Dans les documents du moyen âge, je vois Berthaucourt mentionné dans le traité ci-dessus, du 11 juin 1375; je le vois aussi figurer dans une sentence rendue à Clermont (en Argonne), le 27 novembre 1470', et dans une attestation donnée à Pontoise, le 12 février 1507, par Pierre Dimanche, curé de Berthaucourt au diocèse de Verdun. A partir de cette époque, il n'est plus fait mention de cette localité dans l'Histoire de l'abbaye de Beaulieu, de laquelle elle dépendait ; ce qui fait présumer qu'elle a été détruite dans les guerres du xvie siècle; depuis lors, elle ne s'est point relevée de ses cendres, et son ter ritoire a été partagé entre les communes de Lavoye et de Froidos; l'église et la maison de cure restèrent seules debout après la destruction du village, et il paraît qu'en 1623, ces bâtiments étaient dans un tel état de ruine, que l'évêque de Verdun ordonna la translation de cette paroisse à Lavoye, par l'acte qui suit : François de Lorraine, par la grâce de Dieu et du » Saint-Siége apostolique, évesque et comte de Verdun, » prince du Saint-Empire, savoir faisons que comme ainsi » soit par cidevant et anciennement les habitants de La» voye, Froido, Maulgarny et La Vallée ayant eu pour » mère église celle de Berthaucourt située seule avec la » maison presbitérale, au milieu des champs, éloignée des dits Lavoye et Froido, sur les frontières de France » et de Lorraine et proche des grands bois, exposée à » l'injure des gens de guerre et voleurs, de sorte que le › curé ou vicaire perpétuel aurait esté contraint dès long > longtemps abandonner le lieu, et se retirer à l'un ou 1. Histoire manuscrite de l'abbaye de Beaulieu, 2. Ibid. » l'autre des dits villages de Lavoyx ou de Froideau, quí » aurait causé la ruine entière de la ditte maison presbi> térale et d'une bonne partie de la ditte église, au détri» ment des âmes desdits habitants, ne pouvant le curé > leur administrer les sacrements en tems et lieu dont plusieurs à ce sujet ont été frustrez, pour à quoy obvier, » nous avons avec l'advis des gens de notre conseil ecclésiastique, arrêté, après avoir ouy les habitans des dits > lieux de Lavoyx et Froido, et attendu qu'en l'un et à l'autre villages y a églises avec fonts baptismaux, que le » curé ou vicaire perpétuel de la dite paroisse fera rési»dence ordinaire au lieu de Lavoyx, y fera services di vins, ainsi qu'il soulait faire en l'église de Berthaucourt, » etc., le mardi 7 novembre 1623. En foy de quoy nous » avons à ces présentes, signées de nous, du greffier et » secrétaire de nostre court, fait apposer le scel de la ditte court'. Signé : François de Lorraine. Fourier. Ces édifices avaient totalement disparu à la fin du xviie siècle, puisque Dom Pierre Baillet ajoute un peu plus loin, dans son Histoire manuscrite de Beaulieu : « j'ay » vu un des anciens qui avoient assisté au saint sacrifice » de la messe en cette église; elle ne subsiste plus au» jourd'hui, » c'est-à-dire en 1772, époque où il terminait son Histoire. Les substructions de la localité gallo-romaine qui fait le sujet de cet article, occupent toute la vallée depuis les bords de la rivière d'Aire jusqu'au pied de la chaîne des monts de Beaulieu, sur une longueur de 900 mètres et une largeur de 2 kilomètres environ; elles s'étendent dans les contrées de la Grande et de la Petite-Vérine, des 1. Histoire manuscrite de l'abbaye de Baulieu. Rougettes, des Noires-Terres, du Chaufour, de Berthaucourt, etc. Cette localité était traversée dans sa longueur, du nord au sud, par la voie romaine qui venait des Ardennes et se dirigeait sur Saint-Mihiel; une autre voie, partant de ce point et se dirigeant sur Montmédy, passait par Ville et au-dessus de Jubécourt; j'en ai retrouvé la trace sur les territoires de Bethelainville, Lavignéville et Montzéville, où on l'appelle Chemin des Roullieux; ce n'est qu'à Béthaincourt qu'elle prend le nom de Chemin des Romains. En 1839, lorsque l'administration départementale fit établir la route de Bar à Clermont, on rencontra l'ancienne voie romaine des Ardennes, nommée le Haut-Chemin, qui traversait les territoires de Froidos, Lavoye et Autrécourt à l'ouest, ce travail procura la découverte d'un grand nombre de monnaies impériales en argent et en bronze, ainsi que des fers de lances, fers de