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SUR

UN ORDO DU DOUZIÈME SIÈCLE,

PAR M. AUG. DIGOT.

Le village de Vandières, situé à sept kilomètres au nord de Pont-à-Mousson, et près de l'endroit où le Trey se jette dans la Moselle, possédait une église romane, dont la construction paraissait remonter à la seconde moitié du XIIe siècle. Cet édifice, qui était fort exigu, étant devenu tout-à-fait insuffisant, à cause de l'augmentation de la population, laquelle s'élève maintenant à sept cent cinquante personnes environ, on fut obligé de le démolir en 1849, pour construire une église nouvelle. Les maçons, occupés à ce travail de destruction, découvrirent dans l'épaisseur même d'un mur, et au milieu d'une épaisse couche de mortier, un manuscrit fort délabré, qu'ils s'empressèrent de remettre à M. l'abbé Bar, curé de Vandières, et que ce dernier offrit à la bibliothèque du petit-séminaire de Pont-à-Mousson.

Le manuscrit, examiné une première fois par un ecclésiastique dont je ne connais pas le nom, m'a été confié par

M. l'abbé Claude, supérieur du petit séminaire, et j'ai pu l'étudier à loisir et avec toute l'attention qu'il mérite. Il suffit d'en lire une page pour y reconnaître un ordo ou directoire, c'est-à-dire un de ces calendriers à l'usage de l'Église, indiquant, avec les plus grands détails, tout ce qui concerne l'échéance des fêtes, la couleur des vêtements ecclésiastiques, l'office que l'on doit dire et la messe que l'on doit célébrer pour chacun des jours de l'an'. J'ajoute que c'est un ordo perpetuus, et dont la durée devait être indéfinie. L'imprimerie permet maintenant de publier des directoires annuels; mais, avant son invention, les livres coûtaient fort cher, et l'on se servait, au moins dans les paroisses rurales, dont les ressources ont toujours été bornées, de directoires perpétuels, que l'on renouvelait très-rarement, c'est-à-dire lorsqu'ils devenaient illisibles par suite d'un long usage. On imprime même encore des directoires de ce genre, et, quand on s'est familiarisé avec eux, il n'est pas beaucoup plus difficile de s'y retrouver que dans les directoires annuels.

Au moyen âge, on avait l'habitude d'attacher, chaque année, au cierge pascal une pancarte indiquant l'échéance de toutes les fêtes mobiles, lesquelles suivent,, comme on sait, l'échéance de Pâques ; et dans les églises où l'on ne

1. Il n'est pas facile de deviner la cause de l'enfouissement de l'ordo. Ce qui pourrait toutefois jeter un certain jour sur cette question, c'est que, au commencement du XVIIIe siècle, en démolissant un vieux château, dans la province de Bretagne, on a découvert, au milieu d'un mur, un calendrier en bois, fort curieux, que le savant Lancelot a fait connaître (V. Mémoires de l'Académie des Inscriptions, 1re série, t. ix, Hist., p. 233-242). Atta chait-on au dépôt de ce calendrier et de notre ordo quelqu'idée religieuse, ou n'était-ce qu'une coutume analogue à celle que nous avons de placer des monnaies dans les constructions nouvelles?

prenait pas cette précaution, il existait ordinairement, en un lieu apparent, un tableau où l'on avait marqué, pour un grand nombre d'années, les jours où l'on devait célébrer la fête de Pâques', comme sur le premier feuillet des paroissiens actuels; ou du moins les chiffres nécessaires pour que les personnes un peu versées dans ces matières pussent déterminer elles-mêmes, chaque année, l'échéance de cette fête importante, et par conséquent de celles qui lui sont subordonnées. D'un autre côté, l'ordo perpetuus, qui se trouvait dans toutes les églises, contenait les prescriptions relatives soit aux fêtes mobiles, soit aux fêtes fixes, avec des explications détaillées sur les changements que le mouvement des premières pouvait causer dans la célébration des offices, et, au moyen du tableau pascal et du livret, les choses se passaient aussi régulièrement qu'aujourd'hui.

