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couvent avait droit à la moitié des aumônes et aux deux tiers des offrandes en pain, cierges et deniers, qui se font le lendemain des noces ou le jour des relevailles (1). Je passe sous silence quelques actes d'administration qui sont sans intérêt historique, pour arriver à l'affranchissement des habitants de Lure.

Le milieu du XIIIe siècle fut dans le comté de Bourgogne l'ère des premières franchises. Besançon (1179), Ornans (1244), le bourg de Salins (1249) devinrent libres. Orgelet (1266V.S.), Dole (1274), Faucogney (1275), Arlay (1276), Arbois (1282), Poligny (1288), obtinrent le même bienfait. C'était la maison de Châlons qui se mettait à la tête de ce mouvement généreux. Il gagna bientôt la plupart des monastères, et les bourgs de leur dépendance furent affranchis. Les fiefs de l'empire, limitrophes de la Bourgogne et possédés par des princes et des gentilshommes du Comté cédèrent aussi à l'entraînement général. Montbéliard (1283) et Belfort (1307) reçurent de Renaud de Bourgogne des chartes de commune, et Thiébaud de Faucogney, abbé de Luxeuil, en donna une aux habitants de cette ville (1291). Le siècle suivant ne fut pas moins profitable aux progrès de la liberté. Lure presque seule tardait à changer la condition de ses sujets. Les longues guerres dont elle fut accablée, peuvent excuser sa lenteur; né du désordre et de l'anarchie, le régime féodal se perpétuait sans peine au milieu des invasions et du pillage.

Cependant, en 1318, l'abbaye avait déjà fait un acte d'affranchissement. Elle était en procès avec un habitant de Lure, nommé Vuillemin, qui obtint la liberté pour lui et ses descendants, au prix d'un sacrifice pécu

(1) Invent. des tit. de l'abbaye.

niaire (1). A la fin du XIV° siècle, les religieux tranquilles du côté de la Bourgogne et du pays de Montbéliard, aimés des ducs d'Autriche, qui les comblaient de leurs bienfaits, songèrent enfin aux avantages qu'ils retireraient eux-mêmes d'un affranchissement général. La ville était sans commerce et presque sans habitants ; les terres demeuraient incultes. Quelque sûreté que l'on eût trouvée dans les remparts de Lure, ce n'était plus le temps où l'on achetait une vie plus tranquille en se soumettant à l'esclavage. Pierre de Montbozon craignant que la ville ne devînt déserte, prit le parti d'en proposer l'affranchissement à son chapitre. Cette grave question, longtemps agitée, fut résolue d'une manière favorable et en 1400 (V. S.) les habitants reçurent de l'abbaye la charte de leurs premières libertés (2). Elles comprenaient seulement l'abolition de la main-morte, tant au profit de la population actuelle de Lure que pour ceux qui s'y retireraient plus tard. Quiconque abandonnerait la ville devait retomber par là même sous le joug de la servitude. Tous les droits seigneuriaux étaient expressément réservés, et, malgré cette restriction, la concession des religieux ne s'étendait pas au-delà de la neuvième génération. Le premier acte de ces nouveaux affranchis fut leur refus de contribuer à l'entretien des murailles de la ville. Une sentence arbitrale de 1408 les y condamna, mais en même temps l'abbé leur fit remise de quelques prestations seigueuriales (3).

(1) Inv. des tit. de l'abbaye.-Id. recueil des édits, iv, 70.

(2) L'acte de cet affranchissement n'existe plus; mais il est mentionné dans un grand nombre de titres, et en particulier dans une seconde charte d'affranchissement dont nous parlerons plus tard.

(3) Inv. des tit. de l'abbaye.

D'autres difficultés préoccupaient Pierre de Montbozon. Etienne, comte de Montbéliard était mort en 1397, après avoir partagé sa riche succession entre ses quatre petites-filles. Henriette qui était l'aînée, obtint le comté de Montbéliard avec les seigneuries de Porentruy, d'Etobon, de Granges, de Clerval, de Passavant et de Franquemont. Ces domaines passèrent dans la maison de Wurtemberg, par le mariage d'Henriette avec Eberhard-lejeune (1). L'abbaye de Lure souffrit beaucoup de ce changement. Elle possédait dans la baronnie de Granges une rente considérable sur les salines de Saulnot, que le comte Thierry III, mort en 1282, lui avait libéralement accordée. Un prince étranger tenait moins à entretenir avec les religieux des rapports de bon voisinage. Aussi dès le commencement de son règne, Eberhard refusa-t-il aux moines de Lure les quarante-huit charges de sel qu'ils réclamaient en vertu de la concession de Thierry. Fatigué de leurs instances sans fin, il les menaça de son courroux, s'ils osaient se plaindre devant les tribunaux ecclésiastiques. L'officialité de Besançon ordonna néanmoins, sur les doléances de l'abbé, une enquête juridique (1401), et le résultat en fut favorable aux prétentions de Lure (1402) (2). Malgré la reconnaissance de leurs droits, les religieux ne pouvaient obtenir justice. Ils s'adressèrent au duc de Bourgogne, parce que la baronnie de Granges dont Saulnot faisait partie, dépendait du Comté. Le parlement de Dole fut saisi de cette affaire, et les huissiers de la cour signifièrent un commandement aux officiers de Granges et au receveur de Saulnot (3). J'ignore si l'ab

