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Il reste aux Archives Camérales un certain nombre de mandements de Bonne de Bourbon, de l'époque (1383-1391) où elle gouvernait avec son fils les Etats de Savoie, selon la volonté exprimée par le comte Vert, dans son testament; mais presque tous ont été écrits par ses secrétaires, tantôt d'après ses instructions, tantôt sous sa dictée. Deux ou trois seulement me paraissent être de sa main; par exemple le suivant (pl. I, n. 4), où elle demande qu'on lui envoie à Ripaille une bête de somme avec une charge de l'eau azurée d'Aiguebelle:

Bonne de Bourbon, Contesse de Savoie

Pierre Magnin, nous te saluons et te mandons et prions si a certes et de cuer comme nous puons, que, vehues cest presentes, tu nous trametes une chargie bestie de la ayve que l'on trayt Ayguebelle, de la plus adzoré qui l'on y porra trové. Si te prions bien qu'il n'ay faute que tu ne la trametes incontinant. A Dieu soies.

Escript a Rippallie, le vij jour de novembre [1389].

Nous te prions que tu vuillies apporter incontinant la vallour de les chastellanies que l'on l'a mandé.

Comme l'on voit la langue et la graphie sont bien celles de la lettre datée de Mâcon. Il en est différemment dans cet autre mandement, qui a dû être dicté:

Bonne de Bourbon, contesse de Savoye

Nous te saluons et te mandons que tu encontinent, veues ces lettres, viene par devers nous, enformez plainement de quelcunque partie tu porrez savoir que l'on porra avoir finance, et de touz cas que tu sauraz dont il en porra issir; et apporte les aliances, qui derrenierement furent faites entre Monseigneur de Bourgoigne et mon tres redoubté seigneur, qui Dieux ait l'ame! Et garde qu'il n'y ait faute. A Dieu soe.

Donné en Rippaillie, le xve jour de fevrer (1).

A Chambéry, Pierre Magnin fonctionnait sans doute beaucoup moins comme secrétaire que comme factotum des deux comtesses. De Ripaille, en effet, des ordres lui arrivaient continuellement pour régler des comptes, demander des crédits, pour acheter des étoffes, des fourrures, des rubans, faire faire des vêtements, des chaussures, etc. Voici à titre de curiosité quelques-unes des commissions dont on le chargeait:

Bonne de Bourbon, Contesse de Savoie.

Pierre, nous te saluons et te mandons que tu fay faire a Chambery deux tissus de soye roge ou n[oire], de celle que tu mielx troveras per les deux fillies de Quart; et nous te ferons aloyer le pris. Et le nous fay trametre en

(1) La date Mccclxxxvij mise au verso est une erreur pour мccclxxxxij, car les alliances mentionnées sont certainement les promesses contractées entre le comte Amédée VII et le duc Philippe le Hardi, pour l'union de leurs enfants, Amé de Savoie et Marie de Bourgogne.

Ripaille et les fay faire de tel large et de telle moison (1) comme est le papier cy enclous. A Dieu soies.

Escript en Ripaille, le vij jour de fevrier [1386].

Un bout de papier de om035 X 0m085 est cousu à la lettre.

Les deux jeunes filles, dont il est ici question, étaient Catherine et Marguerite de Quart, élevées à la cour de Savoie. La seconde devint demoiselle d'honneur de Bonne de Berry.

Le mandement suivant est en très mauvais état; nous remplaçons par des points les mots qui manquent:

Bonne de Berry, contesse de Savoye

Pierre, nous te saluons et te retrametons le drap de veluet que tu nous avez tramis... n'est pas assez coloris, mais est trop simple. Si te prions et mandons que se tu en... de plus ardent et colori sur le roge, que tu le nous tramet encontinent a Rippaille... apporter par decza les robes que madame tramet a Jehan de Lion per les forrer et qu'il s'en despachoit. Et l'on te compera (2) ce que tu en paeras. A Dieu soies.

Escript... xiiije jour d'avril [1386].

Trametez de solers per Amé de Savoie, nostre fils, pour Pasques et aussi

de.....

