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La collégiale de Vic possédait aussi un portrait du Bienheureux, qui lui avait été donné par l'évêque Georges de Bade, lequel avait fait ériger dans cette église un autel en son honneur1.

L'existence de ce portrait est attestée par un témoin occulaire qui le vit, entouré des nombreux ex-voto que de pieux pèlerins y avaient déposés en souvenir des guérisons miraculeuses obtenues par l'intercession du Bienheureux. Ce témoin, c'est Volcyr, l'historiographe du duc Antoine, qui visita la vieille église de la collégiale Saint-Etienne en accompagnant ce prince dans son expédition contre les Rustauds.

« Mercredi, jour dixiesme du moys de may de l'an mil > cinq cens vingt-cinq (dit-il au chapitre intitulé: Narra» tion des merveilles du beau Bernard2), le noble prince » d'amour avec le révérendissime seigneur cardinal et » leurs gens, se transportèrent tous ensemble de bonne » heure en l'église canonialle dudit Vy pour ouyr la messe > et servir à Dieu dévotement; laquelle chose faicte et > achevée, se prindrent à contempler l'ymage et pour> traicture du beau Bernard, en son vivant marquis de » Baden, laquelle est en ung tableau attaché contre l'ung des pilliers du jubé de ladicte église et temple, à main > droicte quand on saille du cueur, où il y a certaines espèces de pierres, ferrements, boys, fuseaux et autres » choses incréables, que l'on dit avoir procédé hors des » corps de certains paciens, si comme miraculeusement » et par œuvre divin plus que naturel; mais on ne les tient

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f. V. Dom Calmet et le P. Benoit Picart.

2. L'Histoire et Recueil de la triumphante et glorieuse victoire obtenue contre les .... Luthériens par.... Anthoine .... duc de Calabre, de Lorraine et de Bar, etc.

....

» pour avérées, à cause de ce qu'il n'est encore canonizé > ni approuvé de nostre mère l'Eglise. Laquelle chose nous

ne disons sinon pour incident, puisque ainsi est venue. » à propos, remettant le tout en Dieu, qui est souveraine>ment fort et puissant.

A quelle époque le « tableau » devant lequel s'arrêta Volcyr fut-il remplacé par la statue dont la copie se voit encore aujourd'hui dans l'église paroissiale de Vic? On l'ignore complétement; ce qui paraît certain, c'est que la statue primitive existait dès la seconde moitié du xvie siècle. Elle est décrite, et certaines particularités assez curieuses qui s'y rattachent sont racontées dans un docu-ment que les biographes du Bon Bernard semblent ne pas avoir connu, et qui contredit quelques-unes de leurs assertions c'est une attestation envoyée, en 1645, par les Jésuites de Pont-à-Mousson à leurs confrères de Bade, sur le culte dont le Bienheureux était l'objet à Vic1.

:

Le B. Bernard, de la très-illustre famille de Bade, y est-il dit en substance, est honoré et vénéré dans la ville de Vic, où il a un autel particulier, au côté gauche, à l'entrée du choeur des chanoines. On y voyait autrefois, et l'on y voit encore sa statue, en costume militaire, tenant

1. L'original de cette pièce se trouve aux Archives du département, dans le fonds de la collégiale de Vic; c'est une lettre dont l'adresse porte Reverendo Patri in Christo P. Joanni Gamans soc. Jesu sacerdoti

Badena.

A cet original est jointe une copie intitulée : Copia veteris testimonii de B. Bernardo qui Vici colitur.

Je donne le texte de ce document aux Pièces justificatives, no II. Le jésuite auquel il est adressé, est un de ceux que citent les Bollandistes comme s'étant activement occupé de la recherche des pièces relatives au B. Bernard.

d'une main une lance, de l'autre main un bouclier sur lequel sont six petits cercles sur un champ de gueules.

Mais le cardinal Charles de Lorraine, évêque de Metz, ayant chargé Nicolas Viardin d'une visite du diocèse, celuici vint à Vic et s'informa des miracles accomplis devant l'autel du Bienheureux, et des cérémonies qui s'y célébraient. N'ayant trouvé aucun acte qui établit sa sainteté, il ordonna que sa statue fût portée dans la sacristie et défendit qu'on lui rendît à l'avenir aucun honneur1.

Cette défense provoqua des murmures et du tumulte dans la ville de Vic et aux environs. Les Jésuites de Pontà-Mousson, informés de ce qui s'était passé, par le P. Aubertin, qui était allé récemment à Dieuze, déclarèrent que la plus grave injure avait été faite au Bienheureux Bernard. Ils en avertirent les nobles voisins et le visiteur lui-même, qui s'empressèrent de rétablir le Saint dans les honneurs dont on l'avait dépouillé on fit une nouvelle statue à l'image de la première et on la plaça sur l'au

1. Ce fait, qui dut se passer de 1600 à 1607, sous l'épiscopat du cardinal de Lorraine, confirme le doute que j'ai précédemment émis au sujet de l'assertion de Meurisse touchant l'existence, à Vic, du procès de la vie et des actions miraculeuses de notre Bienheureux.

