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voulut encore réunir à ses domaines les abbayes de Lure et de Murbach. Il n'avait pas reçu les ordres sacrés. Aussi prit-il le titre d'administrateur qui suffisait d'ailleurs pour lui assurer les revenus de ses riches bénéfices. Georges, en se démettant, conserva la double qualification d'abbé et de prince avec tous les honneurs attachés à ces dignités. Le pape Paul V lui accorda ce privilége, en même temps que Léopold fut constitué administrateur de Lure et de Murbach (1614). Retenu habituellement dans son comté de Tyrol par les affaires de cet état (1), l'archiduc n'oublia pas les diverses églises dont le gouvernement lui était confié. Il nous reste différentes preuves de l'intérêt qu'il prenait à notre abbaye. Cette maison, alors riche et tranquille, recevait dans ses frais enclos les jeunes gens les plus distingués par leur naissance et leur donnait une éducation conforme à leur rang. Quelques-uns d'eux, après avoir été initiés à l'étude des lettres, allaient se perfectionner dans les universités d'Allemagne, ou embrassaient le parti des armes. D'autres demeuraient à Lure comme novices; et leur éducation se complétait par les exercices de la vie religieuse. L'archiduc s'informait de leurs progrès dans la vertu, reprenait sévèrement leurs fautes, et témoignait dans la correspondance dont ils étaient l'objet un grand amour de la règle (2). Les recommandations eussent été plus efficaces dans la bouche d'un abbé régulier que sous la plume d'un prince sans caractère ecclésiastique. Les préceptes n'empruntent point leur force à la dignité de celui qui les donne, mais

(1) Le 9 novembre 1624, il vint à Montbéliard où il reçut du prince Louis-Frédéric l'accueil le plus empressé (Ephémérides de Montbéliard). (2) Archiv. de la préfect. de Vesoul.

à ses exemples. Quelque empressé que fussent les soins. de Léopold, la discipline pouvait-elle refleurir à Lure? Il était lui-même comme une pierre d'achoppement à la tête du monastère, puisqu'il cumulait un grand nombre de bénéfices dont les richesses grossissaient chaque jour son épargne. Il voulut néanmoins ramener dans l'abbaye la ferveur des premiers temps, et il s'adressa au pape pour commencer avec plus d'autorité une œuvre si difficile. Urbain VIII fulmina successivement deux brefs de réformation qui permettaient à l'archiduc d'user des censures ecclésiastiques contre les religieux rebelles à ses ordres, de les priver de leurs bénéfices et de recourir même à l'intervention du bras séculier (1623, 3 février et 18 novembre) (2). C'était le temps où la réforme de saint Vanne et de saint Hidulphe s'introduisait en FrancheComté, et régénérait Luxeuil, Faverney, saint Vincent de Besançon. Mais elle y était soutenue par l'autorité des plus grandes vertus, tandis que Léopold se contentait de déployer à Lure le vain appareil d'un bref. Tout se borna à un projet stérile. Deux ans après, le prince qui s'était montré si zélé partisan de l'antique discipline, obtint du pape la permission de se marier. Il propose Léopold-Guillaume, son neveu, troisième fils de l'empereur Ferdinand II pour lui succéder dans ses bénéfices. Urbain VIII, conformément à ce désir, ordonne aux capitulaires des abbayes unies d'élire pour chef le sujet présenté par le démissionnaire. Léopold-Guillaume n'avait que douze ans. Il fut également pourvu des évêchés de Strasbourg et de Passau, après un simulacre d'élection dont le résul tat était connu et réglé d'avance.

(2) V. aux Preuves.

L'administration spirituelle et temporelle du siége de Strasbourg fut donnée à Herman-Adolphe, comte de SalmReifferscheidt, grand-doyen du chapitre. Quant au gouvernement de Lure, il passa pour le spirituel à D. Colomban Tschudy, et pour le temporel à Paul de Laussin (1626) (1). Pierre de Cléron, l'un des religieux, était alors à Rome où il travaillait à dissoudre l'union de Lure et de Murbach. Ses confrères reçurent des plaintes à ce sujet. Ils protestèrent qu'ils n'avaient aucune part à une telle démarche et que, loin d'attaquer l'union, ils se feraient un devoir de la maintenir. Léopold-Guillaume ne quitta jamais l'Allemagne où sa conduite lui acquit la gloire d'être surnommé le prince sans défaut. Il mourut en 1662. Jusqu'à cette époque, Lure ne fut régie que par des administrateurs. Nous allons voir leur courage aux prises avec l'adversité.

