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ZATIME.

Madame, le secret m'est surtout ordonné.

ATALIDE.

Malheureuse, dis-moi seulement s'il respire.

ZATIME.

Il y va de ma vie, et je ne puis rien dire.

ATALIDE.

Ah! c'en est trop, cruelle. Achève, et que ta main
Lui donne de ton zèle un gage plus certain.
Perce toi-même un cœur que ton silence accable,
D'une esclave barbare esclave impitoyable.
Précipite des jours qu'elle me veut ravir;
Montre-toi, s'il se peut, digne de la servir.
Tu me retiens en vain; et dès cette même heure,
Il faut que je le voie, ou du moins que je meure.

SCÈNE IX.

ATALIDE, ACOMAT, ZATIME.

ACOMAT.

Ah! que fait Bajazet? Où le puis-je trouver,
Madame? Aurai-je encor le temps de le sauver?
Je cours tout le Serrail; et même dès l'entrée'
De mes braves amis la moitié séparée

A marché sur les pas du courageux Osmin;

1645

1650

1655

Le reste m'a suivi par un autre chemin.

1660

Je cours, et je ne vois que des troupes craintives
D'esclaves effrayés, de femmes fugitives.

1. Dans les anciennes éditions, surtout, aussi bien que partout, est toujours
en deux mots. Sur tout pourrait, à la rigueur, ici, et plus haut, au vers 1329,
prêter à un double sens et signifier soit : « au sujet de tout, » soit : « par-dessus
tout. » Ce dernier sens est le vrai dans les deux endroits.

2. Var. Je cours tout ce palais; et même dès l'entrée (1672)

ATALIDE.

Ah! je suis de son sort moins instruite que vous.

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Et ce qui va bien plus vous étonner,
Orcan lui-même, Orcan vient de l'assassiner.

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Désespéré d'avoir manqué son crime,
Sans doute il a voulu prendre cette victime.

ATALIDE.

Juste ciel, l'innocence a trouvé ton appui1.
Bajazet vit encor, Visir, courez à lui.

1. Var. Juste ciel, l'innocence a trouvé votre appui. (1672)

1670

ZAÏRE.

Par la bouche d'Osmin vous serez mieux instruite.

Il a tout vu.

SCENE XI.

ATALIDE, ACOMAT, ZAÏRE, OSMIN.

ACOMAT.

Ses yeux ne l'ont-ils point séduite?

Roxane est-elle morte?

OSMIN.

Oui, j'ai vu l'assassin

Retirer son poignard tout fumant de son sein.
Orcan, qui méditoit ce cruel stratagème,
La servoit, à dessein de la perdre elle-même;
Et le Sultan l'avoit chargé secrètement
De lui sacrifier l'amante après l'amant.

Lui-même, d'aussi loin qu'il nous a vus' paraître :

<< Adorez, a-t-il dit, l'ordre de votre maître2;

«

De son auguste seing reconnoissez les traits,
Perfides, et sortez de ce sacré palais. »

1675

1680

A ce discours, laissant la Sultane expirante,

1685

Il a marché vers nous; et d'une main sanglante
Il nous a déployé l'ordre dont Amurat

Autorise ce monstre à ce double attentat.

Mais, Seigneur, sans vouloir l'écouter davantage,
Transportés à la fois de douleur et de rage,

1690

Nos bras impatients ont puni son forfait,

1. On lit vu (veu, veú) dans les éditions de 1676-1697; celle de 1672 a : Fus

(veûs).

2. Var. a Connoissez, a-t-il dit, l'ordre de votre maître,

Perfides; et voyant le sang que j'ai versé,

Voyez ce que m'enjoint son amour offensé. »

[A ce discours, laissant la Sultane expirante.] (1672)

Et vengé dans son sang la mort de Bajazet.

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Près de ces lieux, Seigneur, craignant votre secours,
Avoit au nœud fatal abandonné ses jours.
Moi-même des objets j'ai vu le plus funeste,
Et de sa vie en vain j'ai cherché quelque reste :
Bajazet étoit mort. Nous l'avons rencontré
De morts et de mourants noblement entouré,
Que vengeant sa défaite, et cédant sous le nombre,
Ce héros a forcés d'accompagner son ombre.
Mais puisque c'en est fait, Seigneur, songeons à nous.

ACOMAT.

Ah! destins ennemis, où me réduisez-vous?
Je sais en Bajazet la perte que vous faites,
Madame; je sais trop qu'en l'état où vous êtes
Il ne m'appartient point de vous offrir l'appui
De quelques malheureux qui n'espéroient qu'en lui.
Saisi, désespéré d'une mort qui m'accable,
Je vais, non point sauver cette tête coupable,
Mais redevable aux soins de mes tristes amis,

1. Var. Ne le saviez-vous pas? ATAL. O ciel! OSM. Cette Furie
[Près de ces lieux, Seigneur, craignant votre secours,]
Avoit à ce perfide abandonné ses jours.

[Moi-même des objets j'ai vu le plus funeste.] (1672)

1700

1705

1710

Défendre jusqu'au bout leurs jours qu'ils m'ont commis.
Pour vous, si vous voulez qu'en quelque autre contrée
Nous allions confier votre tête sacrée,

Madame, consultez : maîtres de ce palais,
Mes fidèles amis attendront vos souhaits;

1715

Et moi, pour ne point perdre un temps si salutaire,
Je cours où ma présence est encor nécessaire;
Et jusqu'au pied des murs que la mer vient laver,
Sur mes vaisseaux tout prêts je viens vous retrouver.

SCÈNE XII.

ATALIDE, ZAÏRE.

ATALIDE.

Enfin, c'en est donc fait; et par mes artifices,
Mes injustes soupçons, mes funestes caprices,
Je suis donc arrivée au douloureux moment
Où je vois par mon crime expirer mon amant.
N'étoit-ce pas assez, cruelle destinée,
Qu'à lui survivre, hélas ! je fusse condamnée?
Et falloit-il encor que pour comble d'horreurs,
Je ne pusse imputer sa mort qu'à mes fureurs?
Oui, c'est moi, cher amant, qui t'arrache la vie :
Roxane, ou le Sultan, ne te l'ont point ravie.
Moi seule, j'ai tissu le lien malheureux
Dont tu viens d'éprouver les détestables nœuds.
Et je puis, sans mourir, en souffrir la pensée?

1725

1730

1. Consulter a ici le sens de délibérer avec soi-même, comme dans le vers 820
du Cid (acte III, scène m):

Je ne consulte point pour suivre mon devoir.

2. Il y a maître, au singulier, dans l'édition de 1697. Nous avons adopté la
leçon beaucoup plus vraisemblable des éditions antérieures.

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