En voici un autre montrant que la jeune comtesse de Savoie avait le goût des livres, comme son père, le duc Jean de Berry, et d'ailleurs aussi, parait-il, comme son mari, Amédée VII (3):

Bonne de Berry, contesse de Savoie

Nous te saluons. Si te mandons et prions que tu dellivres a notre bien amé pellatier Johan de Lion un tissu de soye que nous fait besoing por fere fermeauz en noz livres, tel comme semblera au dit Johan. Se te prions bien que n'y ait faute. A Dieu soies.

Escript a Rippallie, le xij jour d'octovre [1385].

Bonne de Berry, contesse de Savoye

Cher et bien amé, nous te saluons. Sachens que la fame Pierre Coissom nous ha escript qu'elle n'a point d'argent pour faire aucunes choses les quelles nous ly avyons enchargees, si te mandons et prions, que a la dicte fame de Pierre Coissom tu bailles. L. flor. pp. affin qu'elle ne laisse pas a faire nostres besoingnes par faulte d'argent; et en ce ne nous vuillez faillir en tant que tu desirez a nous complaire. A Dieu soiez, qu'i te gart!

Escript en Rippaille, le primer jour de feuvrier [1386].

(1) moison ou muison, mesure, dimension. (2) Voir plus haut la note 4 de la page 7. (3) Trés. génér. XXXVII, 237: A Tiery de pour illuminer unes oroysons de Monseigneur,

Marbo, pintre, per acheter d'or et d'argent vij florins»; dans un compte de 1388.

Cher et bien amé, nous mandons a Jehan de Lion qu'il nous face finance de xviij xijnes de letices (1) et de menu ver pour faire ij eppellandez (2); si te mandons et prions que au dit Jehan de Lion tu respondez de ce que les dictes choses cousteront, quar j'en ay tres grant mestier.

Outre les mandements, dont nous venons de parler, la liasse (1383-91) des Comptes de l'Hôtel renferme quantité de pièces fort intéressantes pour l'histoire d'Amédée VII et de son temps. Tantôt ce sont des reçus de seigneurs, de chevaliers et de routiers, qui avaient servi dans la guerre du Valais, dans celles de Montferrat, etc. (3); tantôt des cédules de dépenses faites par les ambassadeurs de Savoie, des mémoires d'artisans et de marchands, des suppliques de pauvres gens, etc. Malheureusement un grand nombre de ces documents sont très détériorés et se détériorent chaque jour davantage. Après plus de cinq siècles, le papier, sur lequel ils sont écrits, est devenu excessivement fragile et se désagrège au moindre toucher. Il serait à souhaiter que ces vénérables reliques de la cour du comte Rouge fussent inventoriées une à une et fixées sur des feuillets, afin de les mettre à l'abri de la dispersion et de la destruction. On pourrait ainsi en former un volume, qui figurerait dignement au Musée des Archives de l'Etat.

(1) letices ailleurs leytices. L. CIBRARIO (Economia politica, II, 337) explique ce mot par « pelliccie d'agnello lattante », mais on voit que ce sens ne peut convenir pour les 18 douzaines de letices dont Bonne de Berry avait besoin. Il s'agit plutôt, croyons-nous, d'une très petite fourrure comme le menu ver (vair, petit-gris), probablement des vertres blancs de martres-fouines imitant l'hermine.

(2) eppelandez écrit plus généralement oppelandes ou aupellandes (houppelandes).

(3) Ces reçus, en latin pour la plupart, étaient généralement écrits par les clercs de la Trésorerie; la personne qui recevait y ajoutait simplement sa signature, ou bien une formule de souscription, comme « Einsy est par moi Amé de Chalant » « Ensi estz so escrit par ma mainn Arnou Dulphe » (Arnaudus Dulfie comitatus de Foreis dans la partie latine de la main du scribe). Il est rare de rencontrer des reçus entièrement autographes, tels que celui-ci : « Je Jaquemes Marechaus confese avoir eu de Pierre Manyn. XL. ducaz d'our pour le pris d'on aubergon, le quel m'a doné moss. de Savoye. Escript a Chambery, le xiij jour d'ost, l'ant mil ccclxxxv. Escrit de ma main propre et sele de mon seael ».

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