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gieux serait agréable à la population, et que le choix de l'emplacement n'était nullement préjudiciable; le tout néanmoins sous le bon plaisir de son altesse, l'abbé prince de Lure (1). Le suffrage de ce prélat était déjà assuré aux capucins. Ils commencèrent la construction de leur couvent.

La monnaie frappée au coin de l'abbaye était la seule dont la police de la principauté favorisât la circulation. Un édit de 1656 défendit l'usage des pièces étrangères. On comprend quelle gêne il en résultait dans les marchés. Ajoutons à cela que les relations commerciales étaient interdites entre Lure et le comté de Bourgogne. Les bourgeois portèrent leurs réclamations devant le conseil souverain d'Alsace (1667) (2). Les évènements politiques plus décisifs que les arrêts de cette cour, firent bientôt cesser une si rude contrainte.

L'invasion française de 1668 n'a point laissé de traces à Lure. On voit seulement les officiers de l'abbaye établir des gardes pour la sûreté de la ville. La conquête de la Franche-Comté abandonnée cette fois, fut entreprise de nouveau en 1673. Le 30 décembre de cette année, le comte d'Alveda, gouverneur du comté de Bourgogne, envoya à Lure le sieur de Bligny à la tête d'une compagnie suisse. On hésitait à le recevoir. Pendant le cours des délibérations, le capitaine commença à ravager les environs de la ville et à enlever le bétail. A l'aspect de ces déprédations, des officiers de l'abbaye se hatèrent d'ouvrir les portes. Mais son séjour fut de courte durée. Il fut remplacé par cinq compagnies d'infanterie et dix

(1) Arch.de la préfect. de Vesoul.

(2) Inv. des tit. de l'abbaye.

huit cavaliers du régiment de Mahiette. Cette petite garnison montra un courage au-dessus de ses forces, lorsque le marquis de Renel, maréchal-de-camp des armées de Louis XIV, arriva devant Lure, le 1er juillet 1674. Les assiégés étaient trop peu nombreux pour défendre avec succès la place toute entière. Ils le comprirent et abándonnant la ville à l'ennemi, se réfugièrent dans l'abbaye qu'ils regardaient comme un lieu de sûreté, à cause du marais qui s'étend autour d'elle. Cependant Renel devenu maître de la ville, attaque l'abbaye du côté du marais, et fait avancer et jouer toutes ses batteries (3 juillet). Le bombardemeut dure six heures; soixante volées de canon viennent frapper les murailles; enfin la brêche est ouverte et les assiégés, perdant tout espoir, demandent à capituler. On convient que la garnison sortira sans armes, et que, parmi les soldats dont elle est composée, les Comtois se retireront dans leurs foyers, tandis que les étrangers demeureront prisonniers de guerre. De ce nombre se trouva seulement le général Mahiette avec ses dix-huit cavaliers et quelques Flamands.

Les peuples conquis paient toujours les frais de la victoire. Lure fut en proie aux vexations des Français ; elles devinrent même assez grandes pour que les capucins prissent le parti de recourir à l'intervention du duc de Duras, gouverneur du comté de Bourgogne. Ce seigneur accueillit leurs plaintes avec bonté, et défendit qu'on inquiétât les religieux, sous peine d'encourir sa disgrâce (3 décembre 1674) (1).

Lorsque la tranquillité reparut, les capitulaires songèrent à transporter dans l'église abbatiale les reliques de

(1) Pièce communiquée par M. J. Vuilleret.

saint Delle et de saint Colombin, qui jusque-là avaient été conservées dans le prieuré de saint Delle, situé au midi de la ville, et presque ruiné durant les dernières guerres. La translation se fit le 23 et le 24 mai 1676 (1). Ces restes sacrés furent accueillis par le peuple avec des transports d'allégresse. On se souvenait des fléaux qu'ils avaient conjurés; on voyait dans leur entrée triomphale le gage le plus sûr de la prospérité publique.

En 1678, le traité de Nimègue vint ranger la FrancheComté sous le sceptre de Louis XIV. Quelle devait être la destinée de Lure? Considérée par l'Empire comme une attenance du comté de Ferette et par les souverains de Bourgogne comme un domaine que l'usurpation avait détaché de leur couronne, cette principauté disputait depuis longtemps sur ses limites contre les Comtois et les Alsaciens. La question agitée depuis 1622 avait été traitée plusieurs fois après la paix de Westphalie, sans amener de solution irrévocable. Louis XIV la trancha d'un mot. Il réunit Lure au comté de Bourgogne. Le ministre expédia les lettres qui décrétaient cette union, et le marquis de Montauban de la Tour, lieutenant-gé

(1) Anno MDCLXXVI, die XXIII maji, hæc sacra ossa S. Columbini, secundi abbatis Ludrensis, discipuli S. Deicoli, cum tumulo lapideo translata sunt de ecclesiâ extra monasterium versus meridiem positâ, et lestructâ tempore Gallorum, quando abbatiam fortificaverunt; sub episcopo Argentinensi Francisco Egone, principe Murbacensi et Lu drensi.

Anno MDCLXXVI, die XXIV maji, hæc sacra ossa S. Deicoli, primi abbatis Ludrensis, cum tumulo lapideo translata sunt (ut suprà). Ces deux inscriptions, gravées sur des plaques de cuivre, sont conservées dans la châsse de saint Delle et de saint Colombin.

néral du gouverneur de la province, se rendit à Lure pour recevoir le serment de fidélité des habitants. La prise de possession eut lieu le 11 août 1679.

Ainsi finit lapuissance de Lure. L'abbé qui marchait l'égal des souverains, n'est plus qu'un médiocre seigneur dont les droits et les revenus sont sans cesse contestés. Les bourgeois l'inquiètent, les parlements le jugent et le condamnent; on supprime les titres de sa grandeur déchue. Aux affaires importantes succèdent les tracasseries locales, et celles-ci ne se termineront que lorsqu'un grand bouleversement aura consommé la ruine totale de l'abbaye.

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Le parlement

Désiré de

étend sa juridiction sur elle. Suite des abbés de Lure.

Bressey, ses brigues, ses procès. - Création des charges municipales.

-

Accord entre la ville et l'abbaye.

paroissiale.

Reconstruction de l'église

Sécularisation de Lure et de Murbach.

de Lure entreprend d'importants travaux.

Le chapitre Révolution française.

Les chanoines sont chassés; leurs maisons sont venues; l'église est

démolic. - Lure moderne: ses principaux monuments. rendus aux reliques de saint Delle.

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L'histoire de nos villes et de nos abbayes finit, pour ainsi dire, à l'époque où la domination française commença dans la province. Soumises au même maître et aux mêmes lois, elles ont partagé le même sort, et leurs annales sans intérêt politique offrent peu d'évènements dignes d'être retracés. Les faits qui nous restent à parcourir se rapportent pour la plupart aux changements que la conquête introduisit à Lure, soit dans l'abbaye, soit dans l'organisation judiciaire et municipale de la ville.

Donnons d'abord une idée de l'aspect que présentait l'ancienne Lure. En 1674, elle était mal peuplée et mal bâtie. Quatre rues seulement en partageaient l'enceinte : la rue des Carmes ou des Prêtres, la Grande-rue, celle de Fahy ou des Capucins, et la rue de la Font. Celle-ci, dans la direction du levant au couchant, était terminée, comme aujourd'hui encore, par le gouffre du

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