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DOMBASLE

SON CHATEAU, SON PRIEURÉ,

SON ÉGLISE,

PAR M. HENRI LEPAGE.

I.

Le village dont je vais parler n'a rien de remarquable en lui-même, si ce n'est pourtant la propreté de ses rues et l'élégance de ses constructions, et je n'aurais pas songé à compléter ce qu'en dit la Notice de la Lorraine, si je n'avais désiré enrichir les Mémoires de la Société d'Archéologie de deux jolis dessins représentant une partie de son église et les ruines de son vieux château1.

Tel est le motif de cette monographie. Quelques pièces que j'ai découvertes dans nos Archives et les chartes imprimées dans les preuves de Dom Calmet, m'ont fourni plusieurs particularités qui ne sont peut-être pas tout-à-fait dépourvues d'intérêt.

1. Ces dessins sont dus à la plume de M. Georges Henry, de Dombasle, qui les a lui-même lithographiés.

Suivant un écrivain dont j'oserai me permettre de ne point partager l'opinion, Dombasle tirerait son nom d'une circonstance de localité» Domus Pusilla, petite maison, et son origine remonterait jusqu'à la période galloromaine1. Cette étymologie, toute ingénieuse qu'elle puisse paraître au premier abord, doit être mise au nombre de celles que certains archéologues se sont plu à imaginer et qu'on a trop légèrement reproduites d'après eux.

Le nom du village dont je m'occupe vient simplement de celui de son patron, saint Basle2, solitaire du diocèse de Reims, qui vivait au vie siècle, et dont le culte est assez répandu dans notre pays; d'où il suit que Dombasle n'a pu prendre sa dénomination actuelle que postérieurement à cette époque. Il est fort possible qu'il y ait eu auparavant, sur le bord de la Meurthe, à l'endroit qu'il occupe quelques habitations isolées, mais il n'y avait point d'agrégation importante.

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Le plus ancien titre où il en soit fait mention est un diplôme de l'an 752 par lequel le roi Pépin, à la prière de Chrodegand, évêque de Metz, donne à l'abbaye de Gorze, in pago Iniensi et in comitatu Scarponensi, in villa quæ Domno-busilla vocatur, mansos sex, et ecclesiam cum decimatione, et omni integritate ejusdem villæ.

Ce diplôme, dont l'original n'existe plus, et que l'on ne connaît que par le texte donné dans les preuves de l'Histoire de Lorraine3, a été appliqué à Dombasle, quoique

1. Voy. Revue de Lorraine, t. I, p. 299.

2. Des titres de 1416, 1505 et 1506 portent: Eglise Mr Sainct Baille de Dombaille; église Mgr Sainct Basles de Dompballe; ecclesia Sancti Basolli de Dompno Basollo.

3. T. I, col. 275 de la 1re édition.

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la position topographique de ce village puisse soulever quelques doutes. Il est certain, en effet, qu'il était situé dans le Chaumontois et dans le petit pagus dont Port ou Saint-Nicolas était le chef-lieu. Aussi Dom Calmet croit-il qu'au lieu d'Iniensi, mot qui ne présente aucune signification géographique, il faut lire Seginensi ou Portensi1. Cette rectification, en supposant qu'on l'adopte, ne trancherait encore qu'une partie de la difficulté, car, d'après ce que nous savons, le Scarponais ne s'étendait pas, vers le nord-est, au-delà de Bouxières-aux-Dames, et il faudrait admettre qu'il eût fait momentanément une pointe jusqu'assez avant dans le Chaumontois2. Néanmoins, on doit se ranger à l'opinion généralement reçue, Dombasle étant la seule localité connue à laquelle puisse s'appliquer le diplôme en question.

La dénomination latine de ce lieu se régularise dans les documents postérieurs, tout en se présentant sous des formes diverses ainsi, on trouve, en 1094, DomnusBasolus; en 1122 et 1147, Domna-Basula; en 1157, Dunbasla; Domnus-Bazolus en 1467, et DompnusBasollus en 15064. Les appellations françaises offrent de nombreuses variantes: Donbaile, en 1271, dans une charte latine; Donbaille, en 1394; Dombaille, en 1416, Dombaisle, en 1429; Dompbaille, en 1469; Dompballe, en 1505, et Dompbasle en 15465.

