur la translation de ces restes vénérables en France et sur l'époque où elle eut lieu.

Voici là-dessus le récit des religieux de SaintAntoine. Aimar Falco, l'un d'eux, dans une histoire qui parut à Lyon en 1533, dit qu'un chevalier du nom

(1) Cf. Ruff. Hist. de Mars. Tome 2, L. XI, ch. V, n° LV, p. 198. (2) Bulle du 24 février 1102. Priviléges n° 11. Autre privil. du n° 12 (17 octobre 1115 - Exemption de toute dîme pour Montmajour, 9 décembre 1106, n° 13.

(3) Charte de mars 1096. Cotée Privil. no 12, Arch. dép.

(4) Ch. de 1106. Ce sont les églises « Sancti Romani et B.-Marie. L'abbé est assujéti au cens annuel de 7 s. égédiens envers l'archevêque. (Gall. Christ. Toine I, col. 607).

[blocks in formation]

de Guillaume Cornut, seigneur de Châteauneuf-del'Albenc et de la Motte-Saint-Didier-en-Dauphiné, ayant fait le vœu d'aller à Jérusalem, mourut sans avoir accompli cette promesse, mais chargea son fils unique, Jocelin, de dégager sa parole. Malgré ses sentiments de piété, ce dernier différa. Il signala plus tard sa valeur à la guerre. Un jour, dans un combat qui se livra en Suisse, près du Jura, ce chevalier fut frappé, à la tête de ses soldats. On le crut mort, et on le transporta dans une chapelle dédiée à saint Antoine. En ce lieu, Jocelin eut une vision remarquable; le patron du sanctuaire lui apparut sous la forme d'un vieillard vénérable qui désarmait une multitude de démons acharnés contre lui, et lui demanda de transférer ses reliques d'Orient en Occident, selon la volonté du Seigneur. Aimar Falco ajoute, d'ailleurs, avec sincérité : « J'ignore si ce récit « est vrai ou faux; Dieu seul le sait. J'avoue que je ne « l'ai lu dans aucun titre authentique, mais seulemeut dans des documents privés. Aussi, je laisse chacun << libre de son opinion. »>

Jocelin se rendit donc à Jérusalem, revint par Constantinople, obtint de l'empereur, à la cour duquel il séjourna assez longtemps, les reliques de saint Antoine, et les apporta à Vienne (1).

Il est permis de conserver des doutes sur cette version que citèrent les Antonins dans leurs longues querelles avec Montmajour, alors que chacun des deux monastères s'étudiait à produire des documents propres à lui assigner une origine plus illustre que celle de son rival. Il faut remarquer aussi que l'incertitude plane sur les personnages dont parle Aimar. Qui sont, en

(1) Cf. Abbaye de Saint-Antoine-in-Dauphine, par M. l'abbé Dassy, p. 15 et suiv. L'intérêt qu'on attache à la lecture de cet ouvrage est encore accru par la publication des documents inédits que l'auteur y joint comme pièces justificatives.

effet, ce Guillaume Cornut et ce Jocelin, son fils unique? I suppose qu'ils appartenaient à la maison des comtes de Poitiers, mais c'est sans avancer aucune preuve certaine (4). Il donne aussi quelquefois le nom de saint à ce comte Guillaume, mais il ne précise rien sur ce personnage, soit qu'il n'ait connu aucun saint du nom de Guillaume, soit qu'il n'ose reporter la translation du corps de Saint Antoine à une époque aussi reculée que celle de saint Guilhem-du-Désert. Il préfère donner pour père à Jocelin Guillaume Cornut, seigneur de Châteauneuf-de-l'Albenc et de la Motte-Saint-Didieren-Viennois. D'autres auteurs disent qu'il était fils de Guillaume-Tête-d'Etoupes, duc d'Aquitaine, qui embrassa la vie religieuse sous le règne de Lothaire.

Or, d'antiques chartes parlent d'un comte Guillaume, contemporain de Charlemagne et de Louis-le-Débonnaire, qui fut, au témoignage d'Aimar Falco, surnommé cornutus, à cause du cor de chasse qui figurait dans l'écu de sa maison, tige des premiers seigneurs d'Orange (2). Guillaume avait fondé dans la vallée de Gellon près de la Saône, un monastère où il se retira et vécut dans une si grande sainteté qu'il mérita d'être placé sur les autels, sous le nom de Guillaume ou Guilhem-du-Desert. II

(1) Vetustissima scripta indicant pervetusta nobilitatis et << armorum insignia quæ extant super portam antiquorum horreo<< rum conventus hujus monasterii, ad D. Mariæ templum, mon« nullisque aliis in locis visuntur. » Aim. Falco. V. Baron.

T. 3. Ann. 1089. Bolland. Act. SSorum, T. 2, p. 153. Gall. Christ. «Guillelmus cornutus, topar ha Albenciaci, Motæ S. « Desiderii ut habetur in archivis monasterii. >>

[ocr errors]

(2) La maison d'Orange portait: d'or, au cor de chasse d'azur, enguiché et virolé de gueules, lié de quatre pièces, chacune terminée par · trois glands de même. De Coruut, on fit plus tard Cort-nez et Court-nez. Les prouesses légendaires du comte Guillaume au court-nez ont été chantées au moyen-âge. Aujourd'hui l'illustre poëte qui a donné le signal de la renaissance provençale, et fait revivre dans notre midi la gaie science des troubadours, a retrace dans un récit plein de chaleur et d'énergie les prodiges de valeur qu'accomplit ce héros à la bataille des Alyscamps. (V. Calendau, ch. VI, in fine.)

« AnteriorContinuar »