Ceci rappelé, j'arrive à l'examen de l'ordo perpetuus de Vandières. C'est un petit volume, en parchemin d'assez bonne qualité, haut de 17 à 18 centimètres, large de 12 centimètres environ. Je dis environ, car l'humidité du mortier, au milieu duquel le manuscrit a séjourné pendant six siècles et demi, l'a considérablement endommagé en bas et à droite, en sorte que beaucoup de fragments de parchemin se sont déjà détachés, et que, sur plusieurs points, il semble prêt à tomber en poussière, sous la moindre pression de la main. Dans son état actuel, il se compose de 35 feuillets; mais il en avait primitivement davantage. En effet, au moment même de la découverte,

1. V. Sur quelques antiquités de Périgueux, par l'abbé le Beuf, dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions, 1re série, t. XXIII, Hist., p. 208-211.

quelques feuillets du commencement se sont égarés, et on voit encore, à l'angle du 35e et dernier, les débris d'un autre feuillet, qui était également couvert d'écriture. L'ordo de Vandières était, comme la plupart des manuscrits du moyen âge, composé de cahiers de quatre feuilles (ou quaternions), formant par conséquent 8 feuillets ou 16 pages. Les feuillets actuellement cotés 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 17 constituaient un quaternion, lequel devait être le troisième. Le quatrième comprenait les feuillets 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24 et 25. Quant à ceux qui sont maintenant cotés 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9, ils ont formé primitivement deux quaternions, de huit feuillets chacun, et comme il n'en reste que neuf, il s'ensuit que nous en avons perdu sept. Ces sept feuillets égarés doivent être les 1er, 2a, 3o, 6o, 7o et 8o du premier quaternion, et le 8e du second quaternion; car il y a bien certainement des lacunes considérables au commencement, entre les restes de ces deux quaternions, et entre le second et le troisième; et ceci résulte non-seulement de l'absence de nombre de fêtes que l'on célébrait alors; mais encore de ce que l'on ne remarque pas sur certains feuillets les taches que les initiales tracées avec du cinabre auraient faites sur ces feuillets s'ils s'étaient trouvés voisins de ceux qui nous offrent les initiales.

Quoiqu'il en soit, chaque page renferme 24 lignes longues, placées entre des raies nettement tracées à la mine de plomb. L'écriture est une minuscule fort correcte, qui présente tous les caractères de la minuscule employée, en France, pendant la seconde moitié du xe siècle, et qui a notamment beaucoup d'analogie avec l'écriture d'un manuscrit de la bibliothèque impériale', exécuté avant l'an

1. Ancien fonds latin, no 1067, in-4o, vélin.

née 1178, et dont M. N. de Wailly a donné un fragment dans ses Éléments de Paléographie'. Les initiales ont été peintes avec une encre rouge, composée de cinabre et trèséclatante, et on s'est servi de la même encre pour tracer divers signes destinés à servir de points de repère, et pour appeler l'attention sur certains mots, au moyen d'un trait assez fort. Les abréviations sont innombrables, comme dans les directoires actuels, et il n'est pas toujours facile de les déchiffrer. Elles offrent, du reste, une grande analogie avec celles que l'on emploie encore aujourd'hui dans les livrets dont je viens de parler.

Pour bien faire comprendre ce qui me reste à dire, je dois ajouter que le village de Vandières, qui est dans le département de la Meurthe, arrondissement de Nancy, canton de Pont-à-Mousson, et dans le diocèse de Nancy, était autrefois dans le duché de Lorraine et dans le diocèse de Toul. L'abbesse de Saint-Pierre de Metz y était décimatrie, et l'église paroissiale était et se trouve encore dédiée à saint Géréon, un des martyrs de la légion Thébéenne. Nous devons donc nous attendre à trouver dans l'ordo qui fait l'objet de cette note la liturgie de Toul telle qu'elle était au xire siècle, c'est-à-dire la liturgie romaine, avec adjonction de quelques fêtes particulières au diocèse.

Les directoires actuels sont ordinairement précédés de quelques instructions destinées à guider le clergé dans les difficultés qui peuvent se présenter de temps en temps. La perte des premiers feuillets de notre manuscrit ne permet pas de savoir s'il contenait aussi des instructions préliminaires du même genre. La chose est possible; cependant

1. V. tome 11, planche vi, no 7.

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