1. Voy. Notice de la Lorraine, art. Dombasle.

2. Voy. Quelques pagi de la Première Belgique, d'après les diplômes de l'abbaye de Gorze, par M. H. d'Arbois de Jubainville, dans les Bulletins de la Société d'Archéologie, t. III.

3. Histoire de Lorraine, t. II, pr., c. 268 et 328.

4. Titres de la collégiale Saint-Georges, aux Arch. de la Meurthe. 5. Ibid., et titres de la cure de Dombasle, ibid.

Dès le xe siècle1, ce village donnait son nom à une famille, l'une des plus vieilles de l'ancienne chevalerie lorraine, et que Dom Calmet fait descendre de celle de Blâmont; elle portait, dit-il, de sable à deux saumons adossés d'argent, l'écu semé de croix recroisetées, au pied fiché d'argent. Cette famille, qui fut alliée aux du Châtelet, aux Nancy, aux Fléville, aux Marchéville, se fondit dans celle de Lucy par le mariage de Marguerite avec Jean de Lucy, à qui elle apporta en dot, en 1420, la terre de Dombasle.

Un descendant de ce dernier, dont le souvenir mérite d'être conservé, Vary, prieur commendataire de Flavigny, se distingua par ses pieuses et intelligentes libéralités : en 1546, il fonda deux bourses au collège de la Marche, à Paris, pour y entretenir à l'étude, pendant huit ans deux enfants nés à Dombasle, Grand-Vezin, Hudiviller, Crévic ou Anthelupt; et, l'année suivante, il fit une nouvelle fondation pour aider à marier cinq pauvres filles de ces mêmes villages et de Flavigny.

La terre de Dombasle, qui formait deux seigneuries distinctes, fut possédée, depuis le xvie siècle, par plusieurs familles en 1506, Ferry de Savigny en avait une portion. Claude des Armoises, bailli de l'évêché de Toul, tenait, un peu plus tard, la seigneurie dite des Armoises, qui fut vendue au duc Charles III, en 1585. En 1613, Charles d'Haraucourt, seigneur de Germiny, Dombasle et autres lieux, et Ferry d'Haraucourt, acquirent du duc Henri II, en échange de partie de la terre d'Amelécourt, ce que ce prince possédait en la seigneurie de Dombasle, dite le ban de la Vaux. En 1655, Ferry d'Haraucourt, et Charles de

1. Voy. les chartes de 1122, 1147 et 1157, rappelées ci-dessus.

Stainville en 1673, se qualifient vicomtes de Dombaste. En 1712, cette seigneurie appartenait à la maréchale de Bassompierre, et en 1747, au comte de Ligny1.

Le village formait deux bans distincts, ayant chacun son maire et ses officiers de justice : l'un s'appelait le ban de Lamont ou des Seigneurs ; l'autre, le ban de la Vaux, Laval ou Saint-Gergonne, du prieuré Saint-Gorgon de Varangéville, qui y avait certains revenus, et ceux qui y résidaient s'appelaient les Gergonnets. Il y avait enfin treize maisons dites le Petit-Saint-Nicolas, où le prieur de Saint-Don et le chapitre de Saint-Georges se partageaient la dime.

C'est sur le ban de Lamont que s'élevait le château2 dont on voit encore les ruines, que représente, sous leurs différents aspects, le dessin de M. Henry3.

Ce château s'appelait la Mothe ou la Motte", et les seigneurs qui le possédaient prenaient également ce nom : l'un d'eux, qui vivait sur la fin du xive siècle, se qualifie, en 1394, Jehans de Donbaille, estuier, sire de la Motte de Donbaille », et en 1396, « Jehan de lai Moutte, dit de Dombaille ».

1. Titres de la collégiale Saint-Georges.

2. Suivant Dom Calmet, dans sa Notice, et Durival, dans sa Description de la Lorraine, il y avait à Dombasle un second château appelé Florainville. Je n'en ai trouvé de mention dans aucun titre, mais une maison du village, qui n'a rien de remarquable, en a conservé le nom.

3. Nous devons faire observer que ce dessin ayant été reporté sur la pierre tel qu'il avait été exécuté, il se trouve retourné, c'est-à-dire que la droite du monument est à gauche, et réciproquement.

4. Il y a encore un bois de ce nom, dans le voisinage, sur le territoire de Flainval.

5. Archives de la Meurthe, titres de la cure de Dombasle, et Trésor des Chartes, layette Vaudémont domaine, no 149.

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