chevaux et éperons (Fig. 8 et 9). En octobre 1852, des habitants firent des fouilles dans les chènevières du Chaufour, derrière les jardins de Lavoye; averti de leur travail, je me rendis sur les lieux, et j'y vis des vestiges d'habitations gallo-romaines à découvert; on distinguait facilement une rue et les traces de maisons qui avaient existé de chaque côté; des fondations de l'une d'elles on retira six énormes blocs de pierre de taille, qui étaient sculptés, et représentaient en reliefs divers sujets (fig. 10 à 16). L'aire de la pièce d'où l'on a extrait ces sculptures, et qui avait environ trois mètres carrés, était composé de ciment très fin, rouge et blanc, de six centimètres d'épaisseur et parfaitement conservé; on découvrit aussi des conduits en briques, des fûts et des bases de colonnes d'ordre toscan (fig. 10 et 11). Les fouilles ne s'étendirent pas plus loin. Dans la contrée de la Grande-Vérine on découvrit, en 1834, un four à construire la poterie, ainsi que les vestiges des bâtiments qui composaient cette manufacture; mais, ne l'ayant appris que trop tard, je n'ai pu me rendre sur les lieux pour décrire la forme et les proportions de ce four, ce qui est à regretter, car on possède encore bien peu de documents sur ces établissements, où l'art de fabriquer la poterie était porté à un degré de perfection auquel nous n'atteignons qu'à peine. Les produits de cette usine étaient de diverse nature : non-seulement on y tournait la poterie culinaire, mais on y coulait aussi des coupes, des patères, des lampes et des verres de luxe de grandes dimensions, en terre rouge, d'une pâte très-fine designée sous le nom de terra Campana; ils étaient ornés, pour la plupart, de guirlandes de feuillages, de trépieds, de divinités, de personnages, d'animaux divers, de chasses et de combats; sur un fragment de l'un d'eux on lit imprimé en relief le nom du fabricant : L. SANVCIVS F. (fig. 18). On rencontra, dans les terrains environnants, des moules brisés qui ont servi à la fabrication de ces belles poteries, dont les nombreux amas de tessons rouges ont peut-être fait donner à la contrée le nom des Rougettes. Les vases que l'on vient de mentionner étaient formés dans des moules portant en creux l'empreinte des ornements, personnages, animaux, etc., qui devaient être imprimés en relief sur leurs contours; ces moules étaient faits en terre cuite rougeâtre d'un grain assez fin, sans couverte, et composés de plusieurs pièces; j'en possède encore un fragment (fig. 26) ayant servi à mouler une frise décorée d'oves séparés les uns des autres par des cordons terminés par un gland, outre un échantillon que j'ai donné dans le temps à feu M. Denis, de Commercy, doyen des antiquaires du département de la Meuse. Ces deux fragments ont été trouvés sur le territoire d'Autrécourt, dans la contrée des Rougettes, au milieu des ruines des antiques fabriques de poterie qui existaient à Autrium. Le brillant des poteries rouges est dû à une couverte ou vernis que les potiers appliquaient sur le vase lorsqu'il était sec, et qui durcissait au four en même temps que le vase lui-même. Cette couverte ou vernis n'est point, à ce qu'il paraît, métallique; on pense qu'elle était préparée avec une terre plus fine que celle des vases, puis étendue au pinceau. On pense aussi généralement que, pour obtenir la teinte si uniforme des belles poteries rouges que l'on rencontre par toute la France et ailleurs, on mélangeait avec la terre une matière rouge pulvérisée, avant de former les vases, et que ce pourrait être de l'oxide de fer. Lorsqu'en 1854 on découvrit le four à poterie, on déblaya en même temps un puits d'origine romaine, qui était tout à côté; mais il ne contenait que des pièrrailles, des charbons et des cendres, parmi lequels se trouva cependant un denier d'argent, d'une parfaite conservation, à l'effigie de Domitien; j'ai lieu de croire, d'après ce que m'ont dit depuis ceux qui avaient voulu vider ce puits, qu'on n'était point allé jusqu'au fond. Il ne faut creuser qu'à une faible profondeur pour rencontrer les substructions des nombreuses habitations antiques, dont les débris jonchaient autrefois la surface du sol, et ont servi à bâtir les villages d'Autrécourt et de Lavoye. De tout temps, le sol a restitué des quantités |