LE BIENHEUREUX BERNARD DE BADE, PAR M. HENRI LEPAGE. I. Parmi les personnages à qui la sainteté de leur vie a fait mériter d'être honorés après leur mort, il en est un que mentionnent plusieurs de nos historiens, mais qui, malgré son origine princière et l'illustration de sa famille, est resté généralement inconnu. C'est seulement sur les bords de la Seille, dans certaines parties de la Lorraine allemande et du Pays messin, que sa mémoire est encore en vénération, et c'est de là que continuent à venir, chaque année, de pieux pèlerins s'agenouiller devant la statue qui se conserve dans l'église paroissiale de Vic, l'ancien chef-lieu du bailliage seigneurial de l'évêché de Metz. On a gardé aussi son souvenir à Verdun-sur-Meuse et, plus loin de nous, dans le Grand-Duché de Bade' et à Montcallier, petite ville située aux environs de Turin. 1. On a imprimé à Bade, en 1858, sous ce titre: Bernhard von heilige, markgraf von Baden, un petit volume en allemand qui contient l'office et les litanies du B. Bernard. Ce personnage, c'est le Bon ou, comme on l'appelle vulgairement aussi, le Béat Bernard; et beaucoup de ceux-là mêmes qui l'invoquent ignorent son véritable nom et ne savent pas un mot de son histoire. Il y a donc utilité peut-être à les éclairer sur ce double point, et à leur dire ce qu'était le Bienheureux auquel s'adressent leurs prières. II. Charles II, duc de Lorraine, eut de son mariage avec la fille de l'empereur Robert, la vertueuse Marguerite de Bavière, morte en odeur de sainteté, deux princes décédés en bas âge, et deux filles : Isabelle et Catherine. La première épousa René d'Anjou, qui hérita du trône de son beau-père; la seconde fut mariée, vers 1426, à Jacques, marquis ou margrave de Bade, et lui apporta en dot 40,000 florins de bon or, dont le paiement fut assigné sur les recettes de Saint-Dié, Raon et Dompaire. Jacques se fit même bâtir, dans la première de ces villes, en un lieu appelé la Cour, une espèce de château où il fixa momentanément sa résidence1. La sagesse qu'il fit constamment paraître dans sa conduite privée et publique; le soin qu'il eut de maintenir la paix dans ses terres, au milieu des troubles qui agitaient ses voisins; sa libéralité envers les églises, sa charité pour les pauvres, son équité à l'égard de tous ses sujets, lui méritèrent, dit un agiographe, le surnom de Salomon de l'Allemagne2. 1. Benoit Picart, Supplément à l'histoire de la Maison de Lorraine, p. 105; Gravier, Histoire de la ville de Saint-Dié, p. 180. 2. Godescard, Vies des Saints, t. VI, p. 273. |