(1) Eph. de Montbéliard, p. 417.

(2 et 3) Anc. arch. de l'abbaye de Lure, à la préfecture de Vesoul.

baye fut remise alors en possession de ses rentes. Mais elle les recouvra certainement, puisqu'elle en jouissait encore dans le siècle dernier, comme on le voit par des quittances de 1731, 1737 et 1738.

Ces débats engagés par Pierre de Montbozon se continuèrent sous l'administration de son successeur. C'était Jean de Beaumotte, homme habile qui ne fut pas moins cher à la cour de Bourgogne qu'à celle d'Autriche, et que le duc Jean compta parmi ses plus dévoués serviteurs. Plusieurs circonstances font assez connaître la faveur dont l'honorait ce prince. En 1411 une ligue s'était formée contre le roi de France et avait rassemblé toutes ses forces aux environs de la capitale. Jean - sans - Peur -ayant aidé le roi à la dissiper, rendit compte à la duchesse du succès de ses armes. Celle-ci, dès le lendemain (28 octobre), envoya des courriers chargés de lettres pour porter cette heureuse nouvelle au duc et à la duchesse d'Autriche, à la duchesse de Savoie, aux sires de Belvoir et de Neufchâtel, à l'abbé de Lure et à plusieurs autres seigneurs (1). Le 27 septembre 1412, Jean de Beaumotte est témoin d'un accord que le Duc fit au château de Rochefort, avec sa sœur Catherine d'Autriche (2). Il fut chargé en 1416 d'une mission en Allemagne. Le duc de Bourgogne n'avait pas cru pouvoir choisir un envové plus agréable. Il lui fit remettre, en témoignage de sa satisfaction, six tasses d'argent rayées et émaillées et une coupe du même métal enrichie de dorures (3).

(1) Hist. de Bourg, t. II, p. 337.

(2) Manusc. du P. Dunand.

(3) Arch. de la Ch. des comptes de Dijon. Les tasses d'argent étaient du poids de 5 marcs, 3 onces, et du prix de 38 liv. tournois. La coupe

Dans le courant du XIVe siècle, les abbés de Lure n'avaient point reçu l'investiture impériale. C'était le temps où les comtes de Bourgogne empiétaient sur l'abbaye et où la puissance de cette maison religieuse était ébranlée par les plus grandes secousses. Sigismond de Luxembourg, plus vigilant que les empereurs qui l'avaient précédé, se la rattacha d'abord en la recommandant à Etienne, duc de Bavière (8 août 1404). En 1417 il en confirma les immunités, et il chargea Jean de Lupfen, grand bailli d'Alsace, de recevoir les foi et hommage de l'abbé. La même année Jean de Beaumotte obtint encore de Sigismond l'assurance de sa haute protection (1). Les dues d'Autriche n'avaient point cessé d'être les gardiens du couvent et de ses possessions. Dans un titre de 1419, les bourgeois de Lure les reconnaissent en cette qualité, comme ils avouent pour seigneurs immédiats l'abbé et les capitulaires. Hermann Gesler, écuyer et grand maître de la cour d'Autriche, fut témoin de cet acte d'obéissance. Guillaume,marquis d'Hochberg et de Rotelin, bailli de la HauteAlsace, et le comte de Thierstein firent successivement divers voyages à Lure pour assister à de semblables cérémonies (1420-1422). Ils venaient s'installer dans l'abbaye avec une suite nombreuse et ne se retiraient guère sans avoir rançonné le pays ou extorqué de riches présents par la crainte qu'ils inspiraient. Ils parlaient, ils agissaient én maîtres, et lorsque des différends étaient soumis à leur arbitrage, il quittaient Lure sans les avoir terminés, afin d'attirer de nouveaux justiciables devant leur

pesait 2 marcs, 1 once et 13 esterlins. Elle coûta 22 liv. 3 s. 9 den. tournois.

(1) Inv. des tit. de l'abbaye.

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