2. Cette statue, dont nous donnons la reproduction en tête de notre notice, diffère quelque peu de la primitive, ainsi qu'on peut le voir en rapprochant le dessin de la description ci-dessus. Elle est peinte,. et haute de 90 centimètres. Au-dessous du socle qui la supporte est un tronc où les pèlerins déposent leurs modestes offrandes.

Il existe aussi, dans une maison de Vic, un portrait à l'huile où le Bienheureux est représenté coiffé et habillé militairement à la mode de la fin du règne de Louis XV. Ce tableau, d'une assez médiocre exécution, offre néanmoins un certain intérêt de curiosité.

Une lithographie, faite d'après le portrait qui existe dans la galerie du château des Grands-Ducs de Bade à Carslruhe, se trouve en tête du petit volume que j'ai mentionné au commencement de cette notice.

tel, à l'endroit que celle-ci avait occupé; elle devint, plus encore que la précédente, l'objet du culte public, et les miracles s'y renouvelèrent constamment.

La princesse Catherine de Lorraine (abbesse de Remiremont), depuis longtemps malade, y fit un pèlerinage, et, après y avoir accompli une neuvaine, elle vomit des tessons de vases et autres choses semblables, puis s'en retourna guérie. En reconnaissance de ce bienfait, elle fit don à l'autel du Bon Bernard d'une chasuble, d'une dalmatique, d'un devantail et de tentures en damas blanc.

A cet autel, disent les Jésuites en terminant, sont suspendus des ex-voto, et il n'y a pas, dans ces contrées, de pèlerinage plus célèbre que celui du Bienheureux Bernard.

A voir le doute émis par Volcyr, peu porté cependant à l'incrédulité, principalement sur un point qui intéressait l'illustration de la Maison de Lorraine, à laquelle Bernard de Bade se rattachait par sa naissance; à lire le document qui précède, on serait tenté de concevoir quelque in certitude sur le fait de la béatification du jeune prince, et de ne regarder le culte qu'on lui rendait à Vic que comme la continuation d'un usage traditionnel, toléré, mais non sanctionné canoniquement par l'Eglise.

Cela semble résulter encore d'un acte émané de l'autorité épiscopale, et portant la date du 8 octobre 1699 : c'est une ordonnance rendue au château de Vic, par M. du Cambout de Coislin, évêque de Metz, dans le cours de ses tournées pastorales; ordonnance dont l'article 14 est ainsi conçu Comme nous sommes remplis de respect > et de vénération pour les éminentes vertus du saint » homme Bernard de Baden, et pour les merveilles que › Dieu a opérées en son nom, et que d'ailleurs on n'a pû › nous produire aucun acte en forme qui fasse foy de la

béatification, nous avons permis que les honneurs que » l'on rend à ce serviteur de Dieu dans la susditte église » de St-Estienne, continuent comme par le passé sans qu'on puisse y rien innover jusqu'à ce que nous soyons plus amplement informés sur laditte béatification. »

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Quelques années après, les chanoines de Vic s'adressaient à ceux de Montcallier pour en obtenir une attestation touchant les reliques du Bienheureux, sa fête, sa vie, l'office qui se célébrait en son honneur, etc.; et ils en recevaient, le 11 août 1706, le document qu'ils avaient demandé. Malheureusement cette pièce elle-même1 n'est pas satisfaisante on y parle bien, il est vrai, des miracles consignes dans le procès de la béatification; mais les pièces de ce procès, gardées, dit-on, dans les archives de Montcallier, on n'a pu les retrouver à cause des guerres. On ajoute que la Congrégation des Rites a fait défendre l'office qui se célébrait dans la collégiale de cette ville, et a autorisé seulement la collecte ou oraison propre du Bienheureux.

Malgré les démarches des chanoines de Vic, plus de soixante années devaient se passer encore avant que leurs vœux fussent exaucés. Ce fut seulement, en effet, au mois de septembre 1769, et sur les instances d'Auguste-Georges, dernier margrave de la branche de Bade-Bade (mort en 1771), que Clément XIV confirma la béatification et déclara le Bienheureux Bernard patron du Margraviat.

Louis-Constantin de Rohan, cardinal-évêque de Strasbourg, par son mandement du 20 juin 17703, étendit la

1. V. pièce justificative III. 2. Godescard, p. 276.

3. V. pièce justificative V.

V. pièce justificative IV.

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