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(1) Inventaire des titres de l'abbaye; Grandidier. Essai sur la cathédrale de Strasbourg, p. 129 et 138. L'archiduc Léopold avait fait frapper un assez grand nombre de pièces de monnaie. Schoepflin en a donné une copie. (Alsat. Illust. T. 2.) La pièce qu'elle représente, frappée en 1624, porte d'un côté un évêque assis et, pour légende, S. Leodegarius; de l'autre, les armes accolées des deux abbayes avec ces mots à l'entour Moneta nova Murb. et Ludr. M. J. Vuilleret me signale une pièce semblable dans un médailler à Luxeuil. Il y en a vu une autre, sans date, représentant, au lieu de l'effigie de St. Léger, celle de Léopold, archiduc d'Autriche, et portant pour légende, d'un côté, Leopold D. Gr. Arch. Austr. Argent. et Pass. Epis. et de l'autre Administrat. Murb. et Lud.; Mon. nov.

CHAPITRE VII.

Une maladie contagieuse décime les habitants de Lure.

Suédois. --

Leurs progrès.

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Conduite du marquis de Conflans. Lure évite une surprise et soutient un siége. Elle est occupée par les Lorrains. Les Français en prennent possession. Retraite du marquis de Bade. Lure tombe au pouvoir des milices comtoises. Les Suédois s'en emparent. Nouvelle attaque. Désolation de la ville et des environs. Rentrée des capitulaires.

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- Restauration du

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Traité de Munster.
Louis XIV, gardien de l'abbaye.

Conquête de la Franche-Comté: Lure est

réuni à cette province.

L'année 1630 s'ouvrait sous de tristes auspices. « Il fait, dit un mémoire du temps, une très grande cherté de tout, et c'est chose grandement piteuse d'être présentetement au monde (1). » Lure souffrait déjà de ce malaise général, lorsque une maladie contagieuse vint la visiter. Dans trois mois le nombre des morts s'éleva à plus de deux cents. La peste avait commencé au mois de septembre 1630; le 8 décembre elle cessa tout à coup au milieu des prières publiques. Cette miraculeuse délivrance fut attribuée à l'intercession de la Vierge dont on célèbre ce jour-là la Conception immaculée. En mémoire de ce bienfait, la confrérie du Rosaire fut établie dans

(1) Eph. de Montbéliard, p. 2

l'église paroissiale (1). Un fléau plus terrible allait fondre sur la ville; il ne lui fut pas donné d'en conjurer les fu

reurs.

Richelieu avait décidé que l'Espagne et l'Autriche s'abaisseraient devant lui et que la France aurait le Rhin et le Jura pour frontière. Déjà la Bresse et le duché de Bourgogne lui appartiennent, il occupera bientôt l'Alsace, la Lorraine, l'évêché de Bâle et le comté de Montbéliard, préludant ainsi à la conquête de la FrancheComté. C'est là qu'il a mis le terme de ses exploits et des humiliations de ses ennemis. Il appelle les protestants d'Allemagne à prendrepart à la querelle. Le duc de Weimar et le rhingrave Othon-Louis avaient des injures personnelles à venger sur la maison d'Autriche. Ils accourent à la voix du cardinal, croyant servir leurs ressentiments et les desseins de leur ambition, tandis qu'ils ne sont que les instruments de la France. C'est par la Haute-Alsace que les Suédois, sous le commandement de Gustave Horn et d'Othon-Louis, commencent le cours de leur rapide expédition. Benfeld est emporté dès le mois de novembre 1632 (2); Schlestadt oppose encore moins de résistance, et les impériaux qui forment la garnison de Colmar tombent avec cette place entre les mains du Rhingrave (19 décembre). Partout des intelligences secrètes favorisaient ses progrès. Guillaume, marquis de Bade-Bade, gouverneur du pays, plus fidèle au chef de l'empire qu'expert dans le

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(1) Registre de la paroisse. De 1630 à 1635, les curés de Lure prirent soin de tenir note de tous ies évènements remarquables qui se passèrent dans la ville.

(2) Le 9, suivant le conseiller de Beauchemin; le 11, suivant l'annotateur des registres de Lure.

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